CALMEJANE Jean

Par Gilles Morin

Né le 19 mars 1923 à Champagne-sur-Seine (Seine-et-Marne) ; comptable ; membre fondateur de la Nouvelle gauche, permanent de l’Union de la gauche socialiste ; administrateur de l’agence Libair.

Jean Calmejane en 1957
Jean Calmejane en 1957

Jean Calmejane était issu d’une famille d’instituteurs, du Lot et du Cantal du côté paternel, de l’Aveyron du côté de sa mère. Après la Première Guerre mondiale, son père, gazé, vint dans la région parisienne pour prendre un cabinet de contentieux à Champagne-sur-Seine et y fit connaissance de sa mère. Ils étaient de droite, mais républicains. Sa famille fit faillite après la mort de son père, qui intervint alors qu’il avait sept ans. Il était le benjamin, ayant deux sœurs et un frère.

Jean Calmejane, par la volonté de sa mère, reçut une éducation très religieuse : après l’école communale à Saint-Maur, il fit ses études au Petit séminaire de Paris, qu’il quitta de son fait en classe de troisième. Il fut ensuite garçon de course rue Royale, chez un antiquaire de luxe, jusqu’en 1939. À la déclaration de guerre, sa mère et lui se réfugièrent en Aveyron à Montbazin. Il fut envoyé dans un camp de Jeunesse des Compagnons de France. Il tenta de s’engager dans l’armée de l’armistice, mais ne fut pas pris pour des raisons médicales. Il fut alors employé à la société pyrénéenne d’énergie électrique de 1941 à 1942. Il se réengagea, avec succès cette fois, à Limoges (Haute-Vienne) fin 1942. Mais le 11 novembre, les Allemands envahirent la zone Sud, provoquant leur démobilisation. De retour chez lui, avec sa solde, il entra dans un petit maquis de Millau (Aveyron) fin 1943. Dans ce corps franc communiste, il était désigné comme le « royaliste » et participait donc à toutes les opérations dangereuses. Au printemps 1944, dénoncés par des déserteurs du maquis, ils furent attaqués et Calmejane, qui était dans une ferme isolée, fut l’un des seuls rescapés du camp « Alfred Merle ». Il traversa l’Aveyron et se rendit au maquis de l’AS de Prévinquière.

À la Libération, Calmejane entra dans la 1re armée débarquée en Provence, signant son engagement à Dijon. Il appartint à la 4e division marocaine de montagne qui poursuivit la division Das Reich. Il fit donc les campagnes d’Alsace, d’Allemagne, puis participa à l’occupation en Autriche comme animateur de l’Armée. Démobilisé en décembre 1945 à Toulouse (Haute-Garonne), il trouva un emploi de bureau à l’École d’administration militaire, au château de Mainville en Seine-et-Oise où il connut sa femme. L’école fut mutée à Montpellier (Hérault) en 1947.

Jean Calmejane s’intéressa à la politique vers 1947. Tout d’abord proche du MRP, il avait assisté à quelques réunions et lisait l’Aube, mais cherchait autre chose. Il prit l’habitude de lire Combat de Claude Bourdet*, Albert Camus* et Pascal Pia*. En 1950, dans un éditorial, Bourdet dénonça l’achat du quotidien par Smadja et invita les lecteurs à entrer en contact avec lui. Calmejane se rendit chez Bourdet, avenue d’Iéna, et celui-ci lui proposa de faire des réunions et de trouver des jeunes. Il lui annonça aussi son intention de créer un journal avec Gilles Martinet* et Roger Stéphane*, l’Observateur, dont il devint le premier abonné. Avec le gynécologue Jean Cohen*, Jean Arthuys*, qui mit à leur disposition une pièce de l’appartement de sa mère, rue Victor Hugo, Pierrette Brochay et Prosper Cohen, ils prirent l’habitude de louer une salle aux Sociétés savantes et de convoquer des réunions. Bourdet, dans la filiation de militants britanniques, lança le thème du neutralisme, « pour vaincre la peur ». Il leur présenta une trentaine de notables de gauche, issus pour la plupart du RDR, qui avaient fondé le Centre d’action des gauches indépendantes (CAGI), avec aussi l’abbé Pierre* (qui rompit rapidement). Le secrétaire général était Jacques Nantet*, gendre de René Pleven, et s’y retrouvaient Yves Dechézelles*, Pierre Stibbe*, Jean Rous*, un temps Jacques Soustelle* avec Paul Rivet*. Par ce dernier, ils firent des réunions au Palais du Trocadéro. S’y associèrent encore des responsables de la Jeune République, comme Maurice Lacroix*, Camille Val* et Jacques Madaule*. Découragés par les échecs précédents, la plupart ne croyaient pas qu’ils pouvaient construire quelque chose en commun. Avec Jean Arthuys, Calmejane rechercha ceux qui, en province, partageaient leurs idées dans la gauche non communiste, et rassemblèrent les Parisiens sous leur pression. Ils constituèrent, notamment avec la section de Versailles et diverses de Seine-et-Oise, représentées depuis le CAGI par Jean Risacher*, qui participa provisoirement en mai 1955 au secrétariat du Comité directeur de la FGUNG, une fédération qui regroupa par ailleurs la Jeune République et l’Union progressiste et prit plusieurs noms en 1954 (Comité de liaison et d’initiative pour une nouvelle gauche, Comité national de la nouvelle gauche, Fédération des groupements unis de la nouvelle gauche), pour adopter finalement celui de Nouvelle gauche (NG). Le CAGI puis la NG défendaient les idées neutralistes, combattaient le colonialisme, en Indochine puis en Afrique du Nord, dénonçaient le réarmement allemand et prônaient le rassemblement.

