LUMET Jean-Baptiste

Par Jean-Luc Labbé

Né le 26 janvier 1808 à Issoudun (Indre), mort en 1888 ; vigneron ; militant démocrate, républicain puis socialisant : inculpé suite à la révolte des vignerons d’octobre 1830 ; capitaine de la Garde nationale, conseiller d’arrondissement et conseiller municipal d’Issoudun au début la Seconde République ; condamné à six mois de prison en juin 1849 ; déporté à la suite du coup d’état de 1851 ; conseiller municipal à son retour d’exil en 1859, puis en 1871 ; après sa démission (en 1872 ?), réélu en 1881 et 1882. domicilié à Issoudun rue des Champs (hameau populaire et vigneron de Saint-Denis) puis rue des Bons-Enfants (dans la ville) vers la fin de sa vie.

Petit-fils de Thomas Lumet (vigneron domicilié dans le village de Saint-Denis -Issoudun- juge de paix pendant la Révolution Française et décédé en 1824), fils de Philippe Lumet (vigneron né en 1779) et marié en février 1805 avec Juliette Demousseau), Jean-Baptiste Lumet se maria le 9 janvier 1833 avec Marie Raimond (fille de vigneron) avec qui il eut trois enfants dont une fille, Julie (née en 1839) se maria avec un vigneron, Courant François (né vers 1832) et dont un rapport de police dira en 1874 qu’il « est sans aucun doute plus mauvais que son beau-père, le fameux Lumet ». Son beau-frère, Jean Raimond, vigneron né en 1815, était également capitaine de la Garde nationale et conseiller municipal d’Issoudun pendant les débuts de la Seconde République, réélu en 1865 et 1870.
Vigneron propriétaire, Jean-Baptiste Lumet fut l’un des principaux acteurs du mouvement social et politique qui caractérisa les vignerons issoldunois pendant tout le XIXe siècle.
Il n’avait que vingt-deux ans en 1830 lorsque les vignerons d’Issoudun firent l’actualité en se révoltant contre les agents de l’octroi. Suite à cette révolte, il fut inculpé et condamné avec ses cousins et son frère. Le système des octrois, qui faisait payer une taxe à l’entrée des marchandises dans la ville, fut néanmoins supprimé (remplacé par un abonnement forfaitaire) et ne sera rétabli qu’en 1879. La relation de cette émeute d’octobre 1830 que fit Balzac dans La Rabouilleuse contribua à établir la réputation d’insoumission des « macabés », ainsi que furent surnommés les vignerons de la Sous-préfecture de l’Indre.
Jean-Baptiste Lumet fut nommé Capitaine de la Garde nationale en 1848 et les élections législatives du 23 avril 1848, pour élire l’Assemblée nationale constituante, donnèrent lieu à des échauffourées entre les républicains de la veille et les faux républicains du lendemain, affrontements qui ont dû être sérieux puisqu’ils furent notés à équivalence avec ceux de Rouen et Limoges. Lumet fut condamné en juin 1849 (il avait alors quarante-et-un ans) à six mois de prison pour affiliation à la « Solidarité Républicaine » et il fut défendu par l’avocat Michel Louis (dit Michel de Bourges). La Solidarité Républicaine comprenait alors environ 120 membres à Issoudun dont Lecherbonnier, Germann, Chatelin, Bouzigue et Périnet. En appel, le tribunal confirma la peine de prison de Lumet et ajouta un an de privation des droits civiques. Il se désista de son pourvoi en cassation et fut incarcéré six mois en novembre 1849 ; ce qui fut aussi le cas d’Alexandre Lecherbonnier qui deviendra ultérieurement maire d’Issoudun. 
George Sand, qui recevait les opposants à son domicile de Nohant en 1849, fit le portrait de Jean-Baptiste Lumet : «  Il est aussi grave et absolu que Patureau-Francoeur [de Châteauroux] est malin et persuasif. Il a une tête magnifique, distinguée, une pénétration, une fermeté, une éloquence extraordinaire par moments, et tout cela avec le langage paysan et des manières nobles comme ne le sont plus les grands seigneurs. Non, les hommes supérieurs ne manquent pas dans le peuple, il ne s’agit plus que de les mettre en place et cela ne tardera guère.  » [Correspondance de G. Sand, citée par B. Moreau p.20] 
Le soir de l’annonce du coup d’Etat du 2 décembre 1851, Lumet était chez lui avec les principaux militants d’Issoudun pour essayer d’organiser un soulèvement. Le matin du 5 décembre, il tenta encore de dissuader les vignerons d’aller travailler.
Arrêté dans les jours qui suivirent, il fut condamné en 1852 à la déportation à Cayenne pour rassemblement interdit (Sources : A. D. Cher 2U33) avec les commentaires suivants : «  Chef reconnu de la démagogie issoldunoise, c’est chez lui qu’a eu lieu la réunion du 4 décembre pour soulever le lendemain Issoudun et les communes voisines, très dangereux, caractère féroce capable de tout, forte tête en prison, en relation avec Marc Dufraisse, Gaston Nadaud et Gaston Dussoubs  ». Sa femme Marie, née Raimond, est emprisonnée 56 jours à Châteauroux. Pour la police, « elle ne vaut pas mieux que lui. Arrêtée pour cris séditieux. Jeune fille, elle correspondait avec l’écrivain Paul de Koch ». Certaines sources le signalent cependant comme condamné à l’Algérie plus par la commission mixte de l’Indre.
