CALVELLI Jean-Baptiste

Par Antoine Olivesi

Né le 25 janvier 1895 à Bocognano (Corse), mort le 17 août 1980 à Marseille ; employé municipal ; militant socialiste, secrétaire fédéral de la SFIO pour les Bouches-du-Rhône (1936-1940) ; résistant, déporté à Buchenwald ; directeur du cabinet du maire de Marseille, Gaston Defferre (1953-1980).

Jean Calvelli fut recruté par concours en tant que commis à la mairie de Marseille le 1er décembre 1919 et fut affecté au bureau militaire. Il devint commis principal le 1er mai 1925 et travailla ensuite au service des listes électorales.
Calvelli avait adhéré en 1921 au Parti socialiste où il allait militer fidèlement pendant près de soixante ans. En 1925, il faisait également partie du syndicat CGT des municipaux. Il résidait à Saint-Barnabé, banlieue assez proche du centre et qui faisait partie du 6e canton. Son action locale s’y développa à trois niveaux : celui de la 6e section SFIO dont il devint le secrétaire en 1925 et le responsable de la bibliothèque populaire cantonale. Il soutint naturellement toutes les campagnes de son « compatriote », le conseiller général Antoine Cerati* ; il intervint aussi au sein des AII dont le groupement de la Blancarde était le plus important de la ville et surtout dans le cadre des comités d’intérêts de quartiers. Vice-président du CIQ de Saint-Barnabé en 1933-1934, il était à la même époque secrétaire général de la Confédération des CIQ de Marseille.
C’est dire que Jean Calvelli, militant infatigable - qui refusa toujours de briguer des mandats électoraux - se consacra uniquement au travail d’organisation à l’intérieur du Parti et il était devenu, à la suite du congrès départemental SFIO de 1934, secrétaire fédéral adjoint de Rémy Roux.
Dès le début de l’année 1934 il se prononça pour une orientation favorable à l’unité d’action avec les communistes, critiquant, au congrès administratif du Parti, à Tarascon, le 23 mars, les partisans d’une politique modérée. Ce fut en mars également, qu’il constitua, à Saint-Barnabé, l’un des premiers, et peut-être le premier, comité antifasciste rapprochant la SFIO et le PC, au cours d’un meeting commun contre les Jeunesses patriotes. En avril, il condamna les poursuites contre l’Humanité. Avec Rémy Roux, il participa, en mai-juin - le témoignage de Billoux le confirme sur ce point - aux négociations qui allaient aboutir, sur le plan départemental, au Pacte d’unité d’action, entre socialistes et communistes, qui précéda, en juillet 1934, le Pacte national.
Jean Calvelli fut ensuite étroitement mêlé aux grandes actions du Front populaire et particulièrement, sur le plan local, à la lutte anti-sabianiste. Le 13 septembre 1936, il fut élu secrétaire de la Fédération départementale SFIO des Bouches-du-Rhône au congrès administratif de cette dernière qui s’était tenu à Septèmes, près de Marseille. À cette époque, Calvelli était aussi secrétaire adjoint du syndicat des municipaux. En juillet 1937, il fut nommé sous-chef de bureau à l’Hôtel de ville, et au début de l’année 1938, il fut affecté au Service de la Défense passive et des réfugiés.
Au point de vue politique, il continua à pratiquer, au début du moins, une collaboration avec les communistes et signa, au nom de son Parti, un communiqué du comité de coordination des Bouches-du-Rhône de la SFIO et du PC, avec F. Billoux, très favorable au gouvernement. En février 1937, ce Comité, appelé alors Comité d’études, négociait toujours les modalités d’une éventuelle union organique, mais en août 1937, Calvelli et Billoux en étaient déjà au stade de la polémique sur ce problème par articles interposés. En décembre pourtant, répondant à de nouvelles propositions communistes, Calvelli déplora les malentendus survenus dont profitait la droite et souhaita réaliser une véritable union pour « rendre inéluctable un deuxième gouvernement Blum » et redonner confiance à la classe ouvrière, condition indispensable à l’unité organique. Mais, dans un article publié le 4 février 1938 (Provence socialiste), il dénonça le noyautage communiste des Amicales SFIO créées dans les entreprises et chantiers depuis un an et demi, en particulier à bord des navires, en jouant sur l’ambiguïté d’Amicales dites de Front populaire contrôlées par le PC et concurrençant celles des socialistes. De même, il reprocha aux communistes de reprendre leur campagne de dénigrement à l’encontre des élus SFIO et il se prononça pour l’indépendance syndicale.
À l’intérieur de son Parti, en qualité de secrétaire fédéral, Calvelli organisa le congrès national de la SFIO qui se tint à Marseille du 10 au 12 juillet 1937. Le 10 au matin, il présida la séance d’ouverture et, dans son discours inaugural de bienvenue, plein de confiance, malgré la chute récente du ministère Blum, il replaça les progrès réalisés par la fédération des Bouches-du-Rhône (5 900 cartes délivrées à la fin juin et « plus de 24 000 travailleurs marseillais groupés dans les Amicales socialistes ») dans la longue histoire du socialisme local et dans la perspective, aussi, d’un Parti « plus uni et plus fort que jamais ».