Philippe Viannay*, qui fit leur connaissance au moment de la formation de la Nouvelle gauche en 1955, les décrit ainsi : « Ce mouvement s’était constitué à l’occasion de la candidature de Bourdet et du professeur Rivet aux élections de 1951. C’était une sorte de mouvance de France-Observateur mais une mouvance spontanée, ne venant pas de la tête mais de la base, lecteurs ou supporteurs du journal ayant la volonté de traduire en acte les idées qu’ils défendaient. Ils étaient les véritables artisans de ce regroupement, ayant convaincu les vedettes de France-Observateur et quelques autres qu’il fallait, au-delà des récoltes de signatures ou des meetings, créer une structure d’accueil pour ceux qui voulaient la décolonisation et refusaient le simple alignement sur les États-Unis. »

Membre du secrétariat national de la Nouvelle gauche en janvier 1956, Calmejane fut désigné secrétaire administratif en mai 1956. Il était par ailleurs administrateur en octobre 1953 et membre du comité de rédaction du Libérateur en 1955.

La NG se rapprocha ensuite du Mouvement de libération du peuple (MLP) de Louis Alvergnat*, avec Georges Tamburini* et Louis Guéry*, très « crypto-communistes » selon Calmejane. Le CAGI et le MLP formèrent un organisme unique au niveau parisien. Participèrent encore à leur rassemblement, René Capitant, Louis Vallon* et Léo Hamon* qui, estimait-il, cherchaient des troupes pour leurs campagnes.

L’opposition à la guerre d’Algérie favorisa les rapprochements des minorités de gauche et, en décembre 1957, la Nouvelle gauche, la Jeune République, le MLP et des groupes de socialistes indépendants autour d’Andrée Viénot*, formèrent l’Union de la gauche socialiste (UGS). Calmejane avait participé aux discussions sur la formation de l’UGS au cours de l’été 1957 et fut organisateur du congrès d’unification pour la Nouvelle gauche en décembre suivant. Membre du bureau politique de l’UGS, il fut chargé du secrétariat administratif. Aussi, alors qu’il était depuis 1957, par l’entremise de Philippe Viannay*, responsable de la comptabilité des Glénants, devint-il en 1958 permanent de l’UGS à l’ancien siège du MLP, boulevard Garibaldi, avec Carmen Soteras*. Il retrouvait, dans la direction, Claude Bourdet* puis Gilles Martinet* au secrétariat général, Philippe Viannay, trésorier du mouvement, Paul Dantonnel*, commissaire aux comptes, Jean Arthuys, secrétaire général, et Louis Guéry*, chargé de Tribune du Peuple et de Perspective socialiste. Il fut administrateur de l’ensemble. En mai 1958, le boulevard Garibaldi vécut comme une forteresse assiégée.

Jean Calmejane résidait à Villemonble (Seine, Seine-Saint-Denis) et y créa une section locale de la Nouvelle gauche. Un de ses membres, Ginioux père, avait une presse et, à la demande de Jérome Lindon*, y édita La Question et un autre ouvrage interdit.

En avril 1960, Calmejane n’adhéra pas au PSU. Sur la demande de Jean Arthuys*, qu’il continua à voir régulièrement, à partir de 1963, il vint aider les éditions militantes EDI, créées en 1962, rue de Chaligny, par Marcelle Bérard, Claude Meillassoux* et Jean Risacher* dans leurs nouveaux locaux rue Descartes à Paris (Ve arr.) en assurant leur comptabilité. Replié sur les Glénants, il y exerça le rôle de responsable de la comptabilité, sous la direction de la déléguée générale Hélène Viannay.

Au début des années 1970, Jean Arthuys lui demanda, avec Michel Rocard*, de fonder une entreprise de voyages pour faire gagner de l’argent au PSU et pour organiser des voyages pour les militants. Il devint ainsi gérant de la SARL Libair, centre de voyage proche du PSU, dont le siège se situait rue de Turbigo, sous le contrôle politique de Jean Le Garrec*. Ils étaient correspondants de l’agence « Rivages » et travaillaient avec « Découverte et culture ». Ils étaient notamment en relations avec l’Algérie et le Portugal, organisèrent des voyages en Chine et firent une opération de vente de montres Lip avec Charles Piaget*. En 1974, après le départ de la direction du PSU au PS, la société fut mise en faillite et lui-même se vit condamner à cinq ans d’interdiction d’exercer tout commerce.

Par la suite, il ne voulut pas adhérer au PS, mais se considérait toujours, au début 2007, comme socialiste. Marié, il avait trois enfants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article18423, notice CALMEJANE Jean par Gilles Morin, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 11 décembre 2008.

Par Gilles Morin

Jean Calmejane en 1957
Jean Calmejane en 1957

SOURCES : Le Libérateur, 1954-1956. — Bulletin d’information du Mouvement uni de la Nouvelle gauche, 15 mai 1956, 10 juillet et 15 novembre 1957. — Directives, n° 2, 20 janvier 1958. — Fichier des adhérents de l’UGS. — Philippe Viannay, Du bon usage de la France, Ramsay, 1988. — Entretien avec Jean Calmejane, janvier 2007. — Notes de Jean Risacher.

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