CAHEN Claude

Par Françoise Olivier-Utard

Né le 26 février 1909 à Paris (VIe arr.), mort le 18 novembre 1991 à Savigny-sur-Orge (Essonne) ; universitaire, historien, orientaliste ; militant communiste (1939-1960) ; responsable de l’Union française universitaire à Strasbourg à partir de 1947.

Claude Cahen, fils de Louis Cahen, ingénieur en chef des PTT, et de Geneviève Lévy, naquit à Paris le 26 février 1909. Il fit ses études au lycée Louis-Le-Grand, à l’École normale supérieure (1928-1932) et à l’École nationale des Langues orientales vivantes. Diplômé d’arabe (1931), agrégé d’histoire et de géographie (1932), Claude Cahen fut professeur au lycée d’Amiens (1933), puis pensionnaire de la Fondation Thiers (1933-1936) avant de partir en mission en Turquie (1936-1937). À son retour, il enseigna au lycée de Rouen et fut chargé d’un cours d’histoire de l’Orient musulman aux « Langues O. » Il finit sa thèse dans les derniers mois de 1939. Mobilisé comme officier le 15 avril 1940, il fut prisonnier de guerre en Allemagne de 1940 à 1945 et détenu en Prusse orientale. À son retour, il fut chargé de cours (1945-1948), puis professeur (1948-1959) d’histoire du Moyen-Âge oriental à la faculté des Lettres de Strasbourg, tout en reprenant son cours aux « Langues O. » En 1957, il fut cofondateur du Journal of the Economic and Social History of the Orient, publié à Leyde (Leiden). De 1959 à 1979, il fut professeur à la Sorbonne, puis à Paris I et III. Il fut élu à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres en 1971. Président de la Société asiatique, il était chevalier de la Légion d’honneur.

Matérialiste et athée, il disait qu’il n’avait de juif que le nom, et refusa toute sa vie durant de s’associer à ceux qui revendiquaient ou acceptaient la mention d’une origine juive. Malgré son désaccord avec le Pacte germano-soviétique, il avait adhéré fin 1939 au Parti communiste déclaré illégal, par solidarité face à l’adversité. Son activité politique se déroula d’abord dans les camps de prisonniers (reconstitution de diverses cellules), puis surtout à Strasbourg, au sein de la cellule universitaire. En 1947, il mit sur pied la section de Strasbourg de l’UFU-Union française universitaire, qui organisa pendant plusieurs années des conférences et des débats publics en direction des enseignants et des ingénieurs, pour la paix, contre les armes bactériologiques que les Américains étaient accusés d’utiliser en Corée en 1952, pour la défense des époux Rosenberg en 1953. Sa principale préoccupation était en effet la réflexion sur la place des intellectuels et en particulier sur celle des historiens. Durant sa captivité, il avait donné des conférences d’histoire, de mémoire, et élaboré ses idées « pour la science de l’histoire ». À son retour, il lança le débat, interne au parti, sur le travail de l’historien marxiste. Modeste et réservé à l’excès, pratiquant une « histoire sans paillettes », selon l’expression de son ami Maxime Rodinson*, il ne fut pas connu du grand public. Son œuvre scientifique fut toutefois marquante à un niveau international. Il combattit vivement ceux qui figeaient l’histoire tant dans une opposition stérile entre l’Orient et l’Occident que dans un prétendu immobilisme asiatique. Ses travaux originaux sur l’histoire économique médiévale renouvelèrent le champ des études musulmanes. De la même façon, soucieux de rigueur et opposé au dogmatisme, il prit position, à l’intérieur du parti, contre les théories de Lyssenko, ou encore défendit le mouvement pédagogique de Célestin Freinet. Il ne reprit pas sa carte du parti à son arrivée à la Sorbonne, à la rentrée de 1959-1960, considérant que la bureaucratie politique du parti étouffait toute tentative de faire évoluer le rôle des intellectuels et le parti en général. Il n’eut plus d’activité partisane mais fut membre du Groupe de recherche pour la résolution du problème palestinien (animé par Maxime Rodinson), manifesta à plusieurs reprises son soutien à la cause de la paix en Palestine et, à la fin de sa vie, contre la guerre en Irak.

Il avait épousé le 9 septembre 1948 à Paris, Paulette Olivier, née le 10 juillet 1919, institutrice, militante communiste et de l’UFF à partir de 1944. Ils eurent six enfants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article18344, notice CAHEN Claude par Françoise Olivier-Utard, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 12 avril 2010.

Par Françoise Olivier-Utard

ŒUVRE CHOISIE : La Syrie du Nord à l’époque des Croisades et la principauté franque d’Antioche, thèse, Paris, 1940. — « Pour la science de l’histoire », La Pensée, n° 8, juillet-septembre 1946, p. 36-50. — L’Islam des origines au début de l’Empire ottoman, 1970. — « L’histoire économique et sociale de l’Orient musulman médiéval », Studia Islamica, fasc. 3, 1955, p. 93-115, repris dans Les peuples musulmans dans l’histoire médiévale, Damas, 1977, p. 210-229. — Orient et Occident au temps des Croisades, 1983. — La Turquie préottomane, Istamboul, 1988.

SOURCES : Who’s Who in France, XXe siècle, 1900-2000, Levallois-Perret, 2001. — Arch. Dép. Bas-Rhin, 544D40, 544D41. — « Itinéraires d’Orient, Hommages à Claude Cahen », par Michel Cahen, Res orientales, vol. VI, 1994, p. 385-442. — « La mort de Claude Cahen. L’histoire sans paillettes », Le Monde, 22 novembre 1991, notice nécrologique par Maxime Rodinson. — « Claude Cahen, 1909-1991 », par Maxime Rodinson, Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, n° 13, 1992, p. 194-196. — Notice de Françoise Olivier-Utard, Nouveau Dictionnaire de Biographie alsacienne, fascicule n° 44, Strasbourg, 2004, p. 4528. — Notes de son fils, Michel Cahen.

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