Par Marc Giovaninetti
Né le 1er janvier 1924 à Paris, mort en 1978 ; berger, plâtrier ; militant communiste de Paris et de l’Hérault ; résistant FTPF ; membre du bureau national de l’UJRF ; membre du secrétariat fédéral du PCF de l’Hérault.
Robert Teff naquit à Paris dans une famille juive originaire de Lettonie qui avait fui les pogroms. La date de naissance n’est pas assurée et l’absence d’arrondissement ne permet pas de confirmer. Ses parents, comme beaucoup des membres de cette communauté immigrée, travaillaient comme artisans dans la confection. Le garçon ne poussa pas ses études au-delà du certificat d’études primaires.
Quand la guerre éclata, la famille partit se réfugier dans le Midi, à Béziers, où l’adolescent se retrouva sans contact avec les jeunes communistes dont il était déjà sympathisant. Il pratiqua pendant ces premières années de guerre le métier de berger dans l’Aveyron.
En 1943, toute la famille fut arrêtée, à l’exception de Robert qui réussit à se cacher. Son père ne rentra pas de déportation. En novembre 1943, par l’intermédiaire d’un de ses camarades, Robert Teff intégra un maquis FTPF dans la région de Figeac, dans le Lot. Il fut d’abord chef d’un groupe de combattants, puis membre de l’équipe de sécurité du département. À la Libération, il était à Cahors, le 18 août 1944, les combattants FTP faisant alors office de « police militaire ». Il termina la guerre avec le grade d’adjudant FFI.
Il se réinstalla à Béziers où il devint rapidement un cadre prometteur du PCF et surtout des Jeunesses communistes, lesquelles se transformaient en UJRF au congrès de Pâques 1945. Il pratiquait alors le métier de plâtrier. Après avoir suivi l’école de section du PCF de Béziers, il devint membre du comité de section de la ville ; il était déjà au secrétariat de l’UJRF locale, et membre de la commission syndicale de l’UD et des travailleurs du bâtiment. En septembre, poussé par les éloges des responsables locaux qui le considéraient comme un « excellent camarade, très dévoué et travailleur », il suivit l’école nationale de la jeunesse dont il tira également des appréciations prometteuses : « Intelligent. De la personnalité… Rédige bien… A beaucoup travaillé. Cherche tenacement à comprendre. Peut faire un bon dirigeant. » Les responsables aux cadres se posaient cependant la question de son affectation prioritaire. Ce fut d’abord le mouvement de jeunesses.
Au congrès de mai 1948 de l’UJRF à Lyon, il intégra son comité national. En 1949, il était déjà considéré comme suffisamment qualifié pour diriger une délégation de l’UJRF invitée pendant une quinzaine de jours en Allemagne de l’Est par leurs homologues de la Freie Deutsche Jugend. Le congrès de décembre 1950 à Gennevilliers le voyait promu au bureau national d’une organisation dirigée par Léo Figuères qui passait le relais à Guy Ducoloné, et à vrai dire en plein déclin après la période triomphaliste de la Libération. Il devenait alors permanent appointé.
Entre temps, Robert Teff avait connu son heure de gloire au plan local. Lors des mouvements d’opposition à la guerre d’Indochine, il fut arrêté et détenu quelques temps à la maison d’arrêt de Montpellier. Au mois de mars, une manifestation rassembla les militants devant le bâtiment pour exiger sa libération. Au cours des échauffourées qui s’ensuivirent, un CRS blessa grièvement à l’œil d’un tir de grenade Michèle Domenech, future députée, qui perdit la vue.
Le militant, désormais surveillé de près, dut entrer dans une forme de quasi-clandestinité après le « complot » (selon le PCF) de l’affaire des Pigeons. Il semble qu’après l’épisode montpelliérain, le militant désormais aguerri ait été affecté à la direction du Secours populaire, encore placé sous la responsabilité de Pierre Éloire juste avant l’ère Julien Lauprêtre.
Il traversa en tout cas de 1953 à 1959 une période sombre dans sa vie militante. Affecté en juin 1953 à la section d’organisation, il ne s’y plut manifestement pas, puisqu’il demanda à en être relevé pour retourner travailler dans le privé en mars 1954. Cette dernière date correspondant exactement à la mise à l’écart d’Auguste Lecœur au bénéfice de Marcel Servin, on peut supposer que Teff n’apprécia pas la façon dont le procédé fut mené. On lui reconnaissait d’ailleurs, en parallèle à sa grande intelligence et sa sensibilité, un « esprit non conformiste, toujours en éveil ». D’après son ami de l’UJRF Louis Minetti, il pouvait même aller jusqu’à « déranger », ce qui ne le servait certainement pas en ces rudes temps de guerre froide et de stricte discipline. Il continua à être rattaché à une cellule de Saint-Ouen, rattachée à la fédération du Paris-Ouest, mais sans y exercer aucune responsabilité, et en se voyant infliger un rapport des plus sévères : son « attitude mauvaise envers les camarades responsables à Saint-Ouen » aurait confiné à une « attitude anti-parti ».
Il échappa à l’exclusion ou à la démission en demandant à être réaffecté dans l’Hérault en 1959. Là, enfin, il donna toute sa mesure. On lui décerna deux ans plus tard un satisfecit de bon militantisme : « bonne activité ; dévoué et très attaché au Parti. Est capable et peut rendre de très grands services en veillant à sa tendance “avant-gardiste” ». Dont acte. Il fut élu au comité fédéral en avril 1961, membre du secrétariat de la section de Montpellier et administrateur du journal fédéral. Promu au bureau fédéral en 1962, réélu en 1964, il intégra en 1965 le secrétariat fédéral. Il y resta pendant douze ans, jusqu’en 1977. Maintenu alors au bureau fédéral, il décéda l’année suivante, à l’âge de cinquante-quatre ans.
Marié deux fois, Robert Teff a eu deux fils de son premier mariage.
Par Marc Giovaninetti
SOURCES : Archives du CN du PCF. – L’Avant-Garde, n° 189, 12 mai 1948, n° 323, 3 janvier 1951. – DBMOMS, notices Marcel Tassy, Michèle Domenech. – Pierre Calmette, C’était si loin Paris, Éd. des Ateliers de la Licorne, Clermont-l’Hérault, 1998. − Louis Minetti, De la Provence au Sénat, Le Temps des cerises, 2003. – Vanessa Codacchioni, Punir les opposants. PCF et procès politiques, 1947-1962, CNRS éditions, 2013. – Entretiens avec Simone Teff, sa veuve (juin 2010), Julien Lauprêtre (juin 2011), Louis Minetti (juillet 2013).