VIDAL Maurice, René

Par Gérard Leidet

Né le 28 mai 1919 à La Garenne-Colombes (Seine), mort le 6 janvier 2011 à Paris (Ve arr.) ; journaliste sportif, directeur de Miroir Sprint (1949-1971) et de plusieurs magazines sportifs spécialisés ; résistant des Pyrénées-Orientales (Combat, Armée secrète) ; dirigeant de l’Union de la jeunesse républicaine de France (UJRF), militant communiste, syndicaliste (SNJ-CGT), président de l’Union Syndicale des Journalistes Sportifs de France (USJSF) de 1971 à 1991.

Maurice Vidal naquit au lendemain de la Grande guerre qui le priva de la présence de son père, « tué aux armées" peu avant l’Armistice. En 1927 (il était âgé alors de huit ans), sa mère décéda de la tuberculose. Placé dans un orphelinat, il suivit un parcours scolaire achevé sans diplôme. Il s’engagea à 19 ans dans l’armée française. Caporal en 1940, blessé au cours des combats de mai-juin, il battit en retraite avec ce qui subsistait de son régiment et se retrouva dans les Pyrénées-Orientales où il fut démobilisé. Il demeura dans ce département, où il rencontra sa future épouse. Il s’adonna alors à la pratique du football au sein de l’équipe de l’USAP de Perpignan, et ce à un bon niveau, selon le témoignage de Jacques Marchand.
Après le 11 novembre 1942, lorsque l’armée allemande occupa la zone libre, Maurice Vidal entra dans la Résistance dans le mouvement Combat et dans les Mouvements unis de la Résistance (MUR), créés le 26 janvier 1943 par la fusion des trois mouvements non communistes de zone Sud. En décembre 1943, les MUR s’élargissaient en intégrant trois mouvements de zone Nord et devenaient le Mouvement de libération nationale (MLN). Le 19 août 1944, Vidal participa à la Libération de Perpignan avec les MUR, il appartenait à l’équipe dirigeante départementale du MLN.
Revenu à Paris, il livra ses premiers articles sportifs à l’organe de la Jeunesse communiste, l’Avant-Garde. Il se mêlait ainsi aux dirigeants du mouvement de jeunesse du Parti communiste français, qui cherchait à s’élargir en créant l’Union de la jeunesse républicaine de France (UJRF). Après la fondation de celle-ci à partir de la JC au congrès de mars-avril 1945 salle de la Mutualité, d’autres organisations de jeunes résistants peu ou prou influencées par les communistes se rallièrent au cours des mois suivants, parmi lesquelles les Jeunes de la Libération nationale, dirigés par Guy de Boysson. Maurice Vidal faisait avec lui partie de la délégation de sept membres qui mena à bien les pourparlers de fusion en juillet, après le départ des JLN de ceux de ses membres qui la refusaient. Il était déjà suffisamment engagé parmi les cadres des jeunes communistes pour être chargé, comme beaucoup d’entre eux, d’une mission estivale dans un département de province, le Lot, où il avait à convaincre les jeunes militants du bien-fondé de la nouvelle UJRF. Au congrès qui se tint à Clichy du 28 août au 3 septembre 1946, Maurice Vidal fut élu membre de son bureau national. Il quitta l’instance au congrès suivant, à Lyon en mai 1948. À cette occasion, son camarade Louis Minetti le présentait dans ses mémoires comme un « grand gaillard affable et généreux, un peu bohème, un grand cœur, très ouvert, intelligent ».
Son activité professionnelle de journaliste sportif allait désormais être liée à son engagement politique. Ses articles, vite remarqués, lui ouvrirent les portes de la presse sportive. Il fut d’abord journaliste au quotidien sportif Sports, créé dans la mouvance du PCF le 2 février 1946 dans un contexte de concurrence frontale vis-à-vis de la presse sportive regroupée autour du quotidien L’Équipe. Sports se situait dans la filiation de l’organe Sport ouvrier, créé en 1923 par la Fédération sportive du travail (FST). Ce dernier titre se transforma en Sport et devint en 1934 le journal de la FSGT. Un de ses dirigeants les plus connus était Auguste Delaune. Le journal fut interdit en 1939 et repris en septembre 1943 sous le titreSport libre, « organe national des sportifs anti-nazis ». En fonction des restrictions dont la presse française était l’objet concernant sa matière première, le papier, Sports, d’abord tri hebdomadaire, devint quotidien au printemps 1946. La revue regroupait dans sa rédaction des débutants dans la profession, appelés à une brillante carrière journalistique dans des journaux les plus divers : François Thébaud, André Chaillot, Pierre Chany, André Costes, Louis Vincent, Jacques Marchand. Faute de lecteurs en nombre suffisant, le quotidien redevint hebdomadaire en 1947, pour finalement disparaître en octobre 1948.
Maurice Vidal exerça ensuite son métier de chroniqueur sportif à Ce Soir, le journal quotidien du soir, créé par le Parti communiste en 1937 et dirigé par Louis Aragon. Journal d’informations générales, Ce soir organisait après la Libération des épreuves cyclistes et s’associa notamment à Miroir Sprint et au quotidien Sports, pour coordonner entre le 10 le 14 juillet 1946, la « Ronde de France » qui se voulait être la préfiguration d’un Tour de France sans ses organisateurs d’avant-guerre (les anciens du journal L’Auto) ou leurs continuateurs. L’expérience s’arrêta à cette édition unique mais l’entreprise de suppléer L’Auto ou son successeur L’Équipe dans l’organisation d’un « Tour de France bis » fut tentée ; elle incomba en partie à Maurice Vidal. La stratégie du PCF consistait alors à éliminer le monopole de fait d’un seul journal quant à l’organisation des épreuves. Avant-guerre ce leadership était tenu par L’Auto de Henri Desgrange. La Libération entraîna l’interdiction de reparaître aux journaux ayant paru « sous la botte de l’occupant ». Le PCF vit là un moyen de se faire une place dans un domaine, le sport, où il était peu présent à l’exception de l’organisation annuelle depuis les années 1930 d’un « Grand Prix cycliste de L’Humanité » qui s’adressait aux sportifs de la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT).