Mais l’harmonie initiale fut troublée par l’intervention de Marceau Pivert* qui mit personnellement en cause Calvelli au cours de la séance de la soirée. Il l’accusa d’une part « d’opprimer la section d’Aix » et, d’autre part ; de ne pas avoir fait représenter les groupes minoritaires de la SFIO des Bouches-du-Rhône, au congrès, en procédant à la désignation des délégués par le bureau fédéral et non par le congrès départemental.
Calvelli, après avoir invité ses camarades à ne pas répondre « aux provocations de Pivert », prit la parole pour déclarer qu’il « n’avait aucune leçon de socialisme à recevoir », que la fédération des Bouches-du-Rhône « a[vait] été unanime pour se prononcer pour la motion Blum-Paul Faure... sans aucune pression », y compris dans l’arrondissement d’Aix. « Je ne permets pas à Marceau Pivert d’affirmer du haut de cette tribune qu’il y ait eu un escamotage quelconque. »
Après Munich, avec Georges Monnet, il participa à un grand meeting tenu à Aix le 5 décembre 1938, ainsi qu’à la tournée de propagande décidée par la SFIO sur le plan national, dans tout le département. Quant au congrès fédéral extraordinaire de son parti, qui se tint à Aix le 18 décembre 1938, et où les délégués se partagèrent en deux fractions assez égales en faveur des motions Blum et Paul Faure, Calvelli avait présenté, au nom de la 6e section qu’il représentait, une motion de synthèse, sans résultat. Mais au congrès d’Arles, le 22 mai 1939, il vota pour le rapport moral de Paul Faure qui obtint 112 voix contre 152 à la motion Blum. Il se garda bien cependant d’imposer son point de vue et dirigea le congrès dans la plus stricte neutralité, satisfait en définitive, après le vote indicatif des tendances, de l’adoption d’une motion finale d’union. Calvelli fut ensuite délégué au congrès national SFIO de Nantes.
Dans une fête organisée en son honneur, le 30 avril précédent, le maire Tasso et plusieurs militants saluèrent en lui celui qui avait réussi « le tour de force » d’unir tous les militants de la fédération, celui qui avait la besogne la plus ingrate, « le militant fait homme », enfin, comme le déclara Louis Rampal*.
Pendant la guerre, il rejoignit la Résistance dans les rangs de « Franc-Tireur » et il participa sur le terrain à des opérations de sabotage, de balisages, d’aide aux maquis, notamment à celui de Collobrières dans le Var.
Dénoncé en mai 1943, Jean Calvelli fut livré à la Gestapo et déporté à Buchenwald, puis au camp d’Hadmersleben. Sa santé fut terriblement altérée par cette épreuve. Libéré le 30 mai 1945, Jean Calvelli fut décoré de la Croix de guerre avec palmes, de la rosette d’officier de la Légion d’honneur et de la médaille de la Résistance. L’année suivante, il fut chargé de la direction du service social de la ville de Marseille, puis fut nommé chef de division en 1950.
En 1953, lorsque Gaston Defferre devint maire de Marseille, il choisit Jean Calvelli comme chef directeur de son cabinet.
Calvelli nommé par ailleurs directeur adjoint des services administratifs en 1959, prit sa retraite l’année suivante, mais demeura pour Defferre, pendant vingt ans encore, un collaborateur discret, dévoué et efficace, envers lequel ce dernier avait une totale et amicale confiance.
C’était « une âme d’acier », écrivait Gaston Defferre après la mort de Calvelli, petit de taille, mince, alerte, d’une apparence fragile, mais doté d’une force de caractère, d’une volonté sans faille et d’une vigueur morale et intellectuelle remarquables, à défaut de la force physique. « Je lui dois beaucoup » ajoutait Defferre qui appréciait ses connaissances administratives ainsi que la sûreté de son jugement et qui lui confia souvent des missions difficiles, toujours exécutées avec autorité et gentillesse à la fois. Tous les militants s’accordent à reconnaître à Jean Calvelli des qualités de droiture et de désintéressement. Mais il était d’une rigueur intransigeante sur les principes et pardonnait rarement les manquements et les entorses graves commis à l’encontre de ces derniers.
Calvelli avait pris sa retraite de directeur de cabinet du maire en février 1980. Il mourut brusquement quelques mois plus tard, le 17 août, hospitalisé d’urgence à l’Hôpital Nord. Selon sa volonté, il fut inhumé au cimetière Saint-Pierre à Marseille, après des obsèques civiles, sans fleurs ni couronnes, sa famille ayant suggéré plutôt des dons à l’OMS. Un seul discours fut prononcé - par Gaston Defferre - après une cérémonie émouvante et discrète.
Jean Calvelli avait reçu la médaille d’or de la Ville de Marseille en 1970. Il était membre fondateur du conseil d’administration de la Mutuelle des Municipaux et de la Coopérative des employés municipaux. Il avait été l’un des fondateurs du syndicat Force-Ouvrière en 1947-1948.
Jean Calvelli était marié et père de deux enfants ; il avait cinq petits-enfants et quatre arrière-petits-enfants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article18438, notice CALVELLI Jean-Baptiste par Antoine Olivesi, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 25 octobre 2008.

