DARLAN Antoine

Par Karine Ramondy

Né le 8 juin 1915 à Kouango (Oubangui-Chari) ; mort le 10 avril 1974 à Paris ; commis des services financiers ; directeur des services financiers au Ministère des Affaires étrangères puis du Plan ; fondateur de l’Amicale oubanguienne ; membre du Conseil représentatif de l’Oubangui-Chari ; député à l’Assemblée de l’Union française ; membre du Grand Conseil de l’AEF ; président-fondateur de la section oubanguienne du RDA qui devient Parti progressiste africain-section oubanguienne dont il est secrétaire général ; membre du MESAN (Mouvement d’évolution sociale d’Afrique noire) ; vice-président de l’ILO (Intergroupe libéral oubanguien).

Né à Kouango dans le district de Ouaka dans l’Oubangui-Chari, le 8 juin 1915, Antoine Darlan s’appelle originellement Théophile Mandalo, Naturalisé français le 11 septembre 1937 au tribunal de première instance de Bangui, il adopte avec son frère le nom de Darlan.

Après la fin de ses activités, malade, il est évacué à Paris où il meurt le 10 avril 1974. Sa dépouille est rapatriée en République centrafricaine pour y être enterrée. Une rue de Bangui porte son nom depuis 1980.

C’est un métis né d’Elisabeth Mandalo, de la région de Ouaka et d’un père français ou portugais, Joseph Darlan. Son petit frère Georges Darlan naîtra de la même union en 1920.

Scolarisé à l’école primaire à Bambari, il poursuit ses études à l’Ecole de Bangui.
En 1931, il rejoint le service civil colonial comme commis des services financiers mais très vite manifeste des positions anticolonialistes. En 1935, Antoine et quelques collègues – Jean- Baptiste Songomali, Marie-François Augustin Gandji-Kobokassi, Benoît Mombeto, Pierre Indo et Bernard Condomat fondent l’Amicale Oubanguienne, une association culturelle ayant pour objectifs de favoriser l’égalité et la promotion des oubanguiens aux postes à responsabilité. En 1940, Antoine Gandji-Kobokassi et Théophile Nguini élabore un syndicat dont l’activité naissante est interrompue après la défaite de la France face à l’Allemagne. Antoine rejoint les Forces Françaises Libres servant le Cabinet du Gouverneur, il devient le seul oubanguien familiarisé avec les messages codés. Respecté pour son intelligence et son honnêteté, Antoine a été récompensé par la médaille coloniale.

Le 15 décembre 1946, les frères Darlan se présentent aux élections du Conseil Représentatif de l’Oubangui-Chari créé par décret, le 25 août 1946, sur les listes d’Action Economique et Sociale Oubanguienne patronnées par Barthélémy Boganda. Le CROC élit 10 conseillers pour les Français qui forment le Premier Collège et représentent 3000 personnes. Il élit aussi 15 conseillers pour les Oubanguiens qui constituent le second Collège et représentent plus d’un million d’Oubanguiens. Ce Conseil élit comme président George Darlan et choisit ses représentants pour d’autres assemblées en respectant le système de la double représentation par collège.
Antoine Darlan est désigné le 19 octobre 1947 pour représenter le CROC à l’Assemblée de l’Union française, il reste à ce poste jusqu’à la veille de l’indépendance. Plus tard, il représente le CROC au grand Conseil de l’AEF à Brazzaville. Il s’impose rapidement comme le porte-parole constant des discriminations faites aux « autochtones » en matière d’éducation et de logement.
Une fois l’Union française remplacée par la Communauté française, le mandat d’Antoine Darlan prend fin.

Après la guerre, en 1946, Antoine et son frère Georges soutiennent activement Barthélémy Boganda dans sa campagne pour la députation sous l’étiquette MRP, à l’Assemblée Nationale. A Bangui, Boganda tente de réunir autour de lui les différents membres de l’élite oubanguienne : Gandji-Kobokassi, Songomali, Condomat et Georges Darlan.

