NIE Yuanzi 聶元梓

Par Jean-Luc Domenach

Enseignante de philosophie ; une des figures de proue de la Révolution culturelle à Pékin (1966-1969). Condamnée en mars 1983 après une longue incarcération.

Bien que Nie Yuanzi ait joué un rôle actif et public dans les phases offensives de la Révolution culturelle, son personnage reste énigmatique : faut-il voir en elle une maoïste convaincue, une « auxiliaire docile » du Centre (P. Illiez) ou une arriviste dénuée de scrupules ? Ce ne fut en tout cas pas une Garde rouge mais une universitaire engagée dans la politique. Depuis 1961 au moins, elle enseignait la philosophie à l’Université de Pékin (Beida). En 1964, lors d’une campagne de rectification, le recteur Lu Ping l’avait accusée d’être un « élément anti-Parti ». Elle aurait également été liée personnellement à Jiang Qing (江青).
Ces deux faits expliquent sans doute que Nie ait pris la tête de l’offensive contre Lu Ping au printemps 1966. L’affiche en grands caractères (dazibao) qu’elle appose le 25 mai de concert avec six autres membres du département de philosophie de Beida appelle « tous les révolutionnaires » à protéger le président Mao et le C.C. contre le « gang réactionnaire » représenté par Lu Ping. Radiodiffusé le premier juin sur intervention personnelle de Mao Tse-tung (毛澤東), ce dazibao marque dans l’histoire de la Révolution culturelle le signal de l’assaut contre les autorités universitaires et politiques.
Au cours des deux années suivantes, Nie Yuanzi a joué un rôle notable mais parfois peu clair. D’après P. Illiez, elle aurait admis à Beida en juin- juillet 1966 les groupes de travail dépêchés par Wang Renzhong (王任重), alors que ces groupes seront peu après considérés comme « liuïstes » et Wang lui-même démis. Elle a participé aux grands rassemblements de masse d’août 1966. A la tête du fameux groupe Jinggangshan (Montagnes Jinggang), Nie est restée l’un des principaux personnages de Beida jusqu’au printemps 1968. Elle s’est généralement rangée du côté de la « gauche », révélant en octobre-novembre 1966 que les vrais patrons de la « bande noire » n’étaient autres que Liu Shaoqi (劉少奇) et Deng Xiaoping (鄧小平), et en mars 1967 que le « droitier » Tan Zhenlin (譚震林) bénéficiait de protections haut placées (allusion évidente à Zhou Enlai (周恩來)). Cela n’empêcha pas Nie Yuanzi de subir de plus en plus souvent des accusations de « carriérisme » de la part des Gardes rouges les plus radicaux, surtout après son élection, en avril 1967, à la vice-présidence du comité révolutionnaire de Pékin. Engagé dans un violent conflit avec Xie Fuzhi (謝富治), le patron de la capitale, le Jinggangshan semble d’ailleurs avoir passé alliance avec des éléments jugés peu sûrs, comme le général Yang Chengwu (destitué en mars 1968), ce qui l’a compromis aux yeux de la faction maoïste.
Dans l’été 1968, la poursuite des conflits factionnels finit par exaspérer les dirigeants du Centre. En juillet, le Président sermonne celle qu’on appelle désormais « le vieux Bouddha » : c’en est assez du factionnalisme minoritaire, il faut unir tous les révolutionnaires et s’appuyer sur les larges masses (cf. Mao Zedong sixiang wansui, op. cit., p. 687-716). Nie Yuanzi n’est plus que le symbole usé et compromis d’une insurrection universitaire hors de saison : elle sera élue membre suppléante du Comité central lors du neuvième congrès du P.C.C. (avril 1969) puis disparaîtra de la scène publique. Elle aurait été longtemps incarcérée par la suite avant d’être condamnée en mars 1983.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article184376, notice NIE Yuanzi 聶元梓 par Jean-Luc Domenach, version mise en ligne le 14 décembre 2016, dernière modification le 14 décembre 2016.

Par Jean-Luc Domenach

SOURCES : Outre WWCC, voir : Illiez (1973). — Rice (1972) et Mao Zedong sixiang wansui (Vive la pensée de Mao Tse-tung), (1967), p. 687-716.

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