DE BONNARD Arthur, Charles, dit Gallus

Né le 28 germinal an XIII (18 avril 1805) à Beaumont-en-Véron (Indre-et-Loire), mort le 21 janvier 1875 à Asnières (Seine). Docteur en médecine. Disciple de Fourier, militant du mouvement coopératiste.

Celui qui devait être un jour un des premiers coopérateurs français naquit au château de La Nivardière, commune de Beaumont-en-Véron, près de Tours (Indre-et-Loire), le 28 germinal an XIII (18 avril 1805) d’une famille d’ancienne noblesse.

Destiné à l’armée comme son père et ses oncles, Arthur de Bonnard entra à l’école militaire de Saint-Cyr en 1822 et en sortit officier en 1824. Il démissionna en 1828, se consacra aux études médicales à la Faculté de Montpellier, fut interne aux hôpitaux de Lyon et eut le grade de docteur en 1831.

Marié, il perdit sa femme et se remaria. Vers 1834-1836, il était percepteur à Witry-lès-Reims (Marne), puis exerça la médecine à Paris. Disciple de Fourier en sociologie et de l’homéopathe Hannemann en médecine, il fonda une sorte de clinique qu’il appela « Les Néothermes » et tenta par la suite des essais analogues à Pont-à-Mousson et à Nancy.

En janvier 1840, il signa un appel pour la souscription en faveur de l’établissement d’un premier phalanstère, que publia le journal Le Nouveau Monde de Czynski. Cette feuille, fondée à Paris en 1839, était la tribune des dissidents de l’Union harmonienne et avait l’appui d’un groupe qu’il présidait. Il reprit ensuite le journal à son compte.

En 1841, De Bonnard sentit le besoin, comme tous les fouriéristes de sa tendance, de sortir des généralités théoriques et nuageuses. Il soutenait l’association La Boulangerie véridique et songeait à créer une vaste organisation de publicité commerciale d’un genre tout à fait nouveau. Partageant les sentiments de Fourier et de tous ses disciples à l’endroit du « mensonge commercial », il visait, d’une part, à moraliser le commerce et, d’autre part, à utiliser le centre de publicité créé en faveur de commerçants désireux de pratiquer honnêtement leur commerce. Il fonda, ainsi, l’« Unité de propagation phalanstérienne selon le mode composé ».

Son projet était le suivant : ouvrir une maison de commission dont le rôle sera de recevoir les commandes et d’adresser les offres pour tous les consommateurs et clients qui, ayant confiance dans le caractère d’honnêteté de l’entreprise, lui réserveront leur préférence et assureront son succès en même temps que le triomphe du mode de « commerce véridique » qu’elle représentera. Le journal Le Nouveau Monde servira aux « annonces véridiques » de marchandises qu’auront garanties leurs propriétaires ou leurs vendeurs, et les acheteurs, certains que toute tromperie, toute supercherie auront enfin disparu du commerce ainsi contrôlé et « garanti », afflueront.

De Bonnard qui se laissait prendre autant que Fourier, son maître, au mirage de ses propres pensées, annonça la chute prochaine du « mensonge commercial ». Un numéro entier du journal fut consacré à la publication du fonctionnement de la « Maison sociétaire de Commission centrale véridique ». L’entreprise ne tint pas un mois et son auteur y engloutit la plus grande partie de sa fortune. Le Nouveau Monde ne reparaîtra qu’en février 1843.

En 1844, De Bonnard fonda à Boudonville, faubourg de Nancy, « l’Institut hydrothérapique ou Villa sociétaire ». Dès les premiers jours de la Deuxième République, il s’appliqua à la réalisation d’un programme minimum de l’école phalanstérienne. Il fonda à Paris le club du Salut social, qu’il présida, et dont les séances publiques se tenaient trois fois par semaine, 14, rue Neuve-Saint-Nicolas, dans le faubourg du Temple, derrière le Château-d’Eau, à la limite actuelle des Xe et XIe arr. Il créa, également la « Ligue du Salut social » et un journal Le Salut social. L’objet de ces créations était la constitution d’un « Commerce véridique » exercé au nom et au profit des travailleurs, et dont les bénéfices seraient employés « à l’organisation du travail ». Sous l’égide de cette Ligue, il publia, le 20 avril 1848, un manifeste où il exposait sa solution du problème social. Il fallait, avant tout, réorganiser et moraliser le commerce. Pour commencer, la ligue va fonder « l’Épicerie véridique » et le « Commerce véridique des vins et liquides », et « des boutiques seront établies dans les quartiers où l’on aura obtenu le plus grand nombre d’adhésions. Il est probable que ce seront les quartiers ouvriers affreusement exploités par les marchands qui vendent à un prix exorbitant des denrées de dernière qualité. »