Peu présent en Oubangui de par ses fonctions, Antoine Darlan se rapproche de la SFIO et plus tard adhère au RDA (Rassemblement Démocratique Africain né à Bamako en 1946). Lorsque que le parti est soumis à la répression, il reste loyal aux points énoncés dans le texte fondateur de Bamako. ll effectue un voyage à Moscou.
En décembre 1948, Antoine et son frère Georges fondent en Oubangui une section du RDA à laquelle adhère, entre autres, Michel Goumba . Antoine est élu président de la section et Bernard Sokambi vice-président. Antoine Darlan et Michel Ogbabo sont les représentants de la section au Congrès d’Abidjan qui se déroule du 22 au 31 décembre 1949.

De 1949 à 1951, Antoine est le plus ardent supporter de Gabriel d’Arboussier, l’un des fondateurs du RDA proche du PCF, il est donc logiquement un des plus fervents critiques de l’Administration coloniale à l’Assemblée de l’Union française.

La victoire de Boganda en 1951 aux élections législatives, amène Antoine Darlan à se rapprocher de lui et à intégrer le parti qu’il vient de fonder, le MESAN (Mouvement d’Evolution Sociale d’Afrique Noire). A la même époque le RDA étant traversé par des querelles internes, l’intégration au MESAN lui permet d’être réélu.

En dépit de ses idées anticolonialistes, Antoine Darlan approuve la formation de l’ILO (Intergroupe libéral oubanguien). En 1956, une coalition formée par des nationalistes pour l’indépendance proche du MESAN et les hommes d’affaires français locaux pour qui l’indépendance est désormais inévitable et qui souhaitent s’assurer de bonnes relations avec les autorités du futur Etat indépendant. La plupart de ces colons français appartenaient au parti Radical socialiste qui s’était opposé à la politique coloniale de plusieurs gouvernements de la IVème République. L’ILO était d’accord pour avoir un nombre égal de représentants colons ou indigènes dans les différentes instances locales ou nationales, Antoine est nommé vice-président de l’ILO.

En novembre 1956, il est élu au conseil local à Bangui sous l’étiquette du MESAN. Après les élections législatives du 31 mars 1957 remportées par le MESAN, Abel Goumba refuse dans un premier temps le poste de vice-président du conseil du gouvernement proposé par Boganda. Pour lui, Darlan plus expérimenté que lui dans le domaine politique, devrait assumer ce poste. Mais Boganda s’y oppose arguant que : « les métis veulent faire du bruit pour essayer de prendre le pouvoir aux mains des africains ». Conseiller par René Naud et Roger Guérillot qui n’apprécient guère la formation et les idées de « gauche » d’Antoine Darlan, Boganda s’éloigne de son ancien allié.

C’est en tant que représentant oubanguien au Grand conseil de l’AEF, qu’Antoine Darlan se présente à la présidence du grand Conseil contre Boganda. Cela ne fait qu’exacerber les tensions grandissantes entre les deux hommes, tensions encouragées et avivées par les représentants français locaux. Ces tensions conduisent à l’éviction de Darlan du MESAN et à une rupture à nouveau confirmée entre les deux hommes. Cette rupture mérite d’être explicitée.
Les conseillers territoriaux (Boganda, Fayama, Ngounio et Tello) élus par l’ATOC pour faire partie du Grand conseil de l’AEF étaient venus à Brazzaville pour procéder au mois d’avril 1957 à l’élection du président du Grand Conseil.
Avant de partir, les élus oubanguiens s’étaient mis d’accord pour soutenir la candidature de Boganda pour faire échec aux représentants des sections du RDA puissantes dans les autres territoires. C’est alors, à Brazzaville et à la demande d’Houphouët-Boigny, Président du RDA qu’Antoine Darlan pose sa candidature à l’élection du président du Grand conseil contre celle de Boganda. Celui-ci ne l’emporta face à Darlan que d’une voix. Selon Michel Dieudonné Godame, Boganda aurait eu cette voix grâce à un député tchadien corrompu par Ngounio.

