PAN Fusheng 潘復生

Par Jean-Luc Domenach

Né en 1905 dans le Shandong. Dirigeant provincial du Henan démis lors du Grand Bond en avant. Réapparu en 1962, il a présidé au Heilongjiang le premier comité révolutionnaire issu de la Révolution culturelle (1967) avant d’être à nouveau éliminé en 1970.

La carrière de Pan Fusheng ne présenterait qu’un intérêt secondaire si elle n’illustrait remarquablement certains conflits internes du P.C.C. et la difficulté de les interpréter en termes étroitement idéologiques. Bien qu’il soit, semble-t-il, entré au Parti vers le milieu des années 30, Pan n’apparaît pour la première fois dans l’histoire qu’au début de 1947. Dirigeant en second de la région frontière Hebei-Shandong-Henan, il impose à un appareil local réticent l’application d’une réforme agraire violente. Bien que la ligne soit par la suite assouplie, il reçoit après la Libération des responsabilités importantes dans la petite province du Pingyuan (le nord du Henan actuel) qui occupe une partie de l’ancienne zone-frontière : il est secrétaire adjoint du comité provincial du P.C.C. et commissaire politique du district militaire provincial. Pan Fusheng applique alors la politique du Centre avec une souplesse qui lui sera reprochée plus tard.
Il l’applique si bien qu’il reçoit rapidement une promotion : en même temps que deux collaborateurs proches, Yang Jue et Wang Tingdong (lesquels suivront Pan jusqu’à sa première élimination, mais conduiront par la suite une carrière plus obscure et moins originale), il est transféré dans la province du Henan (qui annexe alors le Pingyuan) et en reçoit la direction politique. Or, il trouve en face de lui un appareil provincial relativement cohérent, dirigé jusqu’alors par un autre cadre dynamique et ambitieux, Wu Zhipu, lequel au surplus conserve le poste de gouverneur. Pan éprouve donc des difficultés pour imposer son autorité. Il s’efforce de prendre argument des oscillations libérales que connaît alors la politique agraire du Centre, ainsi que de quelques scandales locaux (voir Wen Xianglan (文香蘭)). Mais ses ennemis font corps et résistent. Bien qu’il n’ait été vraisemblablement ni plus ni moins communiste que Wu Zhipu et ses partisans locaux, cet homme venu de l’extérieur se trouve alors bloqué dans une attitude droitière d’ailleurs adaptée aux difficultés agricoles de la province. Aussi, quand dans l’hiver 1953-1954 la politique rurale du Centre se durcit à nouveau, Pan s’efforce d’en retarder l’application au Henan. Ses ennemis en tirent argument contre lui et obtiennent sa mise à l’écart discrète sous prétexte de maladie. Jusqu’au printemps 1957 — et bien qu’il soit élu en septembre 1956 membre suppléant du C.C. — Pan Fusheng occupe son temps à voyager de par la Chine et à comploter avec ses fidèles.
Cependant, à cause d’un mouvement de coopérativisation trop brutal et de graves difficultés agricoles, la politique économique et sociale est bientôt assouplie au Henan comme ailleurs. D’abord timide, la politique des Cent Fleurs met Wu Zhipu en difficulté quand, à la fin avril 1957, elle se transforme en puissante campagne de rectification. Après avoir laissé Wu Zhipu manifester pendant quelques jours son évidente mauvaise volonté, et croyant sans doute la nouvelle ligne solidement établie, Pan rentre au Henan au début mai et reprend sa place de premier secrétaire. En mai et juin, il applique avec conviction la ligne plus souple avec laquelle il s’était identifié : il multiplie les forums de discussion et surtout conduit à la campagne une politique libérale d’encouragement à la production qui met rapidement fin à la crise alimentaire survenue l’année précédente. Ce faisant, et sans doute bien malgré lui, il encourage la population à maintenir sa pression sur un appareil politique qui paraît faible et divisé.
Or, contrairement à ses prévisions, la politique des Cent Fleurs reçoit un brutal coup d’arrêt le 8 juin. Pendant quelques semaines, Pan s’efforce de freiner la répression et de poursuivre sa politique rurale. Mais, dès la fin de juillet, à la réunion de travail centrale de Qingdao, le coup d’arrêt au mouvement de rectification se transforme en un durcissement général de la ligne politique. Aussitôt, à Zhengzhou, Wu Zhipu passe à l’offensive. Au début d’août, Pan Fusheng est mis en minorité à l’intérieur du comité provincial. On lui reproche d’avoir sympathisé avec les droitiers et surtout d’avoir encouragé le développement du capitalisme à la campagne. Pendant quelques semaines, il cherche à se maintenir. Il plaide sa cause auprès de Mao Tse-tung (毛澤東) qui s’arrête à Zhengzhou au début de septembre. Dans un article que le Quotidien du peuple reproduira le 28 octobre, il tente même de prendre la direction politique, au Henan, du mouvement d’éducation socialiste qui se déroule alors dans tout le pays. Mais rien n’y fait : Mao ne l’écoute guère, et ses ennemis disposent de soutiens au Centre, y compris dans la faction maoïste (très probablement Tan Zhenlin (譚震林) et Chen Boda (陳伯達)). Pan Fusheng est définitivement battu avant la deuxième session du congrès provincial du Parti, qui se déroule en novembre 1957. Pendant que Pan part à nouveau « se soigner » dans la capitale, Wu Zhipu fait du Henan une province pilote du Grand Bond en avant et prépare le scénario de son élimination. Celle- ci sera autorisée par la deuxième session du VIIIe congrès du P.C.C. en mai 1958 et rendue publique en juillet : au même titre que d’autres dirigeants provinciaux, Pan Fusheng est jugé coupable de « conservatisme de droite ». Malgré la gravité de ces accusations, son éclipse sera de courte durée. Mao Tse-tung, d’ailleurs, ne semble pas avoir tranché définitivement sur son cas personnel. L’effroyable crise économique que le pays connaît bientôt impose à nouveau le recours à une politique plus souple et à des dirigeants énergiques. A partir de 1962, Pan Fusheng réapparaît à la tête de la Fédération pan-chinoise des coopératives de vente et de consommation. Mais il quitte bientôt ce poste « technique » et somme toute mineur, car on le transfère dans le Nord-est. Espère-t-on que, manquant d’attaches locales, il s’y montrera plus réceptif aux ordres du Centre ? En tout cas, il devient en mai 1966 premier secrétaire du comité provincial du Heilongjiang. Et, quand la Révolution culturelle éclate, il hésite d’abord quelque temps, puis prend adroitement parti contre ses collègues et accorde son soutien au « Corps des rebelles rouges » qui reçoit l’aval de la faction maoïste. Les « rebelles » prennent le pouvoir en janvier 1967 et se donnent pour chef ce vieux cadre qu’ils n’aiment pas mais croient pouvoir contrôler : le premier comité révolutionnaire de Chine est officiellement fondé le 10 février 1967. Désormais, Pan Fusheng s’appuie de plus en plus sur l’armée et sur la Sécurité. S’il donne en exemple aux lecteurs du Drapeau rouge son humble soutien aux « petits généraux », il se préoccupe surtout de réprimer leurs turbulences et de réorganiser la production industrielle. Au début de 1968, sa position paraît consolidée. Pan Fusheng devient même commissaire politique de la puissante région militaire de Shenyang. Il compte parmi les piliers régionaux de l’alliance politique conclue entre la gauche civile et l’armée de Lin Biao (林彪) : le IXe congrès du P.C.C. l’élit membre de plein droit du C.C. en avril 1969.
Néanmoins, les temps changent à nouveau. Chen Boda est bientôt éliminé, et Lin Biao menacé. Pan Fusheng fait partie du petit nombre de dirigeants provinciaux qui sont éliminés vers la fin de 1970 (radio Harbin le critiquera en octobre 1971) : il se sera une fois encore trop promptement identifié à une ligne — cette fois-ci « de gauche » — qui devait rapidement se révéler « erronée ». Ainsi s’achève par un nouvel échec — et, depuis, le silence — la carrière d’un dirigeant provincial certainement doué d’une réelle personnalité mais qui, par manque de chance, de prudence ou de protections, fut par trois fois victime des oscillations politiques et des conflits internes du P.C.C.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article184379, notice PAN Fusheng 潘復生 par Jean-Luc Domenach, version mise en ligne le 14 décembre 2016, dernière modification le 14 décembre 2016.

