LOUBET Jean (« Lepage »)

Par Robert Serre

Né le 10 mai 1910 à Valence (Drôme), exécuté le 20 août 1944 à Saint-Genis-Laval (Rhône).

Jean Loubet pendant une permission en 1940.
Jean Loubet pendant une permission en 1940.

Âgé de 23 ans en 1943, Jean Loubet était cousin de France Bastiat. Élève-maître de l’École Normale de Valence entré en 1927, il quitta l’enseignement pour entrer comme rédacteur à la préfecture de la Drôme à Valence où il devint rédacteur en chef. Dès 1941 il participa à la fabrication de faux papiers. Il subtilisa le tampon de la préfecture de la Drôme, et le mouvement Libération lui apporta des tampons de 9 départements ; la mairie de Valence lui fournit des cartes d’alimentation. Le 13 juillet 1942 au matin, avec Henri Faure, Emile Garçon, Pierre Chazal, Péraro Sylvio et Georges Chauvet, ils imprimèrent et déposèrent avant l’aube des tracts devant des usines de Valence. Loubet se chargea de récupérer le papier et les stencils à la préfecture. Fin août début septembre 1942, suite aux informations que Marius Junique avait transmises à Faure, sur le fait que la police cherchait la machine à écrire qui avait servi pour les tracts distribués le 13 juillet 1942, Loubet ramèna de Lyon une machine à écrire portable.
Le 11 novembre 1942, avec Chazal, Chauvet et Henri Faure, ils distriburèrent des tracts qu’ils ont tirés appelant les ouvriers à faire grève et la population à se grouper devant les portes fermées du Parc Jouvet à Valence. Près d’un millier de Valentinois furent présents à 18 h 30. Personne ne fut inquiété. Il fournit des gerbes à déposer au monument de Bourg-lès-Valence à l’équipe de Paul et Roger Maisonny.
Il organisa le N.A.P. du département dès janvier 1943 avec son cousin France Bastiat. En septembre 1943, membre du réseau Nestlé-Andromède dirigé par Vincent-Beaume dans la Drôme, il se chargea de la surveillance de Valence (indicatif 77.03). En quelques mois il organisa tout un réseau qui passait par lui et qui le reliait ainsi aux PTT (responsable Bastiat) SNCF (Servel), Ponts & Chaussées (Dorel), office du travail (Petit), trésorerie (Marrier), services agricoles (Chalamon), police (le commissaire Kuhn), gaz et électricité (Moulin) et la préfecture où il avait comme adjointe Hélène Saron et Roger Marty, régisseur départemental, Roland, Santoni, Seyer, et Melles Colin et Perrault. En très peu de temps, l’organisation fonctionnait au mieux. Chef départemental N.A.P, il fit partie du Comité départemental des MUR qu’il avait contribué à créer en juillet 1943 et participa aux réunions clandestines du Comité qui coordonna les actions en fonction des renseignements récoltés par le NAP. Il participa à une réunion pour faire une unité de la Résistance fin 1943 avec Bouchier et de Saint-Prix.
Son emploi à la préfecture de la Drôme facilitant les choses, il remit une carte grise au nom de l’administration des Ponts et Chaussées avec autorisation de circuler jour et nuit tout à fait en règle à Henri Faure pour le camion Renault fourni à la S.A.P. par Chambrier du CDM vers octobre 1943. Il confectionna des cartes d’identité pour la CIMADE installée à Valence, et spécialisée dans les passages en Suisse. Jean Loubet aida le groupe de Roger Maisonny à organiser les premiers départs pour les coupes de bois dans le Nyonsais et dans les premiers camps du Vercors (C4 et C6) et aussi pour le camp des Glières. Loubet participa en outre à quelques coups de main et c’est lui même, aidé de Rolland et Santoni qui dérobèrent en janvier 1944 la totalité des fiches de recensement départemental concernant les jeunes gens désignés pour le S.T.O. et les jetèrent au Rhône. Les jeunes avaient trois mois de sursis. Ayant oublié de forcer la serrure, ils furent soupçonnés. Hugues Faure les couvrit, sans être de la Résistance. Avec l’aide d’un complice, Jean Loubet cambriola le commissariat central de police et rafle en plein jour, à l’heure du déjeuner, le dossier des suspects.
Le 24 février 1944, la Milice fit irruption à la préfecture pour y prendre Loubet et quelques-uns de ses adjoints. Les miliciens ne le connaissaient pas et s’adressèrent à Velly, le chef de bureau, pour le leur désigner. Celui-ci dit à haute voix : "Loubet n’est pas là pour le moment, attendez-le, il ne tardera pas à revenir". Entendant cela, Loubet, qui compulsait des dossiers, prit la porte voisine, celle du bureau de Royer, et gagna le large. Il fuit d’abord à Toulouse, Il revint ensuite à Lyon où il fut affecté au PC du réseau Nestlé-Androméde comme chargé de mission. C’est en mars que Marty, chef de service à la préfecture, remplaça Loubet comme chef NAP.
Arrêté dans un café à Lyon le 8 août 1944 par un inspecteur de police valentinois milicien dont la femme avait été une camarade d’école de la sienne, il fut torturé et fusillé sommairement à Saint-Genis-Laval le 20 août 1944.

Voir Saint-Genis-Laval, fort de Côte-Lorette (20 août 1944)

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article183477, notice LOUBET Jean (« Lepage ») par Robert Serre, version mise en ligne le 14 août 2016, dernière modification le 6 février 2022.

Par Robert Serre

Jean Loubet pendant une permission en 1940.
Jean Loubet pendant une permission en 1940.
Radio en 1940
Radio en 1940

SOURCES : Patrick Martin, La Résistance dans le département de la Drôme, 1940-1944, thèse Université Paris IV Sorbonne, 2001, base de données noms. Arch. Nat., /BCRA 3AG2/478, 171Mi189, dossier 5, pièce 22 pages 22-23. Granet/Michel, Combat, p. 234-235 (tableau). Dominique Veillon, Franc-Tireur, p. 131, 196, renseignements transmis par Paul Chassagnon. « Drôme Nord, p. 143. — Gerland, La Résistance en Drôme Centrale, op. cit., p. 1535-36, 38, 39,46. — Fédération des Unités combattantes de la Résistance et des FFI de la Drôme, Pour l’amour de la France, Peuple Libre, Valence, 1989, p. , p. 35, 36, 37, 90, 108. Combats pour le Vercors et pour la liberté p. 135, 173. Élisabeth Burles, La Résistance et les maquis en Drôme-sud, été 1942-août 1944, mémoire de maîtrise, 1976, p., p. 57, 61. L.F Ducros (Tome 2) p. 366. Henri Faure, p. 20, 32, 34, 64. Arch. Dép. Drôme, J 680. bulletin des CVR Drôme, n°9, 1er trimestre 1992, témoignage de R. Marty. mémoires Gastambide, SHPF DP 130, page 173. Dauphiné Libéré du 01/09/06. Arch. Dép. Drôme, 132 J 1. — Cdt Pons, De la Résistance à la Libération, rééd. 1987, p. 281. Monument aux morts et plaque com. Valence.

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