VANDERMEERSCH Françoise

Par Sabine Rousseau

Née le 10 octobre 1917 à Paris (XIVe arrondissement), morte le 20 juillet 1997 à Paris ; religieuse auxiliatrice des Âmes du Purgatoire ; directrice de la Revue Échanges ; militante associative.

Françoise Vandermeersch vers 1980

Fille d’un industriel du textile de Werwick-Sud en Flandre française, Françoise Vandermeersch grandit dans une famille catholique pratiquante, au sein d’une fratrie de dix enfants dont elle était la cadette. Elle fit des études secondaires chez les Dames du Sacré-Cœur de Bondues. Elle entra en communauté chez les Sœurs Auxiliatrices des Âmes du Purgatoire – un ordre de vie apostolique fondé au milieu du XIXe siècle – à l’âge de vingt ans, en novembre 1937. Elle y fit profession de foi en septembre 1940 et prononça ses vœux perpétuels en septembre 1946 après deux années consacrées à la catéchèse dans un lycée de jeunes filles de Nantes.

Dans un récit autobiographique de 1975 – La vie en face – elle fait de l’expérience du Front populaire dans le Nord l’événement déclencheur de sa vocation. L’usine de son père fut occupée à partir du 8 juin 1936 et Françoise Vandermeersch se découvrit de la sympathie pour les grévistes dont elle alla suivre, en cachette, les manifestations à Roubaix (Nord). L’engagement politique étant impensable pour une femme de son milieu social, l’engagement dans la vie religieuse s’avérait la seule voie possible pour lutter contre les injustices sociales dont elle avait pris conscience. Cette vision rétrospective de l’origine de sa vocation s’éloigne quelque peu de la réalité qui fut celle d’une lente maturation à l’adolescence et tient davantage d’une reconstruction postérieure. Elle est néanmoins symptomatique de l’ampleur prise par l’engagement militant dans la vie de Françoise Vandermeersch au tournant des décennies 1960-1970.

Appelée à Paris en 1950 pour créer et diriger la revue des Auxiliatrices – Échanges –, elle ouvrit la revue à des thématiques profanes et fit rapidement une place non négligeable aux groupes socialement fragiles. Forte de sa courte expérience en centre social avec des femmes ouvrières et en colonie de vacances avec des enfants d’un quartier populaire de Tourcoing (Nord) entre 1947 et 1950, elle consacra un numéro d’Échanges aux femmes en usine (1953) puis s’intéressa à d’autres populations fragilisées, parmi lesquelles figurent les sortants de prison (1959), les immigrés (1967), les handicapés (1970)… Une sensibilité particulière à la condition des femmes dans la société et dans l’Église la conduisit à leur consacrer régulièrement une livraison. Sa prise de position contre la censure du film La religieuse de Jacques Rivette en 1966, la fit connaître des médias qui l’invitèrent ensuite régulièrement à exprimer le point de vue d’une religieuse sur des sujets de société.

Le souci du social motiva aussi son engagement auprès des femmes et des enfants vietnamiens après avoir quitté la direction d’Échanges et adhéré, en 1977, à l’association Fraternité chrétienne avec le Vietnam (FCV) à la suite de ses premiers voyages au Vietnam effectués en 1973 et 1975. Elle intervint dès 1977 en faveur de la réhabilitation des prostituées de Saigon, internées par les autorités communistes dans des camps de rééducation après le départ des troupes américaines et la chute du Sud-Vietnam en 1975. L’aide humanitaire apportée à différentes structures accueillant des enfants – services pédiatriques des hôpitaux d’Ho-Chi-Minh-Ville et d’Hanoi, crèches, écoles, orphelinats – constitua l’essentiel des activités de Françoise Vandermeersch à la Fraternité pendant sa présidence de 1981 à 1991.

Ses préoccupations sociales la firent participer au mouvement social et à s’insérer dans le tissu militant associatif parisien du dernier quart du XXe siècle. Le 8 juin 1968, elle figurait à la tribune de l’amphithéâtre Richelieu de la Sorbonne lors du débat intitulé « de Che Guevara à Jésus-Christ », répondant ainsi à la sollicitation des étudiants, intrigués par le numéro d’Échanges, « Chrétiens, pour ou contre la Révolution ? », paru en avril. Dans ce numéro, elle ne cautionne pas la violence révolutionnaire mais plaide en faveur d’une évolution vers des formes sociales nouvelles auxquelles doit conduire un changement progressif qu’elle assimile à une conversion. À deux pas du Quartier latin, elle suivit néanmoins le mouvement étudiant avec intérêt et accueillit, dans son couvent de la rue du Cherche-Midi transformé en infirmerie, des étudiants « en difficulté ». Parmi eux, se trouvèrent, au début du mois de juillet 1968, de jeunes marginaux en cavale, les Katangais, qu’elle cacha quelques jours avant de les confier aux dominicains Henri Burin des Roziers et Jean Raguenès qui finirent par les convaincre de se livrer à la justice. Elle les soutint au cours de leur procès puis durant les années que certains d’entre eux passèrent en prison.

