TAN Zhenlin 譚震林

Par Jean-Luc Domenach

Né en 1902 dans le xian de You (Hunan) ; mort le 30 septembre 1983 à Pékin. A l’issue d’une longue carrière militaire, il devient après 1949 dirigeant régional puis membre de la direction centrale du P.C.C. Très critiqué pendant la Révolution culturelle, il a été réhabilité et réélu membre du C.C. (1973), puis élu vice-président de l’A.N.P. (1975). Il a perdu ces postes en 1982 et 1983.

Voici l’un des grands seconds rôles de la révolution chinoise. Né au Hunan, il est, avec Chen Yun (陳雲), l’un des rares dirigeants du P.C.C. d’origine ouvrière, ce qui ne devait pas l’empêcher plus tard de se spécialiser dans les problèmes ruraux. Sa carrière, qui l’a conduit de postes militaires en postes régionaux puis centraux, est représentative.
Ses jeunes années d’apprenti puis d’employé dans des librairies lui permettent d’acquérir une certaine culture. Il adhère au P.C.C. en 1926. En 1927, il participe à 1’« insurrection de la Moisson d’automne » que dirige Mao Tse-tung (毛澤東) : alors commence pour lui une longue période de guérilla. En 1928, il est impliqué, aux côtés de Mao semble-t-il, dans la querelle entre l’appareil central du P.C.C. dominé par Li Lisan (李立三) et la direction soi-disant « droitière » des Jinggangshan. Surtout occupé à combattre dans les régions bordières du Fujian, il est cependant nommé en 1931 membre du C.E.C. de la nouvelle République Soviétique, ainsi que de son Conseil militaire révolutionnaire central.
Mais, comme Deng Zihui (鄧子恢), il est critiqué en 1933-1934 pour adhésion à la « ligne Luo Ming (羅明) » et, toujours comme Deng Zihui, rejoint le Fujian quand commence la Longue Marche (octobre 1934). Ses activités vont pendant près de vingt ans se circonscrire à l’est de la Chine. Il est après 1938 l’un des principaux officiers de la 4e Armée nouvelle (voir Ye Ting (葉挺)). A ce titre, il joue un rôle considérable dans le renforcement de la base communiste du Jiangsu-Sud — zone stratégique en raison de la proximité de plusieurs grandes villes comme Suzhou et Shanghai. Ce rôle militaire lui vaut d’être aussi nommé secrétaire du Parti de la région-frontière Jiangsu-Anhui (1942) et élu membre du VIIe C.C. (1945). Commissaire politique adjoint de l’Armée de Chen Yi (陳毅) pendant la guerre civile, il prend une part très importante aux opérations du Shandong et, sous l’autorité de Deng Xiaoping (鄧小平), à la victoire décisive de Huaihai qui devait permettre la prise de Nankin (avril 1949) puis de Hangzhou.
A la Libération, comme beaucoup d’autres chefs militaires (voir par exemple Deng Xiaoping (鄧小平) et Wei Guoqing (韋囯清)), il prend en main les affaires de la région où les hostilités ont conduit ses troupes ; en l’occurrence le Zhejiang, importante province agricole dont il est, de 1949 à 1952, gouverneur, secrétaire et commissaire politique. Il la quitte en 1952 pour devenir gouverneur de la province voisine du Jiangsu et surtout pour consacrer plus de temps à ses responsabilités dans la région de Chine de l’Est (dont il est commissaire politique adjoint depuis 1949 et vice-président administratif depuis 1952). Il semble s’être alors spécialisé dans les problèmes ruraux : réforme agraire puis aménagement hydraulique du bassin de la Huai.
A partir de 1954, sa carrière s’infléchit. Abandonnant ses fonctions régionales et provinciales, Tan est appelé à Pékin où il est très vite intégré au noyau dirigeant du Parti : en mars 1955, il apparaît comme secrétaire général adjoint du C.C., sous l’autorité de Deng Xiaoping. Est-il donc vraisemblable qu’il ait été peu de temps auparavant, comme on l’a dit pendant la Révolution culturelle, compromis dans l’affaire Gao Gang (高崗) — Rao Shushi (饒漱石) ? C’est au contraire à un homme de confiance que le Centre a confié la direction effective du Bureau du Parti pour la Chine de l’Est lorsque Rao Shushi, en 1952, a été nommé à Pékin. En tout cas, Tan joue désormais un rôle proprement politique. Il se rend avec Zhu De (朱德) et Deng Xiaoping au XXe congrès du P.C.U.S. (février 1956) et prend une part active au VIIIe congrès du P.C.C., qui le réélit au t C.C. Mais c’est à partir de 1957 et de plus en plus dans le domaine agricole que ses interventions se multiplient. A