SHI Cuntong 施存統 (ou SHI Fuliang)

Par Lucien Bianco

Né à Yecun, village du xian de Jinhua (Zhejiang) en 1899, mort en 1970 ; communiste de la première heure, cet intellectuel quitte le Parti après la défaite de 1927.

Élève de l’École normale no. 1 du Zhejiang pendant le mouvement du 4 mai, Shi Cuntong s’enthousiasme pour les idées nouvelles, puis le radicalisme politique sous l’influence de son maître Chen Wangdao (陳望道). Avec Yu Xiusong (俞秀松) et quelques autres, il fonde en octobre 1919 la revue iconoclaste Zhejiang xinchao (La nouvelle vague du Zhejiang). Rappelé à Yecun, où sa mère est mourante, il la trouve en haillons, nourrie de restes froids, privée de compagnie, de médicaments et de soins médicaux. Il offre le peu d’argent gagné en rédigeant quelques articles pour qu’on puisse prendre soin d’elle, son père refuse : le praticien local de médecine traditionnelle chinoise a jugé son cas désespéré, mieux vaut économiser pour lui faire des funérailles appréciées des villageois. Incapable de convaincre son père, Shi repart au bout de trois jours. Il ne sera avisé de la mort de sa mère, survenue en décembre, qu’avec un mois de retard. Entre temps, il aura publié en novembre un article sacrilège (« A bas la piété filiale ! ») dans le no. 2 Zhejiang xinchao. Dans un régime patriarcal, comme le déplorait Shen Xuanlu à la même époque, la piété filiale est due au père, non à la mère : « dan zhi you fu, bu zhi you mu ». L’article suscite un tel scandale que Shi et certains de ses camarades radicaux sont exclus de l’École normale, le directeur renvoyé, la revue interdite (un numéro 3 sera néanmoins publié dans la concession française de Shanghai mais sa circulation bloquée dans l’ensemble du pays). En compagnie de Yu Xiusong, Shi gagne d’abord Pékin en décembre, puis revient à Shanghai au printemps 1920, juste à temps pour être introduit par Chen Wangdao dans l’entourage de Chen Duxiu (陳獨秀) au moment précis où ce dernier est sollicité par les émissaires de l’internationale (voir Hohonovkine et Voitinsky) d’organiser un parti communiste en Chine. Shi Cuntong est l’un des premiers adhérents de la « Société d’études marxistes » (ou du « Cercle d’études marxistes »), noyau du groupe communiste de Shanghai, créé plus d’un an avant la fondation officielle du futur parti communiste. (dont les huit membres fondateurs sont tous des hommes : Chen Duxiu (陳獨秀), Chen Gongbo (陳公博), Chen Wangdao (陳望道), Li Da (李達), Li Hanjun (李漢俊), Shen Xuanlu (沈玄廬), Shi Cuntong (施存統) et Yu Xiusong (俞秀松)). Il part dès juin 1920 étudier l’économie au Japon, mais aussi parfaire sa conversion de l’anarcho-communisme (à Hangzhou en 1919 il admirait Kropotkine) au marxisme et au bolchevisme, traduire du japonais la Critique du programme de Gotha et militer. Coorganisateur avec Zhou Fohai (周佛海) de la cellule de Tokyo du P.C.C., Shi recrute Peng Pai (澎湃) en 1921, et introduit Zhang Tailei (張太雷) auprès de dirigeants socialistes que Zhang est chargé, au nom du Komintern, d’inviter au congrès des Travailleurs de l’Extrême-Orient organisé par les Russes afin d’essayer de faire échec aux décisions de la Conférence de Washington (voir Deng Pei (鄧培) et Gao Junyu (高君宇)). Tant et si bien que la police japonaise l’espionne et finit par l’arrêter et l’expulser en décembre 1921. Sa déposition devant la police métropolitaine de Tokyo est traduite in Ishikawa (2013), pp. 349-352.
En mai 1922, Shi Cuntong est élu secrétaire national de la Ligue des Jeunesses socialistes (future L.J.C.) lors de son premier congrès réuni à Canton. En juillet, il représente la Ligue au second congrès du P.C.C., dont il est l’un des neuf délégués. Shi crée Xianqu (Les Pionniers), premier organe de la Ligue qui paraît deux fois par mois jusqu’en août 1923. Vers cette date, Shi Cuntong se réinstalle à Shanghai, où il loue une maison avec Qu Qiubai (瞿秋白), le fameux « 307 » (de la rue Mu’ermin, dans la Concession internationale) qui abritera de nombreux communistes durant leurs séjours dans la métropole. Ce sont en fait deux couples qui partagent la maison : Qu Qiubai et Wang Jianhong, Shu Cuntong et Wang Yizhi. Originaires de la même ville, les deux Wang sont des amies proches mais l’union entre Shi Cuntong et Wang Yizhi ne dure que deux ans. En février 1925, alors que Shi s’active à organiser les grèves de Shanghai, Wang Yizhi s’éprend de leur hôte Zhang Tailei et part avec lui sans laisser d’adresse. Pendant le mouvement du 30 mai (1925), Shi formera avec une étudiante communiste de Shangda, Zhong Fuguang, une union qui durera jusqu’à sa mort. Il adopte désormais le prénom de Fuliang, accordé à celui de son épouse (« guang liang », lumière brillante, ou plus exactement lumière et éclat). C’est sous le nom de Shi Fuliang que paraîtront ses nombreux ouvrages ultérieurs. Grand travailleur, Shi enseigne l’économie politique à Shangda (voir Qu Qiubai), collabore à Juewu (Le Réveil), supplément culturel du Minguo ribao (La République), participe aux réunions et au travail du Parti, où il soutient le front uni avec le Guomindang, tout en trouvant le moyen de poursuivre l’étude du japonais. A l’été 1926, il quitte Shanghai pour Canton, participe à la Beifa jusqu’à Wuhan, où il est chargé de la formation politique des étudiants de l’Académie militaire centrale. Après le désastre de 1927, la vie studieuse l’emporte sur la vie militante : Shi abandonne le P.C.C., tout en demeurant un opposant de gauche au régime nationaliste. A la suite de l’attaque japonaise de janvier 1932 à Shanghai, ses prises de position publiques et répétées en faveur de la résistance l’obligent à fuir la ville, où la police est sur le point de l’arrêter. Douze porteurs transportent ses livres jusqu’à son village natal, déçu de le voir revenir sans autre trophée que des livres. Proche de la Ligue démocratique pendant la guerre, il se rapproche des communistes pendant la guerre civile. Adjoint au ministre de la Culture Li Lisan (李立三) au tout début du régime, il est ensuite critiqué à plusieurs reprises, surtout pendant la révolution culturelle. Il meurt de maladie en novembre 1970.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article184412, notice SHI Cuntong 施存統 (ou SHI Fuliang) par Lucien Bianco, version mise en ligne le 11 janvier 2017, dernière modification le 22 août 2017.