Au début des années 1970, sa volonté d’agir en faveur de la reconnaissance du rôle des femmes dans l’Église l’amena à héberger, dans les locaux d’Échanges, rue de Sèvres à Paris (VIe arr.), la branche française du mouvement international d’origine belge, Femmes et hommes dans l’Église. Elle participa ainsi, par ses prises de position en faveur du contrôle des naissances et de la prêtrise pour les femmes, à la pression exercée sur la curie romaine pour faire avancer – en vain – la cause des femmes au sein du catholicisme.

Dans les années 1980 et 1990, elle fut confrontée à la dimension politique de son engagement inhérente aux relations entretenues avec les autorités communistes du Vietnam réunifié pour organiser son action humanitaire. Entre 1978 et 1996, elle effectua une quinzaine de voyages dans la péninsule indochinoise et apporta son soutien à la politique de reconstruction entreprise par le gouvernement de Hanoi, accordant publiquement crédit, au moins jusqu’en 1983, au discours de réconciliation et de progrès social tenu par le Parti communiste vietnamien. S’appuyant sur la partie du clergé vietnamien qui avait fait le choix de la loyauté patriotique, elle relativisa alors, dans des articles publiés dans le bulletin de la Fraternité chrétienne Vietnam-Cambodge-Laos, les restrictions faites aux libertés religieuses. Après la chute de l’URSS, elle vit réapparaître, avec inquiétude, la misère et les trafics dans les rues de Saigon consécutifs à la libéralisation de l’économie.

Au cours des vingt dernières années de sa vie consacrées au Vietnam, Françoise Vandermeersch collabora de façon continue avec d’autres associations et organisations humanitaires : elle fut membre du bureau et du comité international du Secours populaire français ainsi que de l’Association d’amitié franco-vietnamienne dont la figure principale était le communiste Charles Fourniau. Elle eut également des contacts, de manière plus ponctuelle, avec le CCFD, la CIMADE, l’UNICEF, La Croix Rouge, l’APPEL, la Centrale sanitaire suisse.

Elle resta fidèle à sa vocation et à son ordre malgré les multiples réprimandes, émanant de sa hiérarchie, dont elle fut l’objet tant à cause de ses critiques en matière de morale et d’ecclésiologie au sein de l’Église catholique qu’à cause de ses engagements de solidarité avec des militants communistes. Elle était la sœur du jésuite Edmond Vandermeersch.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article182830, notice VANDERMEERSCH Françoise par Sabine Rousseau, version mise en ligne le 25 juillet 2016, dernière modification le 26 juillet 2016.

Par Sabine Rousseau

Françoise Vandermeersch vers 1980

ŒUVRE : La vie en face, Stock, 1975. — Nombreux articles dans Échanges.

SOURCES : Archives Françoise Vandermeersch déposées à la Maison mère des Auxiliatrices, 16 rue Saint-Jean-Baptiste de la Salle Paris (VIe arr.). — Archives de l’INA, Radioscopie par Jacques Chancel, 3 octobre 1972. — Collection de la revue Échanges. — Collection du Bulletin de la Fraternité chrétienne avec le Vietnam, Cambodge, Laos. — Sabine Rousseau, « La vocation religieuse féminine dans les années 1960-70 : crise collective, itinéraires singuliers », dans « Vocations religieuses et laïques », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, septembre 2009 ; « L’itinéraire médiatique d’une religieuse (1950-1975) », dans « La cause de femmes », Le Temps des médias, 12, printemps 2009 ; « L’affaire de La Religieuse de Rivette (1966-1967) », dans Cahiers d’études du religieux. Recherches interdisciplinaires, numéro spécial 2012 « Monothéismes et cinéma », consultable en ligne http://cerri.revues.org/1101~ ; Françoise Vandermeersch. L’émancipation d’une religieuse, Karthala, 2012 ; « Le corps des religieuses entre réformes conciliaires et révolution des mœurs », dans Autour du fait religieux, nouvelles recherches en histoire contemporaine, sous la direction de Corinne Bonafoux et Matthieu Bréjon de Lavergnée, Cahiers de l’AFHRC, Beauchesne, 2013. — Anthony Favier, « Des religieuses féministes dans les années 68 ? », Clio, 29, 2009.

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