FRÉMIN Gonzalve

Le chansonnier Frémin se qualifiait de mécanicien à Montebourg (Manche).

Le personnage devait certainement avoir du pittoresque. Ne fût-ce que par son prénom sorti tout droit d’un roman de Florian. Quelle mère romanesque le lui donna ? L’homme lui-même passait, aux yeux des habitants de Montebourg, ses contemporains, pour un chimérique et un excentrique. Passionné de navigation aérienne, ne s’était-il pas endetté et quasi ruiné pour construire un immense hangar où il préparait une machine volante qui semble avoir été une sorte de dirigeable à vapeur ? Las ! par un « ordre venu de haut », le préfet fit afficher dans le département un arrêté interdisant l’emploi du feu dans toute ascension. Gonzalve essaya de remplacer le feu, et pour une cause restée inconnue, subit un échec retentissant. Il eut pourtant ces mots superbes (en 1871) : « La navigation aérienne n’en réussira pas moins, et son triomphe est proche. »

Si Frémin Gonzalve se proclamait mécanicien, c’était à bon droit. Certes, dans son atelier les ouvriers maréchaux ferraient surtout les chevaux, mais d’autres montaient les vis de pressoir ou forgeaient les ressorts de tilbury. Frémin appartenait donc à l’artisanat rural proche de la petite industrie.

Il avait salué avec enthousiasme 1848 et fort bien compris qu’en répondant à la classe ouvrière par le canon, la République s’était coupée, en Juin, de ses meilleurs défenseurs.

Par anticléricalisme, il soutint dans son département la candidature du « conservateur intelligent » Tocqueville à la députation, contre un clérical. Par haine des conservateurs et de la monarchie, il se rallia au Second Empire, ce qui ne l’empêcha pas de glorifier dans ses chansons Victor Hugo, Garibaldi et l’abolition de l’esclavage en Amérique. Le triomphe du cléricalisme le refroidit d’ailleurs beaucoup à l’égard de l’Empire autoritaire dont il salua l’évolution libérale.

Après « l’empereur démocrate » qu’il avait apostrophé, la République de nouveau proclamée, il admira Léon Gambetta, organisateur de la Défense nationale.

Frémin Gonzalve semble refléter assez bien l’évolution, et aussi les incertitudes d’une petite bourgeoisie provinciale élevée dans la tradition jacobine.

En postface à ses chansons, il salua la Commune en ces termes : « Nous marchons vers l’unification et la simplification de la société humaine. Paris, au milieu de crises épouvantables, vient d’en enfanter la formule. De ses sommets étincelants, comme des éclairs d’un autre Sinaï, sont sortis les tables de la loi nouvelle, le plan d’un nouvel organisme humanitaire, le plus parfait que l’esprit puisse concevoir. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article182698, notice FRÉMIN Gonzalve, version mise en ligne le 20 juillet 2016, dernière modification le 17 mai 2018.

OEUVRE : Chants divers, politiques, philosophiques, etc... tous les grands événements contemporains, matière principale, par Gonzalve Frémin, mécanicien à Montebourg, Typographie C. Hommais, Caen, 1871.

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