Par Jean-Luc Domenach

ŒUVRE : Des textes politiques de circonstance, sans prétention stylistique mais vigoureux. Voir par exemple un intéressant discours datant de 1947, et reproduit dans une collection non datée, sans lieu de publication (disponible au Toyobunko de Tokyo) : Zhongguo gongchandang Jiluyu weiyuanhui (comité du P.C.C. de la région Hebei-Shandong-Henan) : Yijiu siqi nian lai qu dangwei guanyu tugai yundong de zhongyao wenjian (Importants documents sur le mouvement de réforme agraire émanant du comité du P.C.C. de la région-frontière depuis le premier semestre de 1947). Voir aussi RMRB, 28 octobre 1957 et Hongqi (Le Drapeau rouge), mai et juin 1967.

SOURCES : Outre KC et WWCC, voir, sur la première élimination de Pan Fusheng, Chen et Domenach (1978). — Sur sa deuxième élimination, Domenach (1982) ainsi que Chang (1978), Teiwes in CQ, n° 27, juillet-septembre 1966 et Xinhua Banyuekan (Bimensuel de Chine nouvelle) 1958/15, qui publie une importante partie du dossier. — Sur son rôle pendant la Révolution culturelle, M. Sargent in Vogel (1971) et Chang in Current Scene, 1er juin 1968.

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