A partir de cette date, Darlan se consacre à la fondation d’un journal d’opposition nommé Combat oubanguien. il accuse Boganda « sous influence » de livrer le pays à R.Guérillot et aux colons. Boganda est troublé par ces critiques et en mars 1958 il durcit le ton : « Nous serons sans pitié pour les politiciens agitateurs et colporteurs d’idées étrangères à l’intérêt du peuple oubanguien. Nous risquerions de nous servir de nos coupe-coupe en attendant mieux pour chasser de chez nous les propagateurs de toute politique étrangère à l’intérieur du pays ». Il annonce même son désir de voir interdire toute activité politique. Il justifie ce désir par le fait que selon lui « les élections sont terminées, l’assemblée constituée le gouvernement mis en place et le peuple au travail, toute campagne politique doit être considérée comme une provocation aux désordres et devrait être sévèrement punie par l’autorité établie s’il en existe une ».

Malgré les menaces, Antoine Darlan continue à publier ses critiques : dans le n° 4 Boganda est accusé « d’être très riche : ses ressources parlementaires s’élèvent à 780 000 francs par mois, une plantation de café de 60 hectares dans la Lobaye, une villa « bel-air » en France à Gif sur Yvette. Il prend des repas abondamment arrosés de Veuve Cliquot » et de vins raffinés et fait des siestes prolongées ». Le journal propose de créer une commission chargée d’évaluer de façon comparative les ressources des deux parlementaires oubanguiens et en établir les origines, commission composée d’un magistrat d’un prêtre et de deux membres du RDA et du MESAN.

Les relations sont plus que tendues surtout après l’opposition de Boganda à la déclaration constitutive de l’entente républicaine au sein de l’ATOC faite par Michel Samba (Goumba) Maurice Dejean et Emile Embi-Maidou.

Désormais sans parti, Antoine Darlan fait renaître la section du RDA sous le nom de Parti Progressiste Africain- Section oubanguienne, il en devient le secrétaire général.

Après la mort de Boganda en 1959, la République Centrafricaine devenue indépendante, Antoine est nommé Officier de l’Ordre National du Mérite centrafricain.
Il se rapproche tactiquement d’Abel Goumba pour créer le MEDAC (Mouvement pour l’Evolution démocratique de la Centrafrique) et s’opposer au Président David Dacko.

En 1962, tous les partis sont officiellement interdits en Centrafrique par le président en dehors du MESAN. Antoine Darlan abandonne ses activités d’opposant.
En janvier 1964, après avoir été directeur des finances, il est nommé directeur technique de la coopération économique au Ministère des Affaires étrangères puis au Ministère au Plan. Il se retire des affaires en janvier 1971.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article182408, notice DARLAN Antoine par Karine Ramondy, version mise en ligne le 8 juillet 2016, dernière modification le 8 juillet 2016.

Par Karine Ramondy

Sources : http://www.senat.fr/senateur-4eme-republique/vialle_jane0151r4.html
consulté le 4 avril 2015.
Dictionary of african biography, édité par Emmanuel K. Akyeampong et Henry Louis Gates, 2011, Tome 2, notice sur Antoine Darlan réalisée par Richard A. Bradshaw et Juan Fandos Rius, p. 169-170.
BALLARD J.A. The development of political parties in french equatorial Africa, PhD thesis, Fletcher School of Law and Diplomacy,1963.
GODAME M. D. Itinéraire politique d’Antoine Darlan 1946-1962, mémoire de maîtrise université de Bangui, 1981, consulté à l’ANOM BIB AOM TH1227.
PENEL J.D, Ecrits et discours de Barthélémy Boganda 1946-1951, la lutte décisive, Tome 1, L’Harmattan, Paris, 1995.
SERRE Jacques, Biographie de David Dacko, premier président de la république centrafricaine 1930-2003, L’Harmattan, Paris, 2007.
Archives :
. Archives privées de Jean-Dominique Pénel :
Fascicule « B. Boganda, A. Darlan, J. Vialle : trois représentants oubanguiens du deuxième collège 1946-1952 », 1985
Fascicule « les représentants oubanguiens à la Ligue contre le Racisme », recueil de textes, 1987.

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