l’inverse de son vieux compagnon Deng Zihui, jusqu’alors responsable en titre des problèmes ruraux, Tan Zhenlin a joué un rôle moteur dans le lancement du Grand Bond en avant. La presse de l’époque le montre multipliant les interventions afin d’accélérer les grands travaux hydrauliques dans les provinces. Ainsi, Tan Zhenlin a personnellement contrôlé la préparation politique et (si l’on peut dire) technique du Grand Bond dans une province, le Henan, qui a servi de modèle national entre l’automne 1957 et l’été 1958 (voir Wu Zhipu). Par opportunisme ou par conviction, Tan Zhenlin s’est engagé nettement à cette époque dans la faction maoïste. Il s’est imposé comme l’un des architectes et l’un des plus importants propagandistes (avec Chen Boda (陳伯達)) de la ligne gauchiste du Grand Bond en avant, principalement dans ses applications rurales. C’est à lui que fut confiée la tâche de présenter le rapport sur la politique agricole devant la deuxième session du VIIIe congrès (mai 1958) où la ligne maoïste triompha. Admis au B.P. au lendemain de cette session, Tan Zhenlin touchait alors le sommet de sa carrière. Membre (au 4e rang) du Secrétariat du Parti, il supplantait en particulier Deng Zihui.
Dans les années désastreuses qui suivirent, son rôle devait nécessairement décliner. Il recevait certes les postes correspondant à son autorité effective dans le Parti (directeur adjoint du Département du travail rural du C.C. en octobre 1958) et dans l’État (vice-premier ministre en 1959 ; vice-président de la Commission du plan et chef du Bureau de l’agriculture du Conseil des affaires d’État en 1962). Mais il n’était pas apte à concevoir et diriger la retraite économique que la situation imposait. Il l’appliqua cependant avec discipline et même avec la force de conviction supplémentaire que confère la désillusion. On entendit à l’époque dans sa bouche des propos désabusés sur le communisme... L’échec du Grand Bond en avant semble l’avoir d’autant plus impressionné qu’en l’occurrence sa responsabilité était engagée.
Ces convergences avec les auteurs du « réajustement » (Liu Shaoqi, Deng Xiaoping) l’ont exposé très tôt aux critiques des Gardes rouges. Mais Tan Zhenlin fut du petit nombre de hauts dirigeants qui s’en montrèrent publiquement peu impressionnés (voir aussi Chen Yi (陳毅)). Son refus d’admettre la destruction de l’appareil du Parti et ses protestations contre les mauvais traitements infligés aux cadres suscitèrent une violente réaction de la faction maoïste. Le Groupe chargé de la Révolution culturelle auprès du C.C., qu’animaient Jiang Qing (江青) et Chen Boda, précipita sa chute en lui attribuant la responsabilité du « contre-courant de février », c’est-à-dire des fausses prises de pouvoir et des résistances de toutes sortes qui succédèrent à l’établissement hâtif et désordonné des premiers comités révolutionnaires en janvier 1967. Bien qu’il ait été défendu plus ou moins ouvertement par Zhou Enlai (周恩來) et plusieurs anciens collègues de l’A.P.L. (dont Zhu De (朱德)), Tan Zhenlin disparut de la scène en juillet 1967.
Il a été réhabilité en août 1973 au poste de membre du C.C. (le XIe congrès l’a réélu en 1977). Cette réhabilitation est cependant restée symbolique. L’homme avait beaucoup vieilli, et peut-être perdu bien des illusions. En tout cas, depuis son accession (en janvier 1975) à la vice-présidence du comité permanent de l’A.N.P. (il a été réélu en mars 1978), Tan Zhenlin ne remplit plus qu’un rôle de représentation. Ce rôle a été réduit par la suite : Tan Zhenlin a perdu à l’issue du XIIe congrès du P.C.C. (septembre 1982) sa place au C.C. (pour recevoir une vice-présidence de la Commission des conseillers du C.C.) et en juin 1983 la vice-présidence du comité permanent de PA.N.P. Il meurt en septembre 1983 d’un cancer du poumon.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article184429, notice TAN Zhenlin 譚震林 par Jean-Luc Domenach, version mise en ligne le 11 janvier 2017, dernière modification le 11 janvier 2017.

Par Jean-Luc Domenach

SOURCES : Outre WWCC et KC, voir : Daubier (1970). — Domenach (1982) pour l’exemple henanais. — MacFarquhar (1983). — Rice (1972), et RMRB 1973-1983.

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