Ce soir dut cependant cesser sa parution en 1953 et Maurice Vidal entra comme chroniqueur spécialisé du cyclisme au quotidien Libération, le journal d’Emmanuel d’Astier de la Vigerie. Il y tint une chronique, en particulier au moment du Tour de France. Mais son activité principale allait être liée, désormais, à un autre titre de la presse sportive. Lorsque Guy de Boysson fut amené à quitter la direction de l’hebdomadaire Miroir Sprint (1944-1948), c’est à Maurice Vidal que revint le poste de directeur. Il dirigea Miroir Sprint de 1949 à février 1971, date de la fin de parution du titre, tout en publiant chaque été, à partir de 1954, « Les compagnons du Tour », titre de son "bloc-note" de journaliste suiveur du Tour de France pour la revue.
Créé dans la foulée, le nouvel hebdomadaire qu’il dirigea ensuite, intitulé Sport (au singulier cette fois-ci), version modernisée de Miroir Sprint, ne parut que onze mois. Dans un ultime éditorial hebdomadaire, le 15 décembre 1971, Maurice Vidal répertoria les causes de l’arrêt de publication : les coûts de la modernisation, l’insuffisance des recettes de la publicité, le coût du transport et de la distribution, le prix de vente élevé, l’absence d’aides de l’État. Mais il dut convenir que : « la formule ne correspondait plus aux modifications intervenues dans le monde du sport, de l’éducation physique et des loisirs ». Par la suite, quelques numéros consacrés aux Jeux olympiques témoignèrent encore de l’activité du groupe des éditions Miroir Sprint, que Maurice Vidal dirigea jusqu’à la fin des années 1970.
Hebdomadaire omnisport, Miroir Sprint et le groupe éditorial auquel il appartenait, les Éditions J, (issues des mouvements de jeunes résistants communistes) créèrent au début des années 1960 quatre magazines mensuels spécialisés, dont la direction incomba à Maurice Vidal : Miroir du football, Miroir du rugby, Miroir de l’athlétisme et Miroir du cyclisme. Ce dernier titre connut la longévité la plus grande et Maurice Vidal y collabora de façon très étroite. Après 1964, il devint également rédacteur en chef du mensuel cycliste. De janvier 1960, date de la création du magazine, jusqu’à 1992, la figure de Maurice Vidal s’identifia entièrement au Miroir du cyclisme. En 1992, l’hebdomadaire subit le sort des Éditions Vaillant-Miroir Sprint : Maurice Vidal, qui depuis 1990 était devenu président d’honneur de la direction du magazine, céda la direction "morale" du journal au repreneur financier du groupe éditorial. Pas une ligne du mensuel n’évoqua son départ… Mais à la fin des années 1970, son adjoint durant 20 ans, Claude Parmentier, et d’autres rédacteurs avaient disparu des colonnes du Miroir dans les mêmes conditions.
Membre du Parti communiste, Maurice Vidal déploya une activité syndicale dans deux directions. D’abord au sein du SNJ-CGT dont il fut l’un des dirigeants, puis de l’Union syndicale des journalistes sportifs de France (USJSF) dont il fut le président de 1971 à 1991. À ce titre, il représenta la presse écrite au Conseil d’Administration de l’ORTF, et la profession au Conseil Supérieur de l’Agence France presse (AFP). Le talent de Maurice Vidal - « souvent de style polémiste » selon certains observateurs - fut reconnu par l’Académie des sports qui lui décerna en 1967 le prix Henri-Desgrange. Quand les quatre syndicats, SNJ, SNJ-CGT, USJF-CFDT et SGJ-FO créèrent l’Union nationale des syndicats de journalistes après 1968, ils lui confièrent la présidence de l’UNSJ.
Journaliste sportif reconnu, Maurice Vidal avait suivi, outre de nombreux Tour de France, les Jeux olympiques, pour Miroir-Sprint et Miroir du Cyclisme. Durant toute la deuxième moitié du XXe siècle, il avait côtoyé les plus grands noms de l’histoire du sport avec passion, engagement et une volonté de transmission qui forçaient le respect de toute la presse d’après-guerre. Témoin d’une époque faite d’exploits sportifs transmis par la presse ou la radio et « peuplée d’authentiques héros aux incarnations populaires », il mourut à l’âge de quatre-vingt-onze ans, au début d’un nouveau siècle dont il disait ne plus comprendre « ni les codes ni les valeurs, et encore moins ce penchant vulgaire et irrationnel pour la profusion de fric, qui finira par tuer l’essence même du sport » Il fut longtemps difficile pour ne pas dire impossible de dissocier chez lui le combat politique de ses activités professionnelles. Ceux qui l’accompagnèrent tout au long de son parcours rappelaient souvent que c’était à la tête de Miroir Sprint puis de Miroir du cyclisme que Maurice Vidal « transforma son amour du sport en œuvre journalistique collective et art de vivre ». Avec Émile Besson, Abel Michéa, Roland Passevant*, Pierre Chany* et quelques autres, (tous engagés dans la Résistance), il fut l’un des pionniers d’un journalisme dit «  sportif  » qui était bien plus que cela, un journalisme engagé…