Par Lucien Bianco

ŒUVRE : Yeh (1996), pp. 370-371 et Ishikawa (2013), p. 465 donnent un aperçu de l’abondance de son œuvre. Cf. en particulier sous le nom de Shi Cuntong : « Fei xiao » (Dénigrons la piété filiale), Zhejiang xinchao, 2 (Novembre 1919) ; « Huitou kan ershier nian lai de wo » (Vue rétrospective de mes vingt-deux [premières] années), Minguo ribao, 20-24 septembre 1920 ; « Women yao zenmeyang gan shehui geming » (Comment nous y prendre pour faire une révolution sociale), Gongchandang, juillet 1921, pp. 10-32 ; « Makesi de gongchanzhuyi » (Le comminisme de Marx), Xin qingnian, 9-4, août 1921 ; «  Makesi xueshuo gaiyao » (Résumé succinct du marxisme), Shanghai, 1922 (traduit du japonais).- Parmi les nombreuses publications signées Shi Fuliang retenons Zhongguo xiandai jingji shi (Histoire de l’économie chinoise contemporaine), Shanghai, 1932.

SOURCES : Outre KC I, 241, biographie de Qu Qiubai, et II, 942, biographie de Yang Mingzhai, voir : Cadart/Cheng (1983). — Chang Kuo-t’ao (Zhang Guotao) I (1971). — Wang Fan-hsi (Fanxi) (1980).é — Yeh (1996) est de loin la source la plus détaillée. — Sur les années 1919-1921, cf. Ishikawa (2013).

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