TAO Zhu 陶鑄

Par Jean-Luc Domenach

Né au Hunan en 1904 ou 1906 ; mort le 30 novembre 1969. Devenu au cours des années 1950 le plus important dirigeant de la Chine du Sud, il accède soudain au quatrième rang de la hiérarchie centrale en août 1966 puis disparaît de la scène en janvier 1967.

La carrière de Tao Zhu offre un exemple spectaculaire d’ascension politique tardive fondée moins sur des liens anciens avec les Grands du régime que sur une base de pouvoir régionale. Jusqu’en 1949, sa biographie est mal connue et son rôle reste secondaire. Fils de propriétaires fonciers ruinés, il ne peut achever ses études secondaires et survit de petits métiers avant de partir pour Canton où il se convertit à la révolution et entre à la fameuse Académie militaire de Whampoa (Huangpu : voir Blücher). Membre du Parti communiste depuis 1926, il participe au soulèvement de Canton en décembre 1927 puis s’engage dans la guérilla du Fujian, où il se fait remarquer par son courage. Arrêté à Shanghai en 1933, il aurait été contraint, comme bien d’autres, de renier ses convictions pour échapper à la peine de mort. Il est libéré en 1938, quand s’organise la collaboration entre les communistes et les nationalistes. On le retrouve ensuite dans les rangs de la 4e Armée nouvelle (voir Ye Ting (葉挺)) aux confins du Hubei et du Henan, puis en 1942 à Yan’an, dans les services de la Commission militaire du C.C. Il commence à sortir de l’anonymat en 1945 : affecté en Mandchourie auprès de Lin Biao (林彪), il occupe pour la première fois des postes d’importance ; il jouera un rôle notable dans la prise de Pékin (janvier 1949) puis de Wuhan (mai 1949) et deviendra membre du Comité administratif et militaire du Centre-sud que dirige Lin Biao. D’après certaines sources, ses talents militaires lui auraient valu, pendant la première année de la guerre de Corée (automne 1950-été 1951), une affectation à la tête des services de l’arrière de l’armée des volontaires chinois.
C’est cependant au Guangdong qu’à partir de l’automne 1952 sa carrière a pris son essor. Tao Zhu reçoit alors le poste de quatrième secrétaire du sous-bureau de Chine du Sud, qui couvre les provinces du Guangdong et du Guangxi. Au Guangdong, surtout, la situation n’est pas bonne : l’appareil local du Parti, dirigé par des leaders respectés pour leur ancienne participation à la guérilla, parvient à limiter l’autorité des cadres venus du nord et à retarder l’application de la réforme agraire (voir Fang Fang (方方)). Aidé par un petit groupe de fidèles (dont Zhao Ziyang (趙紫陽)), Tao Zhu rétablit la situation en moins d’un an : il met au pas les cadres locaux et achève la réforme agraire. Ses supérieurs sont éloignés (Ye Jianying (葉劍英)) ou rétrogradés (Fang Fang (方方)) : il devient le numéro un de facto du Guangdong.
Dans les années suivantes, Tao Zhu saura consolider son pouvoir local et se faire apprécier du Centre. Il cumule progressivement les titres qui correspondent à son pouvoir effectif : gouverneur du Guangdong en février 1955, premier secrétaire en septembre 1956, commissaire politique de la région militaire de Canton en février 1958. Il profite de la répression des Cent Fleurs, dans la deuxième moitié de l’année 1957, pour annihiler l’opposition localiste en compromettant ses figures de proue (Feng Baiqu, Gu Dacun) et en sauvant habilement certains de leurs collègues (comme Ou Mengjue). En même temps, il profite de chaque grande campagne de masse pour placer le Guangdong dans le droit fil de la politique centrale, qu’elle soit d’inspiration maoïste ou plus modérée : lors du mouvement des coopératives puis du Grand Bond en avant, que Tao Zhu conduit personnellement, allant même jusqu’à prendre en charge un « champ expérimental », il commence par approuver vigoureusement les initiatives maoïstes avant d’en critiquer les excès (ce qui lui aurait valu des critiques lors du plénum de Lushan en août 1959) ; la politique rurale conduite au Guangdong au début des années 1960 semble avoir été particulièrement libérale. Cet opportunisme lui vaut rapidement des récompenses : après avoir été l’un des rares éléments neufs admis au C.C. par le VIIIe congrès du P.C.C. (septembre 1956), Tao Zhu reçoit en janvier 1961 le poste de premier secrétaire du Bureau du Centre-sud (qui vient d’être restauré).
La puissance régionale du « roi du sud » lui permet désormais d’intervenir dans les grandes controverses nationales comme la réforme de l’opéra de Pékin et le mouvement d’éducation socialiste. Avec Li Jingquan (李井泉) et Ke Qingshi (柯慶施), il est au nombre des responsables régionaux qui jouent un rôle réel au pian central — un rôle que sanctionne sa nomination, en janvier 1965, comme vice-premier ministre (l’un des trois qui ne soient pas en même temps membres du B.P.). La Révolution culturelle accélère son ascension de façon spectaculaire : en juillet 1966, Tao remplace Lu Dingyi (陸定一) à la tête du département de la Propagande du C.C. ; à l’issue du plénum d’août, non content d’entrer au B.P., il prend la quatrième place dans la hiérarchie du régime. Mais la roche tarpéienne est proche : Tao Zhu est bientôt attaqué par les Gardes rouges ; il disparaît de la scène en janvier 1967 et, après avoir subi des mauvais traitements dénoncés aujourd’hui, il meurt en 1969. Les raisons de son ascension et de sa chute météoriques (type même des « promotions en hélicoptère » ridiculisées par Deng Xiaoping (鄧小平)) constituent l’une des énigmes de la Révolution culturelle : les positions adoptées à l’époque par Tao Zhu sont peu claires, mais les reproches dont on l’a successivement accablé, ne sont guère plus vraisemblables. Tout au plus peut-on évoquer, pour expliquer son ascension à Pékin, ses liens anciens avec Lin Biao, son soin de conserver de bons rapports avec le clan maoïste et aussi, chez certains de ses adversaires (aux yeux desquels son approbation apparente de la Révolution culturelle représentait une inacceptable chance de survie pour tout l’appareil du Centre-sud), la volonté de le priver, au moyen d’une promotion, de sa base de pouvoir régionale.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article184431, notice TAO Zhu 陶鑄 par Jean-Luc Domenach, version mise en ligne le 11 janvier 2017, dernière modification le 11 janvier 2017.

Par Jean-Luc Domenach

ŒUVRE : Tao Zhu, qui se piquait d’avoir un bon pinceau, a publié de nombreux articles. Pour étudier plus précisément l’évolution de sa position au cours du Grand Bond en avant et après, on pourra consulter ceux qu’il a publiés dans Hongqi (le Drapeau rouge), 1958, no. 5 ; 1959, no. 19 ; 1960, no. 12 ; 1964, no. 4, et dans RMRB, 25 février 1959 ; 5 août 1960 ; 28 février 1964 ; 2 août 1965.

SOURCES : Outre KC et WWCC, voir Moody in CQ, no. 54, avril-juin 1973 et Vogel (1969). — En chinois, on lira l’article venimeux de Yao Wenyuan in Hongqi, 1967, no. 14 et surtout la série biographique publiée par le Mingbao de Hong Kong (28 janvier-6 février et 9-17 février 1978.

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