Les quatre cinquièmes des bénéfices seront versés à une caisse de l’organisation du travail qui distribuera des secours aux orphelins, aux vieillards, aux veuves, aux infirmes et favorisera les associations de maîtres et d’ouvriers, les associations d’ouvriers entre eux, la formation d’armées industrielles, allant défricher les terres incultes, dessécher les marais, reboiser. La moitié des bénéfices des entreprises ainsi créées ira aux travailleurs, l’autre à l’État. « Les travailleurs seront ainsi transformés en propriétaires qui s’associeront pour produire davantage, et emploieront à divers travaux manufacturiers les loisirs que leur donneront les occupations agricoles [...] Leur vie sera un long jour de fête. » Pour la création du Commerce véridique seront émises des actions qui constitueront le capital permanent, des coupons d’épargne qui constitueront le capital mobile à échéance fixe ou la dette flottante selon le délai prévu pour leur remboursement. De Bonnard sollicita même une souscription du baron James de Rothschild. Les souscripteurs éventuels firent la sourde oreille, en premier lieu le baron. « Pourtant, le programme que De Bonnard a exposé sous une forme naïve s’est à peu près réalisé par la suite. Il est aujourd’hui appliqué par toutes les grandes sociétés coopératives à succursales, et les méthodes de commerce qui y sont préconisées — gérants responsables qui sont de véritables fonctionnaires sociaux, inspecteurs commerciaux, élus, il est vrai, au lieu d’être nommés par l’administration centrale ; les méthodes administratives et financières — actions de capital portant intérêt, et ayant droit aux bénéfices, obligations à un an ou à quinze jours équivalant aux dépôts à terme ou à vue, en un mot, capital permanent, capital mobile à échéance fixe, dette flottante, etc. — sont de nos jours méthodes courantes et recommandées comme de bonne administration coopérative. Les œuvres sociales, qui tiennent une si large place dans le programme d’Arthur De Bonnard, sont aujourd’hui l’une des grandes préoccupations des coopératives modernes » (J. Gaumont, Histoire générale de la Coopération en France, t. I, pp. 297-298).

Poursuivi pour escroquerie par un pouvoir qu’il inquiétait, De Bonnard fut condamné à un an de prison et à de fortes amendes. Il s’abstint alors de toute action sociale durant une dizaine d’années.

À partir de 1860, De Bonnard se fit l’ardent propagateur des méthodes rochdaliennes. Dans les premiers jours de janvier 1863, il fit partie avec Béluze (voir ce nom) et six autres militants des fondateurs de la Société du Crédit au travail, « Caisse d’Épargne pour le travailleur, Société de Crédit mutuel entre ses membres, Banque de crédit et d’escompte pour les sociétés coopératives ». À ce moment, De Bonnard était établi médecin, 70, rue Montmartre. Il figure à la commission de contrôle de la nouvelle organisation. Le 1er novembre 1864, il devint actionnaire de la société qui éditera L’Association, Bulletin des coopératives françaises et étrangères. C’est lui qui inspira, à moins qu’il ne l’ait rédigée lui-même, la brochure de 16 pages : Association générale d’approvisionnement et de consommation, véritable manifeste rochdalien qui préconisait la création de magasins appartenant, en toute propriété, aux consommateurs. Peu après, dans une autre brochure : La Marmite libératrice ou le Commerce transformé, il écrivit cette phrase caractéristique : « C’est le consommateur qui fait la fortune d’une maison de commerce. C’est donc au consommateur que doit revenir le bénéfice qu’il a produit, tout impôt devant être employé au profit de celui qui l’a payé. » De Bonnard n’abandonnait d’ailleurs pas complètement ses conceptions phalanstériennes : 7 % des bénéfices de ces nouveaux magasins devaient constituer « le budget de la solidarité », utilisé en faveur des pouponnières et des garderies d’enfants, des bibliothèques, des salles de cours pour adultes des deux sexes, des orphéons, des « villas » pour malades, convalescents, infirmes, vieillards, « avec des conditions de vie collective ou individuelle, calculées pour tous les goûts et pour toutes les aspirations légitimes ». En avril 1865, il ouvrit une souscription pour constituer une colonie « maternelle » pour enfants dans la banlieue parisienne, au moyen d’une société en commandite sous le patronage du Crédit au travail. En février 1865, il portait son toast au banquet des fouriéristes en même temps que Jules Duval et Charles Pellarin.

À partir de 1867, sous le pseudonyme de Gallus, sous lequel il avait déjà fait paraître plusieurs études, il collabora à l’Annuaire (puis Almanach) de la Coopération. En 1868, il fut l’un des fondateurs de La Réforme, journal du progrès politique et social, organe de la coopération. Ce fut une de ses dernières manifestations de militant. Vieilli, peut-être découragé, il écrivit encore, en 1868 et 1871, des brochures de philosophie sociale, où se retrouve sa préoccupation de résoudre le problème de la misère par un système de coopération générale, mais il renonça à tout travail pratique. Il collabora encore, après 1870, à la revue de Fauvety, La Religion laïque, organe de régénération sociale.

Frappé d’une attaque d’apoplexie qui détermina un dérangement cérébral, une sorte de folie mystique, A. de Bonnard mourut le 21 janvier 1875.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article182675, notice DE BONNARD Arthur, Charles, dit Gallus, version mise en ligne le 20 juillet 2016, dernière modification le 21 mars 2019.

ŒUVRE : On en trouvera la liste dans l’ouvrage de Jean Gaumont, Histoire générale de la Coopération en France, t. I, p. 488. On y ajoutera : La première épître de Gallus à Servus. La loi sociale de l’avenir, Paris, 1864. — La Villa des Enfants, avril 1865. — « L’Organisation de la Production et de la Consommation par l’échange » (article en collaboration avec Lhuilier, La Science sociale, 16 décembre 1867).

SOURCES : Arch. PPo., E a/76-8 et, surtout, avec l’Histoire générale de la Coopération en France de Jean Gaumont, les notes fournies par cet auteur qui a consacré à De Bonnard un volume : Du phalanstère à la coopérative. Le docteur A. de Bonnard, fouriériste. Contribution à l’étude de l’École phalanstérienne. Ce travail est demeuré inédit à l’exception du chapitre « Études sur la tradition française de l’association ouvrière », publié par H. Desroches dans Communauté et vie coopérative, n° 3, juillet-décembre 1955.

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