En avril 1852, probablement suite à une intervention de George Sand, Lumet vit sa peine commuée en expulsion en Espagne. Il préféra rejoindre les grands noms de l’exil politique en Angleterre (Arch. Dép. Indre M 3549). Il revint à Issoudun suite à la mesure de grâce de février 1853. Surveillé par la police, il garda des contacts, y compris en allant sans autorisation préalable à Châteauroux retrouver des amis politiques. En 1857, la police prêtait à Lumet un rôle actif, « prêchant dans les vignes et organisant des réunions nocturnes », lors des élections législatives en faveur de la candidature de Jules Favre (avocat, député parisien pendant la seconde République, élu député de la Seine en 1857) ; Fabre ayant des relations privilégiées avec Leroux et George Sand. 
Suite à l’attentat d’Orsini contre l’empereur le 14 janvier 1858 à Paris, la répression reprit de plus belle. Les listes des militants surveillés furent ressorties et le 24 février, à six heures du matin, le domicile de Jean-Baptiste Lumet était perquisitionné. La police trouva deux pistolets de poche non chargés, des plombs et balles de chasse, un fusil de chasse rouillé, un vieux sabre d’officier, une caricature de l’empereur et des brochures socialistes. Lumet déclara posséder ces armes depuis 1815, sans compter que, comme tout vigneron qui se respectait, il était chasseur. Comme des dizaines d’autres dans le département, il sera arrêté et, malgré une nouvelle demande de clémence de G. Sand, déporté avec douze autres en Algérie. De la prison de Châteauroux, il fut chargé dans un wagon cellulaire le 26 mars pour Paris, gare d’Austerlitz, puis gare de Lyon pour Marseille et la traversée vers son lieu de détention algérien. Il bénéficia de la loi d’amnistie générale du 16 août 1859. Il rentra à Issoudun où les citoyens le désignèrent dans la foulée conseiller municipal lors des élections de la fin août.
Acteur de l’insurrection de 1830, militant et élu de la Seconde République, Jean-Baptiste Lumet prit part également à conforter la troisième République. Alors qu’il n’était pas conseiller municipal en 1870, il fut candidat aux élections municipales du 30 avril 1871 sur la liste des « républicains démocrates » d’Issoudun. Réélu conseiller municipal en en 1874, Jean-Baptiste Lumet fut déclaré démissionnaire du fait de la présence de son beau-frère Jean Raimond dans ce même Conseil municipal. Un tirage au sort fut organisé pour savoir lequel des deux resterait élu. Jean-Baptiste Lumet continua à siéger à la commission des hospices ; «  ce macabé [vigneron issoldunois] antireligieux s’est montré beaucoup plus convenable avec les sœurs que ceux qu’il côtoyait » [B. Moreau, p.107].
En 1874, il avait alors 69 ans, il comptait toujours parmi les militants les plus surveillés par la police : « influent sur la classe vigneronne, orateur des loges [cabanes où se rassemblaient les vignerons pour déjeuner], vindicatif et hargneux, dangereux dans les moments de trouble. Grand ami de Leconte et Lecherbonnier et Sineau ». Mais cette mise en retrait ne dura pas et il fut réélu conseiller municipal en 1878 et 1882, probablement pour peser dans les rapports de force entre républicains modérés, radicaux et socialistes alors que La République était consolidée. En octobre 1882, il présida une conférence organisée par Jean-Félix Fénon, l’un des initiateurs des organisations blanquistes-vaillantistes (CRC) qui se créèrent à cette époque à Issoudun.
En 1885, les socialistes devinrent majoritaires au sein du Comité électoral républicain de l’arrondissement d’Issoudun. Jean-Baptiste Lumet mourut en 1888. Il était entré dans le champ de la loi du 30 juillet 1881, il avait alors 75 ans, par laquelle la République indemnisait les militants victimes de la répression impériale ; il toucha une rente annuelle d’un millier de Francs. Une chanson, Les vignerons d’Issoudun, écrite par le député d’Issoudun Alfred Leconte, lui fut dédiée. Jean-Batiste Lumet était également le grand-oncle de Louis Lumet, écrivain, collaborateur de la presse anarchiste.
Lumet Marie : son épouse Marie (née Raimond) qui, comme on l’a vu, partagea les engagements de son mari et fit 56 jours de prison à Châteauroux pour « cris séditieux », décéda en 1880. Dans un rapport de police de 1874 consacré à son mari, il était précisé : « sa femme est aussi dangereuse, c’est elle qui sur le balcon du café Saint-Louis présenta Ledru-Rollin en le tenant par la main à toute la population qui était sur la place ». Il s’agit ici vraisemblablement de la campagne des élections présidentielles des 10 et 11 septembre 1848. Dans ce même rapport, il fut aussi question de Julie Raimond, la fille de Marie et de Jean-Baptiste Lumet : « cette femme lit les journaux les plus avancés et les fait lire  ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article182409, notice LUMET Jean-Baptiste par Jean-Luc Labbé, version mise en ligne le 8 juillet 2016, dernière modification le 20 août 2020.

Par Jean-Luc Labbé

SOURCES : B. Moreau, Marianne Bâillonnée, Les républicains de l’Indre et le coup d’Etat du 2 décembre 1851, Points d’Ancrage, 2002 – Alexandre Lecherbonnier, Petits discours sur l’histoire locale, Arch. Mun. Issoudun – Balzac, La Rabouilleuse. – Arch. Dep. Indre, séries M élections – Arch. Dép. Cher, police – Notes de Jean Annequin. — Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Jean-Baptiste Lumet — Notes de Valentine Dumas.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable