CAIGNOL Marcel, Charles

Par Jean Vigreux

Né le 19 janvier 1918 à Nuits-Saint-Georges (Côte-d’Or), mort le 2 avril 1993 à Quiberon (Morbihan) ; auxiliaire puis fonctionnaire du Trésor ; militant communiste, membre du secrétariat de la fédération communiste de Côte-d’Or ; conseiller municipal de Dijon (1947-1959).

Marcel Caignol en 1950
Marcel Caignol en 1950

Le père de Marcel Caignol était tonnelier et sa mère couturière. Son père, mobilisé pendant la Grande Guerre, fut blessé et gazé à Verdun. De retour en Côte-d’Or, il déménagea à Dijon et devint concierge à la fabrique de liqueur Mugnier. Marcel Caignol, adopté par la Nation en 1925, fut marqué dès son jeune âge par la blessure de son père et la mort de son oncle au conflit ; il garda une aversion pour la guerre et resta antimilitariste.
Le jeune Caignol réussit son passage à l’école primaire où il brillait en calcul et mathématiques ; il obtint son certificat d’études primaires en 1930 et entra à l’école primaire supérieure. Son professeur de français Pierre Devilleneuve, militant communiste actif, le marqua durablement. Parallèlement, il suivait le patronage laïque Tivoli et participa aux activités des « campeurs rouges ». Il entra aux Jeunesses communistes à partir d’octobre 1934, marqué par l’élan unitaire et antifasciste, mais aussi par son frère André, de quatre ans son aîné, qui militait déjà aux JC. Un an plus tard, il devint trésorier des JC et participa activement à la campagne du front populaire en 1936. Cependant, il ne fit pas partie des jeunes militants qui participèrent aux grèves de l’été : étant à la campagne en famille, il travaillait aux champs. S’il échoua à deux reprises (1934 et 1935) au concours de l’École normale, il trouva une stabilité dans sa vie professionnelle lorsqu’il réussit le concours d’entrée à la Trésorerie générale en 1936.
En 1937, Marcel Caignol participa au congrès national des JC à Paris et en devint le secrétaire régional ; la même année, il adhéra au Parti communiste. Dans cette période du Front populaire, il fut l’un des principaux organisateurs de la solidarité à l’Espagne républicaine en Côte-d’Or jusqu’en 1939. Il s’employa également à développer l’activité du Cercle Romain Rolland à Dijon et surtout à diffuser L’Avant-Garde. Ayant remporté le concours d’abonnements à cette publication en 1938, il effectua un voyage en URSS du 2 au 18 juillet 1938, ce qui faisait de lui le plus jeune Dijonnais à s’y être rendu à cette époque. Ce voyage au « pays du socialisme réel » conforta ses convictions ; il devint alors dans la région un porte-parole de choix, étant bon orateur, pour promouvoir les « réalisations accomplies au pays du socialisme » (Le Travailleur de l’Yonne et de la Côte-d’Or, 3 septembre 1938).
Inquiété par la police, en 1939, comme responsable des JC, il dut remettre les clefs de leur local, puis fut arrêté pour la diffusion de papillons clandestins. Dès le début d’août 1940, Marcel Caignol reforma les JC à Dijon et entra en contact avec Madeleine Vincent*. Il diffusa à nouveau sa presse, L’Avant-Garde clandestine. Il faisait alors partie d’un triangle avec Léon Soye* et Lucien Dupont*. Il se maria en novvembre 1940 à Dijon. À partir de 1941, il entra dans la clandestinité et participa à la Résistance à Reims (Marne), Laon (Aisne), Paris, Bordeaux (Gironde), militant au sein du Front national. Là, il travaillait étroitement avec Alexandre Truchot et Jules Jaqueson.
Interpellé à Paris le 28 février 1944, il bénéficia sans doute d’une mauvaise transmission de renseignements entre la police française et les autorités allemandes, puisqu’il fut envoyé à Brandebourg, en Saxe, au titre du STO. Libéré par l’avancée des troupes de l’armée Rouge, il revint en mai 1945 à Dijon, passant d’abord au siège du PCF à Paris. Entre-temps, son frère Gilbert était mort dans des conditions obscures - accusé d’avoir trahi, il fut exécuté par la Résistance -, ce qui marqua durablement Marcel Caignol.
Permanent du PCF de 1945 à 1949, il bénéficia avec Juliette Dubois* de l’éviction de Marcel Asmus*. Du 25 février au 11 mai 1946, il fut élève désigné par le comité central du parti pour suivre les cours de l’école d’Arcueil. Ses cahiers d’élève, qu’il conserva avec soin - comme l’ensemble de ses archives, notes personnelles, articles de presse, professions de foi, etc. - témoignent de son intérêt pour la formation politique.
