LUO Yinong 羅亦農

Par Alain Roux et Yves Chevrier

Né en 1901 dans le xian de Xiangtan, Hunan ; fusillé le 23 avril 1928. Communiste de la première heure, représentant de l’internationale paysanne (Krestintern) en Chine (1925). L’un des dirigeants du mouvement insurrectionnel à Shanghai (mars-avril 1927), puis responsable pour les provinces du bas Yangzi (fin 1927-début 1928). Membre du B.P. du P.C.C. en novembre 1927.

Originaire du xian natal de Mao Tse-tung (毛澤東) et He Mengxiong (何夢雄) dans le Hunan, Luo Yinong, fils d’un marchand aisé et gros propriétaire foncier, fut un communiste de la première heure et, avant cela, un partisan enthousiaste des idées nouvelles qui préparent l’explosion du 4 mai (voir Chen Duxiu (陳獨秀)). Il se sépara de sa famille et s’en fut à Shanghai en 1918. Il y fut l’un des premiers Chinois à se réclamer du marxisme (en dehors du groupe pékinois de Li Dazhao (李大釗)) et, enthousiasmé par la révolution d’Octobre, s’inscrivit à l’École des langues étrangères afin d’apprendre le russe (voir Yang Mingzhai (楊明齋)). He Minfan (賀民範) l’envoya en 1920 à Pékin, en même temps que Bu Shiqi (卜世崎), qu’il accompagna ensuite à Moscou, où ils suivirent les cours de l’Université communiste des travailleurs de l’Orient (voir Peng Shuzhi (彭述之)). Miné par la tuberculose (comme beaucoup de ses condisciples), il n’en devint pas moins un bon théoricien marxiste chargé d’enseigner le matérialisme historique aux étudiants chinois de Moscou. Il devint membre du P.C.C. au cours de son séjour. Il rentra en Chine au printemps 1925 comme représentant du Krestintern (Internationale paysanne) et participa, à ce titre, au second Congrès pan- chinois du travail à Canton (mai 1925). Il ouvrit les travaux du congrès de l’Association paysanne provinciale du Guangdong le 3 mai (voir Peng Pai (澎湃) et Luo Qiyuan (羅綺園)). Au moment du mouvement du 30 mai 1925 (voir Liu Hua (劉華)), Luo Yinong se partage entre Shanghai, où il semble avoir poussé au lancement de la grève générale qui suit la fusillade du 30 mai, et Canton, où il est l’un des animateurs de la grève-boycott qui débute en juin (voir Su Zhaozheng (蔌兆症)). Lorsque le mouvement retombe, il est critiqué avec d’autres dirigeants pour « opportunisme » dans la collaboration avec le G.M.D. (Pékin, octobre 1925). Il demeure deux mois à Pékin pour diriger une École centrale du Parti, destinée à pallier la pénurie de cadres mise en lumière par les événements de Shanghai et de Canton. Malgré ce blâme, il semble avoir conservé toute la confiance du C.C., car il est chargé (fin 1925 ou début 1926) de réorganiser le « shiwei » (comité de ville) de Shanghai — où il remplace Han Baihua (韓白華), débordé par l’agitation consécutive au 30 mai.
En octobre 1926, Luo Yinong, devenu cadre central du Parti, participe avec Zhou Enlai (周恩來) et Zhao Shiyan (趙世炎), à la préparation d’une insurrection ratée à Shanghai et en mars 1927, au succès de la grève insurrectionnelle. Il est l’un des trente et un membres de la municipalité provisoire qui dirige le soulèvement (20 mars) et l’un des dix-neuf membres du gouvernement municipal qui administre la ville chinoise (21 mars). A la veille du 12 avril 1927, il s’oppose vainement à l’ordre (venu de Moscou) de cacher les armes des milices communistes afin d’éviter tout incident avec les forces de Chiang Kai-shek.
Élu au C.C. lors du Ve congrès du P.C.C. (Wuhan, avril-mai 1927), Luo devient secrétaire provincial du Jiangxi puis du Hubei au moment des insurrections de la Moisson d’automne (voir Peng Gongda (彭公達)). Il dirige une mission d’inspection dans le sud de la province (fin août-début septembre) afin d’y préparer le soulèvement. C’est un échec (voir Fu Xiangyi et Wu Defeng (吳德峰), et plus généralement, sur ces échecs, Peng Gongda). Mais alors qu’un échec semblable dans le Hunan voisin vaut blâme et sanctions à Mao Tse-tung, Luo Yinong est confirmé en novembre au B.P. Il est vrai qu’au Hubei l’insurrection n’a pas été conduite par le comité provincial (qu’il dirige) mais par un comté spécial (tewei) dont les membres seront blâmés (voir Fu Xiangyi et Wu Defeng). Il semble que Luo ait appartenu au B.P. dès le lendemain de la conférence extraordinaire du 7 août (voir Qu Qiubai (瞿秋白), Lominadzé) en tant que responsable du Bureau du Parti pour le Yangzi. Le plénum de novembre, qui abolit ces bureaux régionaux, le fait entrer au comité permanent du C.C. en même temps que Zhou Enlai (Qu Qiubai (瞿秋白), Li Weihan (李維漢) et Su Zhaozheng (蔌兆症) en sont déjà membres). Il est nommé à la place de Li Weihan à la tête du Bureau de l’organisation. Auparavant, en octobre, il a prévenu, en application de directives du Centre, un soulèvement à Wuhan. Les activistes locaux du P.C.C. et de la L.J.C. reviennent à la charge en novembre-décembre et dénoncent sa « couardise ». Dépêchés sur place, Su Shaozheng, He Chang (賀昌) et Guo Liang (郭亮) leur donnent raison contre lui mais sont désavoués par le C.C. le 24 décembre. En janvier 1928 il rejoint le Centre du Parti à Shanghai. C’est au retour d’une tournée d’inspection dans les deux Hu (Hunan-Hubei) qu’il est arrêté dans la Concession internationale de Shanghai (le 15 avril 1928). Immédiatement extradé, il est fusillé par les Nationalistes le 23 avril à Longhua.
Les journaux anglais, français et nationalistes de Shanghai présentent la capture et l’exécution de Luo Yinong comme un événement de grande importance : « Le chef est pris : le fléau communiste aura bientôt disparu » titre l’un d’entre eux. Le Journal (français) de Shanghai précise même qu’il avait joué un rôle décisif « dans les émeutes ouvrières de l’an passé » et que la police chinoise avait versé une prime de 1 000 dollars aux policiers anglais qui l’avaient arrêté.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article184231, notice LUO Yinong 羅亦農 par Alain Roux et Yves Chevrier, version mise en ligne le 23 novembre 2016, dernière modification le 23 novembre 2016.

Par Alain Roux et Yves Chevrier

ŒUVRE : Wuchan jieji zhengdangzhi jianshe (La construction d’un parti politique prolétarien), Canton, 1926.

SOURCES : Outre BH et KC, voir Chang Kuo-t’ao (Zhang Guotao), I et II (1971-1972). — Chesneaux (1962). — Hofheinz in CQ, n° 32, octobre-décembre 1967. — Journal de Shanghai, 16 avril 1928. — Hsiao Tso-liang (1970) et du même, in CQ n° 33, janvier-mars 1968. — Témoignage de Peng Shuzhi : biographies de Han Baihua, He Songling et He Minfan dans ce volume. — Cadart/Cheng (1983) et Li Weihan in Social Sciences in China, n° 3, 1983.

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