MA Chaojun 馬超俊

Par Alain Roux

Né en 1885 au Guangdong ; mort en 1977 à Taiwan. Le plus important responsable du G.M.D. en milieu ouvrier.

Issu d’une famille sans fortune de Taishan près de la Rivière des Perles, ce Cantonais peut, après quelques années difficiles consécutives à la mort précoce de son père, faire des études grâce aux subsides envoyés du Canada par un frère aîné émigré. Après avoir concouru, avec succès, pour l’obtention d’un diplôme de bachelier (sheng yuan ) dans le cadre des examens mandarinaux traditionnels, Ma Chaojun choisit de devenir mécanicien dans une entreprise de docks de Jiulong (Kowloon) en 1900. En 1902, il émigre aux États-Unis où il travaille quelque temps sur les quais de San Francisco. Il adhère alors à la société secrète antimandchoue Zhigongtang (« La loge pour l’obtention de l’impartialité »), sans doute sous l’influence d’un professeur spécialiste de l’histoire des Taipings : il avait suivi ses cours dans une école du soir de Hong Kong où il avait appris aussi l’anglais et le mandarin. Désormais, il devient un fidèle de Sun Yat-sen (孫逸仙) qu’il rencontre en 1904 et qu’il accompagne au Japon en 1905. Après avoir étudié l’économie politique pendant quelques mois à l’Université Meiji de Tokyo, il s’installe en Chine du Sud à partir de février 1906. Sa tâche est de constituer parmi les ouvriers et, plus précisément, les ouvriers mécaniciens cantonais, des noyaux de partisans du Tongmenghui, la « ligue jurée », fondée par Sun Yat-sen, à laquelle il a adhéré. Parallèlement, il recueille des fonds en se livrant à des activités commerciales et industrielles : ainsi, en 1907, avec une entreprise de vente de cheveux ou, en 1913, avec une petite entreprise de tricot. En 1911, lors de la révolution antimandchoue, ce conspirateur professionnel participe avec soixante-dix ouvriers à la défense de l’arsenal de Hanyang attaqué en novembre par les forces de Yuan Shikai. Il est député au parlement après le succès de la révolution, participe au soulèvement manqué de 1913 contre Yuan et suit Sun Yat-sen au Japon où il entre dans une école d’aviation. En 1916, il participe à des combats au Shandong contre Yuan Shikai... et donne des exhibitions comme aviateur.
La seconde partie de la vie de Ma Chaojun commence alors : le révolutionnaire antimandchou devient syndicaliste. En 1917, Sun Yat-sen le charge de mettre sur pied une organisation chinoise des syndicats, destinée à lui permettre d’accroître son influence dans le monde du travail (Huang Jiemin (黃介民) est chargé d’une mission semblable à Shanghai). Ma Chaojun fonde avec son ami Huang Huanting (黃煥廷) le « Syndicat des mécaniciens de Canton » dont la force s’affirme après le succès de grèves à Canton en 1919 et à Hong Kong en 1920. Le poids de Ma Chaojun à Canton est sans doute suffisant pour que Sun Fo, maire de Canton, le choisisse comme conseiller municipal en 1921-1922. De plus en plus, devant la montée du mouvement ouvrier révolutionnaire, Ma Chaojun est un des porte-parole de la droite nationaliste. Nommé directeur de l’arsenal de Canton en décembre 1923, il est en 1924 chef du Bureau du travail du Comité Exécutif du G.M.D. pour Canton. Hostile à Liao Zhongkai (廖仲愷), il est lié à la « Société pour l’étude du sunyatsénisme » animée par Dai Jitao, et participe à l’initiative prise par le Syndicat des mécaniciens, la Fédération des groupements ouvriers de Shanghai (voir Wang Guanghui (王光煇)) et Sun Fo, qui fondent à Pékin en mars 1925 une Fédération pan-chinoise des syndicats des diverses régions et provinces. Les communistes ne manquent pas d’attaquer avec vigueur cet adversaire obstiné et influent : déjà, dans l’hebdomadaire communiste Xiangdao (Le Guide) du 15 octobre 1924, un ouvrier de l’arsenal avait accusé Ma Chaojun de favoritisme dans la gestion de cette entreprise, de collusion avec les entrepreneurs de main- d’œuvre à forfait (baogongtou) et d’initiatives hostiles au syndicat naissant. Le second Congrès national du travail, tenu le 1er mai 1925 à Canton, le dénonce nommément comme « bandit ouvrier » (gongzei). L’antagonisme entre Ma Chaojun et les syndicalistes révolutionnaires revêt même un aspect théorique : Ma Chaojun se rallie en effet à cette époque aux thèses de Dai Jitao qui refuse de reconnaître la réalité des antagonismes de classe en Chine et n’admet de lutte que celle des Nations.
La troisième partie de sa vie commence avec la « terreur blanche » à partir d’avril 1927 : le syndicaliste de droite s’affirme au plan national comme politicien nationaliste. Membre du Yuan législatif, Ma Chaojun est chef du Bureau du travail du G.M.D. En mai-juin 1929, il siège comme délégué ouvrier à la douzième session de la Conférence internationale du travail tenue à Genève, malgré l’opposition du délégué japonais Matsuoka qui conteste sa représentativité. Après quelques hésitations entre Sun Fo et Chiang Kai-shek, en conflit ouvert en 1930, il est récompensé de son ralliement au vainqueur par la mairie de Nankin en novembre 1931 : cette charge lucrative s’ajoute à de nombreuses autres. Pendant la guerre sino-japonaise, il accompagne Chiang à Chungking. En 1945, il est de nouveau maire de Nankin. Entre-temps, il a noué des liens avec la « clique du C.C. » au moment où cette organisation renforce son contrôle sur le monde ouvrier. Zhu Xuefan (朱學範) le dénonce à Harbin en août 1948 au congrès du Syndicat général panchinois comme « un entrepreneur de main-d’œuvre à forfait lié aux gangsters ». Il suit Chiang Kai- shek à Taiwan en 1949. Il y dirige l’édition d’une Histoire du mouvement ouvrier chinois en cinq volumes, qui est un monument de partialité et d’autosatisfaction (il se présente comme l’instigateur essentiel du mouvement du 30 mai 1925, ce que nul avant lui n’avait imaginé !). En 1961, il est nommé contrôleur de la Banque centrale de Chine à Taibei. Le 1er mai 1978, premier anniversaire de sa mort, Lu Jingshi (陸京士) a inauguré, à Taibei, une statue de bronze à son effigie.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article184364, notice MA Chaojun 馬超俊 par Alain Roux, version mise en ligne le 14 décembre 2016, dernière modification le 30 novembre 2016.

Par Alain Roux

ŒUVRE : Zhongguo laodong yundongshi (Histoire du mouvement ouvrier chinois), Chungking, 1942, 156 pages. — Même titre, en collaboration, Taibei, 1959, cinq volumes, 2 214 pages.

SOURCES : Outre BH, voir : Chesneaux (1962). — Li Boyuan (1955) et le rapport de Zhu Xuefan au VIe congrès du Syndicat général panchinois (1948) in Zhu Xuefan (1948), notamment p. 377-378 — Zhongyang ribao, 30 avril 1978.

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