NEURAY Louis, Joseph, Ghislain.

Par Jules Pirlot

Anhée (pr. Namur, arr. Dinant), 31 octobre 1907 – Liège (pr. et arr. Liège), 23 octobre 2002. Électricien, syndicaliste, résistant, député communiste de l’arrondissement de Liège.

Né dans un milieu ouvrier, Louis Neuray étudie à l’école technique « Université du travail de Charleroi » (pr. Hainaut, arr. Charleroi) puis s’installe dans la région liégeoise. Il y travaille comme électricien et adhère à la Centrale syndicale du Parti ouvrier belge (POB). Il épouse Berthe Bertrand dont il a deux enfants : Robert et Suzanne.

Louis Neuray rejoint le Parti communiste de Belgique (PCB) en 1934. Il s’occupe du Comité national d’aide à l’Espagne républicaine pendant la guerre civile. Comme communiste, il est incarcéré par les Autorités belges, en mars 1940, à la prison Saint-Léonard de Liège. Il est libéré à l’approche de l’ennemi en mai 1940. Dès le début de l’Occupation, il participe à la fondation d’un Comité de défense populaire qui mène des actions de revendications sociales, comme l’Aide aux femmes de prisonniers de guerre et un meilleur ravitaillement. Louis Neuray suit les instructions de Julien Lahaut. Il milite à Herstal (pr. et arr. Liège). Lui et ses camarades s’en prennent aux affiches et aux locaux rexistes, distribuent la presse clandestine et, pour dénoncer l’appel de Léopold III à la reprise du travail, publient un tract destiné à la FN (Fabrique nationale d’armes de guerre) de Herstal mise sous administration allemande. Ils procèdent au démontage de véhicules d’armements abandonnés lors de la retraite, afin qu’ils ne puissent tomber dans les mains des Allemands et pour se servir, peut-être un jour, eux-mêmes des armes récupérées.

En octobre 1940, Louis Neuray a l’opportunité d’être embauché aux CEB (Constructions électriques de Belgique), usine dépendant des ACEC (Ateliers de constructions électriques de Charleroi) située à Herstal. Il remet sur pied une section syndicale avec des communistes, des socialistes et des chrétiens. C’est un prototype des Comités de lutte syndicale (CLS) organisés par le PCB dans la clandestinité. Diverses actions sont lancées. Neuray commence par une action contre le « système Bedaux » qui vise à augmenter la productivité mais pas les salaires. Il organise une petite manifestation qui se rend à la Kommandantur pour réclamer, avec succès, une augmentation de la ration de pommes de terre. La direction des ACEC descend à Herstal pour rencontrer Louis Neuray, tenter de l’amadouer, puis le menacer parce qu’il s’oppose à la proposition de céder une partie des salaires au Secours d’Hiver, une association caritative encouragée par l’Occupant allemand et gérée par des notables belges. Neuray est finalement licencié le samedi 14 décembre 1940. Le lundi 16, l’usine est en grève, ce qui est formellement interdit. La direction renvoie une série de travailleurs considérés comme meneurs et embauche un mouchard au service des Allemands. Treize ouvriers des CEB ne reviendront pas des camps. Une stèle est édifiée à leur mémoire sur leur ancien lieu de travail.

Louis Neuray est arrêté le mardi 17 décembre 1940 par la police allemande. Incarcéré à la prison Saint-Léonard à Liège, il est durement interrogé. Ses collègues se cotisent pour apporter l’équivalent de son salaire à son épouse tant qu’il sera captif. Le Parti communiste lance une grande campagne « Libérer Neuray » par sa presse clandestine et par une pétition sous forme de cartes postales à expédier aux Autorités allemandes. Jugé par un tribunal militaire, Neuray est condamné à trois ans et demi de prison qu’il purge en Allemagne, à Aix-la-Chapelle, à Rheinbach, puis à Siegburg (Rhénanie du Nord-Westphalie), en compagnie de détenus de droit communs. Il s’évade mais, repéré près de la frontière belge par des membres de la Jeunesse hitlérienne, il est repris, ce qui lui vaut un séjour extrêmement sévère de quarante jours aux fers. Il est toutefois discrètement aidé par un gardien, communiste allemand. Au terme de sa peine, il est affecté à des travaux dans un commando de déportés avec lesquels il lui est interdit de communiquer. Alors qu’il doit être transféré au camp de Sachsenhausen près de Berlin, aucun train n’assume ce transport suite à la déroute allemande et aux bombardements alliés.