De retour, il retrouva son poste comme secrétaire fédéral à l’organisation. Il entra en guerre froide pour défendre son Parti et l’URSS. Son combat politique fut récompensé par son élection en 1947 au conseil municipal de Dijon. Il fut élu à cette fonction d’édile local jusqu’en 1959. Il s’employa à défendre les personnels municipaux, aussi bien dans l’amélioration de leurs conditions sociales - en obtenant, en 1949, le refus d’augmenter les loyers municipaux au conseil municipal - et salariales, que dans leur titularisation massive. Il milita activement dans ce conseil à la construction de logements sociaux et de groupes scolaires, et défendit également avec ardeur les ouvriers de la société des tramways électriques de la ville. Enfin, il déploya son énergie pour développer l’hôpital ainsi que l’aide sociale et culturelle aux plus démunis ; il se souvenait de sa jeunesse difficile au cours de laquelle, pour manger, il mettait des pièges pour prendre les oiseaux. Ce combat de justice sociale et d’aide aux plus démunis fut important lors de son mandat d’élu municipal. Cet épisode est parsemé d’anecdotes croustillantes où il s’opposa au chanoine Kir - évoquant pour certains les frasques de « deux hommes d’une célèbre série cinématographique italienne mettant en scène un curé de campagne et un maire communiste » (Marc Salmon) - et atteignit son paroxysme en 1952 lors de la nouvelle dénomination des rues de la ville. Marcel Caignol s’écria : « et pourquoi pas débaptiser la place Wilson pour lui donner le nom de Saint-Pierre, la place Bossuet pour celui de Saint-Jean [...] Les Saints ont leur place au paradis : laissez les rues à Perran, Blanqui, Quinet, au chevalier de la Barre. Ils ont droit de cité dans notre ville de Dijon ! » (Bulletin municipal, janvier 1952).
Entre-temps, il fut évincé du secrétariat fédéral en février 1949 lors de la Ve conférence fédérale, étant remplacé par Marcel Harbelot*, même s’il resta au conseil fédéral. En 1958, il fut même sanctionné par un blâme et en garda toute sa vie une profonde amertume. Pour expliquer officiellement cette décision, le comité fédéral du PCF stipula que Marcel Caignol était parti en vacances sans prévenir de la destination et de la durée de son séjour ; qu’il n’avait pas répondu à un questionnaire interne de la fédération... Bref, l’arsenal classique d’une sanction était mis en œuvre ; cet événement souligne en fait la rivalité des hommes, les inimitiés au sein de la fédération communiste, mais peut-être aussi la jalousie dont était victime Marcel Caignol, ayant une vie publique intense comme conseiller municipal ; « il fallait remettre ce cadre dans le droit chemin ». Malgré cet épisode douloureux, il fut présenté six fois aux élections législatives entre 1956 et 1973, sans succès ; gardant dans ses archives privées les professions de foi et coupures de presse conservées à ADIAMOS, il s’employait à analyser les scrutins, mais aussi à utiliser des chiffres très précis pour dénoncer par exemple le coût des guerres coloniales. Il milita activement pour la paix en Algérie, reçut des menaces de mort de l’OAS et des slogans furent peints sur son immeuble. Il participa également à l’Amicale des élus républicains, dirigée par Waldeck L’Huillier* avec lequel il se lia d’amitié. Marcel Caignol fut également un homme passionné par la pêche et milita dans de nombreuses associations liées à ce loisir.
Il fut toujours secondé par sa deuxième épouse Denise Caignol, née Cullard (mariage de mai 1947 suite à son divorce de 1946), avec laquelle il trouva la mort dans un accident tragique de chauffage en Bretagne le 2 avril 1993. Lors de ses obsèques civiles à Dijon, André Belleville salua cet itinéraire dévoué à la justice sociale et au communisme. Son fils Alain s’employa en vain à obtenir sa réhabilitation individuelle, liée au blâme, auprès de Robert Hue. Toutefois ce dernier lui répondit que la réhabilitation était générale.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article18351, notice CAIGNOL Marcel, Charles par Jean Vigreux, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 28 janvier 2022.

Par Jean Vigreux

Marcel Caignol en 1950
Marcel Caignol en 1950

SOURCES : Arch. Dép. Côte-d’Or. — Fonds Marcel Caignol à ADIAMOS (Chenôve). — Arch. privées du fils de l’intéressé, Alain Caignol, et entretiens avec Alain Caignol, André Belleville, Marcel Harbelot, Jules Jaqueson et Guy Thibaut. — Catherine Chavériat, Le PCF en Côte-d’Or de 1934 à 1939, mémoire de maîtrise d’histoire, Université de Bourgogne, Dijon, 1992. — Marc Salmon, Marcel Caignol, vie politique d’un militant communiste, mémoire de maîtrise d’histoire, Université de Bourgogne, Dijon, 1997. — État civil de Nuits-Saint-Georges

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