Par Antoine Olivesi

ŒUVRE : Articles dans Marseille-Socialiste, puis Provence-Socialiste, à l’époque du Front populaire.

SOURCES : Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, M 6/10 793, rapport du 8 février 1938 ; M 6/10 809 rapport du 12 juillet 1937 ; M 6/10 874, rapport du 30 avril 1037 ; XIV M/24/61. — Arch. Communales de Marseille, listes électorales de 1935, 1937, 1939, 1956, 1968. — Le Petit Provençal, notamment 28 mars 1933, mars-juillet 1934, mars 1935, 15 septembre 1936 (photo), 10 juillet 1937 (photo) et jours suivants, 1er octobre 1938, 19 décembre 1938, 22 mai 1939. — Rouge-Midi, 24 mars 1934 et 26 février 1937. — Marseille-Socialiste, 19 septembre 1936 (photo) et 24 octobre 1936. — Provence-Socialiste, 16 juillet 1937, 13 août et 24 décembre 1937, 4 février, 22 juillet et 19 décembre 1938, 5 mai 1939 (photo), 26 mai, 2 juin 1939. — Le Provençal et Marseille, revue municipale, depuis 1953. — Indicateur Marseillais, 1974. — Le Provençal, avis de décès, articles nécrologiques et photo, 19 et 20 août 1980. — Compte rendu du congrès de Marseille (Bibliothèque de l’OURS), p. 6-8 et 261-268. — Entretien avec le militant. — Témoignage de Maurice Castellina.

ICONOGRAPHIE : Marseille, revue municipale, notamment en 1970 et en 1980, n° 122, p. 14 (nécrologie également).

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