Louis Neuray est finalement conduit à Verviers (pr. Liège, arr. Verviers) et relâché le 2 septembre 1944. Il rentre à Liège qui est libérée par les Américains les 7 et 8 septembre. Le 11 octobre, à la tête d’un groupe de partisans armés, il procède à l’arrestation du directeur des CEB et le remet aux autorités judiciaires belges sur intervention du bourgmestre de Herstal qui veut éviter un affrontement avec la gendarmerie appelée pour libérer le directeur. Les Partisans exigent la réintégration des ouvriers licenciés pendant la grève de 1940 et une indemnité pour les familles des travailleurs déportés. Ensuite, Neuray organise une expédition aux ACEC de Charleroi pour exiger et obtenir un mandat d’arrêt contre le directeur général. Devant les tribunaux militaires, le procès qui traîne de première instance en appel, aboutit à des acquittements et à des peines symboliques.

Déjà membre du Comité central du PCB, Louis Neuray devient secrétaire politique de la Fédération liégeoise et entre au Bureau politique. En 1946, il est élu à la Chambre des représentants, ce qu’il ne désirait pas. Son souhait est de faire du syndicalisme. Il mène une activité militante exténuante. Déjà le 1er aout 1945, son médecin avait écrit au secrétaire d’organisation de la Fédération liégeoise pour le mettre en garde : « Louis Neuray refuse de prendre du repos, pourtant il souffre d’une bronchite chronique et d’une profonde fatigue qui devient inquiétante. » Son dossier de reconnaissance comme prisonnier politique n’est pas encore clôturé en 1948, ce qui l’use psychologiquement.

En 1947, Louis Neuray renonce à devenir échevin, au profit de son camarade Raymond Halleux et démissionne du conseil communal de sa commune d’Embourg (aujourd’hui commune de Chaudfontaine) près de Liège où il a été élu sur une liste d’alliance avec les socialistes.

Atteint d’une profonde dépression, il adresse sa démission comme député au président de la Chambre avec copie à Edgar Lalmand, secrétaire général du PCB. Dans cette lettre, il évoque des problèmes de santé et réaffirme ses convictions communistes et sa confiance dans le parti. Ce dernier essaye de le récupérer en janvier 1948 pour appuyer l’accusation dans le procès intenté à la direction des ACEC pour collaboration avec l’ennemi. Mais Louis Neuray a disparu. Le 4 mai 1948, il écrit une lettre d’adieu au PCB tout en adressant ses encouragements à ses camarades. Il émigre en France où il refait sa vie et crée une petite entreprise de céramique d’art. Fidèle à ses convictions, il se met au service du Parti communiste français comme simple militant. Il revient après 1990, finir ses jours à Liège et s’affilie de nouveau au PCB.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article183917, notice NEURAY Louis, Joseph, Ghislain. par Jules Pirlot, version mise en ligne le 22 août 2016, dernière modification le 3 janvier 2020.

Par Jules Pirlot

SOURCES : CArCoB, Dossier CCP et fonds numérique « Louis Neuray » – VAN MOLLE P., Le Parlement belge, 1894-1969, Gent, 1969 – Papiers personnels conservés par Robert Neuray, fils de Louis Neuray – Entretien avec Robert Neuray, le 17 juin 2016 – PIRLOT J., « Neuray Louis », dans Site du CArCoB – NEURAY L., « Souvenirs de guerre », dans Chroniques de la Résistance du Front de l’Indépendance, Liège, septembre 1976 – « À la mémoire de Louis Neuray », dans Blog HachHach, mis en ligne le 27 février 2014.

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