Après avoir divorcé de sa première épouse, le 17 janvier 1956, Maurice Vidal avait épousé à Paris (IVe arrondissement) Jacqueline de Coulon, le 2 août 1956. Il se remaria, le 27 février 1970, à Paris (Ve arr.) avec Annick Fabre.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article182845, notice VIDAL Maurice, René par Gérard Leidet, version mise en ligne le 26 juillet 2016, dernière modification le 7 février 2022.

Par Gérard Leidet

OEUVRE : Nombreux articles dans la presse sportive, notamment Sports, Miroir sprint, Miroir du cyclisme, Sport – Les compagnons du Tour, de 1954 à 1960, dans Miroir du cyclisme, numéro 88, juillet 1967. – Sports et jeux olympiques, Éditions la Farandole, Paris, 1976. – L’Encyclopédie mondiale du Sport. Les Jeux olympiques de A à Z, Vaillant-Miroir Sprint Publications, Paris, 1980. (sous dir. de). – L’Epopée des Jeux olympiques, 1896-1988, VMS Publications, Paris, 1988 – L’Aventure du Tour de France. Éditions Messidor, Paris, 1987.

SOURCES : Archives du PCF aux Arch. Dép. Seine-Saint-Denis, 283 J 4 et 5. ― L’Avant-Garde, n° 106, 4 sept. 1946. ― L’Humanité, 4 septembre 1946 ; 8 janvier 2011, article de Jean-Emmanuel Ducoin, « La disparition de Maurice Vidal ». ― Guillaume Quashie-Vauclin, L’Union de la Jeunesse Républicaine de France, l’Harmattan, 2009. — Jacques Marchand, Vélodrame, Calmann-lévy, 2008. – Édouard Seidler, Le sport et la presse, coll. « Kiosque », A. Colin, 1964. ― Miroir du cyclisme, numéro 95, janvier 1968, article de Claude Parmentier, p. 6, « Notre directeur Maurice Vidal, honoré par l’Académie des Sports ». ― Vélo Légende, numéro 5, août 1998, article de Jean Bouly, « les souvenirs de Maurice Vidal ». ― Louis Minetti, De la Provence au Sénat. Itinéraire d’un militant communiste, Le Temps des cerises, 2003. — Notes de Marc Giovaninetti.

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