WANG Shiwei 王實味

Par Guilhem Fabre

Né dans les années 1890 au Henan ; exécuté en 1947 à Yan’an. Essayiste, romancier et traducteur communiste. Ses prises de position lui attirent les .foudres du P.C.C., qui l’exécute lors de l’évacuation de Yan’an en 1947.

Originaire d’une famille henanaise de fonctionnaires ruinés, Wang Shiwei peut suivre des études d’anglais à l’Université de Pékin en 1925. Il y fréquente Wang Fanxi et Hu Feng (胡風), connus plus tard pour leurs positions dissidentes. Il entre au P.C.C. en 1927 et perd sa compagne Li Fen, fusillée pendant l’insurrection de la Moisson d’automne (voir Peng Gongda (彭公達)).
Après la défaite de la révolution, il vit (mal) à Shanghai de diverses traductions littéraires : Colette, Hauptman, Hardy. Son adhésion à la Ligue des écrivains de gauche, dont le stalinisme l’irrite (voir Lu Xun (魯迅) et Zhou Yang (周揚)), ne l’empêche pas de fréquenter les milieux trotskystes pour lesquels il traduit le testament de Lénine et l’autobiographie de Trotsky. C’est à la même époque que paraît son unique roman, Xiuxi (Le repos), fresque tragique sur le désespoir d’un jeune rebelle broyé par le travail et la solitude.
En 1937, Wang Shiwei gagne Yan’an, où il traduit Marx et Lénine à l’institut du marxisme-léninisme, plus tard Institut central de recherches. Dans cette pépinière d’intellectuels qui définissent la ligne générale du Parti, Wang Shiwei entre vite en conflit, comme responsable du Bureau de recherches littéraires et artistiques, avec des idéologues maoïstes tels Chen Boda (陳伯達) et Zhang Ruxin. Contestant le populisme régnant, Wang Shiwei affirme que les créateurs doivent continuer d’innover dans les perspectives ouvertes par le 4 mai 1919 : la création ne saurait être assimilée à une pédagogie politique. Le débat, où apparaît déjà le problème de la liberté critique, s’envenime au début du mouvement de rectification (zhenfeng, mars 1942), quand la romancière Ding Ling (丁玲) fait paraître à Yan’an, dans le quotidien Libération, plusieurs essais de Wang Shiwei regroupés sous le titre de Lys sauvages. Plus audacieux que Xiao Jun (蕭軍) et Ai Qing, qui émettent alors des critiques assez proches, Wang Shiwei tourne en dérision le système hiérarchique de Yan’an, qui régit sous sa coupe la vie littéraire comme la vie tout court et crée à ses yeux l’amorce d’une nouvelle classe.
En dépit (ou à cause) des sympathies que ses thèses recueillent chez une bonne part des militants de Yan’an, Wang Shiwei est violemment pris à partie lors d’une campagne de presse qui culmine pendant les causeries de Yan’an sur la littérature et l’art, au cours desquelles Mao Tse-tung (毛澤東) le traite de saboteur. Tenant tête à ses critiques, Wang Shiwei devient le bouc émissaire du mouvement de rectification, lors des meetings de lutte qui lui sont consacrés à l’institut central dé recherches au printemps 1942. Condamné à la réforme par le travail pour espionnage et trotskysme, il est finalement exécuté par les hommes de la Sécurité lorsque les communistes doivent évacuer Yan’an en 1947. En 1957, son nom réapparaît souvent pendant les Cent Fleurs comme un exemple à suivre.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article184458, notice WANG Shiwei 王實味 par Guilhem Fabre, version mise en ligne le 24 janvier 2017, dernière modification le 24 janvier 2017.

Par Guilhem Fabre

ŒUVRE : Xiuxi (Le repos), (s. l.) : Zhonghua shuju, (s. d.). — « Wenyï minzu xinshi wenti shang de jiu cuowu yu xin pianxiang » (Les vieilles erreurs et les nouvelles déviations sur la question des formes nationales dans la littérature et l’art), Zhongguo wenhua (Littérature chinoise), Yan’an, février 1941. — « Zhengzhijia, yishujia » (Hommes politiques et artistes), Gu Yu, Yan’an, février 1942. — « Ye baihehua » (Lys sauvages) Jiéfang ribao (Libération), 13, 23 mars 1942. — Traductions en français : « Politiques et/artiste », « Lys sauvages » in G. Fabre, « L’affaire Wang Shiwei, genèse de l’opposition en Chine populaire », thèse de 3e cycle, E.H.E.S.S., 1980.

SOURCES : Outre Merle Goldman (1967), voir : Fabre (1980). — Wang Fan-hsi (Fanxi). — Wang Zhanglu (1967). — Xin Guancha (Le Nouvel Observateur), Hong Kong, no. 2 et 3, 1977.

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