LAMBERTÉ Théodore

Par Pierre Baudrier

Né le 2 avril 1769 à Provins (Seine-et-Marne), imprimeur des babouvistes, évadé de Guyane, imprimeur en Louisiane au début du XIXe siècle.

Fils de Jacques Lamberté, domestique puis voiturier, et d’Anne Milleret, Théordore Lamberté devint imprimeur. En 1790, il travaillait peut-être chez Panckouke à Paris.
Le 7 mars 1791 à Melun, il épousa Marie Jeanne Rosalie Lecaille fille d’un tailleur d’habits.
Imprimeur à Melun à partir de 1793 au moins, Théodore Lamberté s’est installé à Paris un peu avant l’époque de la Conjuration des Égaux et il a mis certains placards babouvistes sous presse, ainsi que l’attestent quelques-unes d’entre les « pièces saisies dans le local que Gracchus Babeuf occupait lors de son arrestation ». Évoquons notamment les 9e à 14e pièces de la 8e liasse, qui nous apprennent que Lamberté n’imprimait pas la propagande babouviste à titre bénévole, qu’il n’était pas payé avec toute la diligence qu’il aurait souhaité et que les Conjurés trouvaient parfois ses mémoires « un peu enflés ».
Peu après la découverte de la Conjuration des Égaux, Lamberté fut dénoncé comme imprimeur probable de la propagande babouviste par le commissaire du Pouvoir exécutif près l’administration du canton de Rosoy (Seine-et-Marne). Arrêté, prévenu de conspiration et mis en détention à l’Abbaye, puis inculpé devant la Haute-Cour de Vendôme avec les autres babouvistes, il fut l’un des signataires de la protestation des accusés déclarant la Haute-Cour de justice « incompétente pour procéder contre eux dans cette affaire ». Durant le procès, Lamberté reconnut avoir imprimé les placards de la Conjuration mais refusa de révéler le nom de celui qui lui faisait tenir les copies. En plus de quelques « vives altercations entre lui et le président », il profita des débats pour prononcer « un discours énergique sur la liberté de la presse » et pour fustiger « l’immoralité du Gouvernement et la scélératesse du tribunal ». Notons également que plusieurs témoins comparurent devant la Haute-Cour, à décharge de Lamberté (notamment le 10 germinal an V), pour contrebattre l’argumentation de l’accusateur national selon lequel les tympans des presses de Lamberté trahissaient, par les marques qui y persistaient, l’impression de certains pamphlets dont l’imprimeur melunais niait avoir exécuté le tirage.
Acquitté et remis en liberté, Lamberté épousa Claire Privat, veuve de l’adjudant-général Lais, qui avait été exécuté dans le cadre de l’affaire du camp de Grenelle, quelques mois plus tôt. Il reprit son état d’imprimeur et mit sous presse, entre l’an V et l’an VII, plusieurs journaux aux titres évocateurs : Le Défenseur de la liberté et des principes, Le démocrate ou le défenseur des principes, L’ami de la liberté et L’ennemi des tyrans. Il resta par surcroît en rapports épistolaires suivis avec les condamnés babouvistes détenus au fort national de l’île Pelée et avec leurs proches.
En l’an VII, Lamberté et sa femme furent dénoncés pour « avoir tenu dans un café à Melun des propos injurieux au gouvernement ». L’affaire n’eut apparemment pas de suites dramatiques, mais au lendemain de l’attentat de la rue Saint-Nicaise, en l’an IX, l’imprimeur fut arrêté de nouveau et condamné à la déportation, à l’instar de quelques 130 anciens jacobins, « anarchistes » et babouvistes (notamment : Mathurin Bouin, Jean-Antoine Rossignol, Pierre-Nicolas Chrétien, Jacques Cordas, François Dufour et Jean-Baptiste Goulard).

Interné à l’île d’Oléron dans l’attente de son embarquement pour l’Amérique du Sud, Lamberté parvint à s’évader en l’an XI mais fut bientôt repris et effectivement déporté à Cayenne en fructidor an XII. Il parvint toutefois à s’évader une nouvelle fois, en compagnie d’un co-détenu droit commun nommé Pignatel, avec lequel il avait volé une pirogue pour gagner Surinam. Victor Hugues, agent du gouvernement français en Guyane, écrivit à l’occasion de cette évasion, « que Théodore Lamberté et Pignatel devaient s’être noyés en s’évadant de Cayenne ».

Le Karlsruher Virtueller Katalog mentionnant l’existence du journal intitulé l’Écho du Commerce, imprimé à la Nouvelle-Orléans en 1808-1809 par Théodore Lamberté, on peut en déduire que Lamberté avait non seulement réussi son évasion en 1804, mais qu’il avait gagné la Nouvelle-Orléans et s’y était établi dans son ancien état d’imprimeur.

Quant à l’Écho du Commerce de la Nouvelle Orléans, la pièce a beau figurer au catalogue électronique de « Bibliothèque et Archives Canada », elle ne se trouve pas dans ses collections, n’étant cataloguée que comme réputée exister. Il en existe une copie microfilmée à la Louisiana State University de Bâton-Rouge. Lamberté imprima en 1809, en sus de l’Écho du Commerce, un opuscule de 48 pages intitulé « Le Chansonnier des grâces : almanach chantant pour l’année 1809 / dédié aux dames ». L’ouvrage était signé Alexis Daudet. Il s’agit probablement du librettiste de « La Dame Invisible » de Boieldieu.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article182467, notice LAMBERTÉ Théodore par Pierre Baudrier, version mise en ligne le 11 juillet 2016, dernière modification le 8 mai 2022.

Par Pierre Baudrier

SOURCE : Françoys Larue Langlois, Théodore Lamberté en Louisiane (Une piste à explorer), Études babouvistes, N° 4/5, 2007 – an CCXV, pp. 76-82. - Christelle Augris, "L’imprimeur Théodore Lamberté", Des écrits et de l’histoire [en ligne], 20 janvier 2021.

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