TILLARD Paul, Henri

Par Daniel Grason

Né le 30 décembre 1914 à Soyaux arrondissement d’Angoulême (Charente), mort le 27 juillet 1966 ; employé à la Bibliothèque Nationale ; journaliste ; écrivain ; communiste ; résistant ; déporté à Mauthausen (Autriche).

Paul Tillard
Paul Tillard

Paul Tillard fut avant la Seconde Guerre mondiale journaliste au magazine Regard. En 1942, il vivait chez son amie Raymonde au 35 rue du Sommerard à Paris (Ve arr.). Il fut interpellé le 27 août 1942 vers midi trente par quatre inspecteurs de la BS1 dans le square Louvois à Paris (IIe arr.). Il portait sur lui des documents sur les forces de police et les lieux occupés par les allemands.
Quatorze résistants ont été impliqués dans cette affaire, il a été saisi : quatre pistolets ou revolvers, une grenade, trois bouteilles incendiaires, quatre paquets de poudre noire, un chargeur de mitraillette garni, dix fers de lance, un détonateur, des étuis de cellophane confection des engins incendiaires, un lot de cartouches, plusieurs paquets de produits chimiques destinés à la fabrication d’engins incendiaires, et 2.500 tracts. Emmené dans les locaux de la BS2 à la Préfecture de police, il a été interrogé par trois inspecteurs, frappé à de multiples reprises.
Paul Tillard était le 1er avril 1943 dans un wagon de cinquante-six prisonniers au départ de la gare de l’Est à destination de Mauthausen. Parmi ces compagnons Pierre Choumoff, Jan, Stéphane Douglas-Oderfeld, Maurice Dupic, Octave Rabaté, Jean Rozinoer. Il survécut aux dures épreuves de la déportation.
Il témoigna le 2 août 1945 devant une commission rogatoire. Il reconnut sur photographies les inspecteurs qui l’interrogèrent. Il déclara : « J’ai été frappé au cours des divers interrogatoires par les inspecteurs Barrachin, B. et D. Ces policiers m’ont frappé à coups de nerfs de bœuf, allant jusqu’à me déchausser pour me frapper sur les pieds ».
« Je précise que Barrachin m’a cassé deux dents en me frappant avec le tranchant de la main. J’ai eu deux autres deux de cassées ensuite et les sévices que j’ai subis m’ont occasionné des fêlures aux vertèbres coccygiennes ».
« Après quatre jours de détention dans les locaux des Brigades spéciales j’ai été conduit au Dépôt puis remis entre les mains des allemands qui m’ont écroués à la prison de la Santé ».
« Le 6 novembre suivant, j’ai été transféré comme otage au Fort de Romainville, puis déporté en Allemagne, le 1er avril 1943, au camp de Mauthausen, puis à celui d’Ebensee. J’ai été libéré, le 6 mai 1945, par les armées américaines ».
À propos de Gaston Barrachin Jean-Marc Berlière écrivit : « Cet ancien garde républicain est un violent. Ses interrogatoires se terminent parfois tragiquement. Le groupe qu’il dirigeait fut l’un des plus actifs. Pourchassant inlassablement les communo-terroristes », les interrogeant avec violence, il a commis de gros dégâts. Jugé en octobre 1945, Barrachin est condamné à mort et fusillé ».
Paul Tillard a été homologué combattant des Forces françaises de l’intérieur (FFI), et Déporté interné résistant (DIR).
Après son retour de déportation, Paul Tillard publia en 1945 son témoignage sur sa déportation intitulé Mauthausen, avec une préface de Jean-Richard Bloch. Il travailla comme journaliste au quotidien Ce Soir. En 1956, il condamna l’intervention soviétique en Hongrie avec d’autres intellectuels Marcel Cornu, Georges Besson, Francis Jourdain, Pablo Picasso, Édouard Pignon, Henri Wallon, René Zazzo
Il était l’auteur de nombreux livres militants évoquant la Résistance, la déportation et la guerre d’Indochine.
Rédacteur en chef du journal Ce Soir, il publia de nombreux récits et romans. Un séjour d’un an en Chine lui inspira le Montreur de marionnettes qui rata de peu le Prix Goncourt en 1956. Cette même année, en novembre, il réagit à l’entrée de l’Armée rouge en Hongrie en signant avec d’autres intellectuels l’Appel des dix qui provoqua son exclusion du Parti communiste.
En réaction contre le stalinisme, il publia en 1958 un ouvrage intitulé L’Outrage sur les camps staliniens. Ce livre obtint le prix de la Société des gens de lettres.
Il vivait avec Jeanine Cavignet née Holoienko, qui écrivait dans le journal Paris-Bucarest et avait été la secrétaire générale de France-Roumanie.
Il mourut le 27 juillet 1966 à l’âge de cinquante-deux ans.
L’Humanité publia un article sur son livre Le pain des temps maudits en 1995, l’ouvrage relatait la solidarité à Mauthausen, celle des médecins et infirmiers détenus qui lui avait permis de survivre d’une grave blessure à la tête et de l’épidémie de typhus.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article182908, notice TILLARD Paul, Henri par Daniel Grason, version mise en ligne le 17 octobre 2021, dernière modification le 28 octobre 2021.

Par Daniel Grason

Paul Tillard
Paul Tillard

ŒUVRE : Mauthausen, préface de Jean-Richard Bloch Paris, Éd. Sociales 1945 ; On se bat dans la ville, Roman, 1946 ; Le pain des temps maudits, Paris, Julliard, 1965 ; Les combattants de la nuit, roman, La Bibliothèque française, 1947  ; Les Roses de retour, roman, La bibliothèque française, 1949 ; Le Secret de Monsieur Paul, Les Éditeurs français réunis, 1950 ; Page de Gloire des 23 (en collaboration), édité par le CFDI, 1951 ; Henri Martin, Édité par la comité de défense Henri Martin, 1951 ; Le Matin de la Liberté, Mlada fronta, Prague, 1951 ; Charles Michels, édité par la Fédération nationale ouvrière des Cuirs et peaux, 1951 ; Montreur de marionnettes, 1956 ; L’Outrage, 1958 ; Avec Claude Lévy, La grande rafle du Vel d’Hiv, paru en 1967.

SOURCES : Arch. PPo. Rapport hebdomadaire des Renseignements généraux du 1er septembre 1942, 77 W 5451-292132. – Fiches de police des années 1950 fournies par l’IHTP. – Site internet CDJC cote XLV-53 onze documents datés du 18 octobre 1942 au 12 novembre 1942, établis par le service II de la Sipo-SD France à Paris. – Bureau Résistance GR 16 P 571452. – Jean-Marc Berlière, avec Laurent Chabrun Les policiers sous l’occupation, Éd. Perrin, 2001. – David Wingeate Pike, Mauthausen – L’enfer nazi en Autriche, Éd. Privat, 2004.

Photographie : Arch. PPo. GB 189 (D.R.)

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