YE Ting 葉挺

Par Yves Chevrier

Né le 10 septembre 1897 dans le district de Huizhou (Guangdong) ; mort dans un accident d’avion au-dessus du Shanxi le 8 avril 1946. Général communiste, héros malheureux de la prise de Nanchang et de la retraite sur Shantou (Swatow), août-septembre 1927 ; commandant en chef de la 4 » Armée nouvelle (1938-1941), avant I’« incident » qui sanctionne l’échec du second Front uni en janvier 1941.

Né dans une famille paysanne du Guangdong, Ye Ting entre en 1911 à l’école d’agriculture de son xian natal, mais c’est la carrière des armes qui l’attire : il s’y prépare à l’école militaire primaire de Huangpu (Whampoa), dépendant d’une académie militaire fondée à la fin du XIXe siècle (à ne pas confondre avec l’établissement du même nom créé par Blücher-Galen en 1924), à la deuxième école militaire préparatoire de Wuchang puis, en 1919, à l’académie plus recherchée de Baoding. Peu désireux de se perfectionner trop longtemps dans les écoles, il se met au service de Chen Jiongming, seigneur de la guerre du Guangdong allié à Sun Yat-sen (孫逸仙). En 1920, après la prise de Canton par le tandem Chen-Sun, Ye Ting adhère au G.M.D. A mesure que le gouvernement nationaliste renforce son emprise sur Canton (en luttant notamment contre Chen Jiongming), une armée proprement nationaliste est mise sur pied. Les cadres sont formés soit à l’académie de Huangpu (sous la tutelle de Blücher, Chiang Kai-shek, Liao Zhongkai (廖仲愷) et Zhou Enlai (周恩來)) soit (dans une moindre mesure) à Moscou. Ye Ting fait partie de ces rares officiers envoyés en stage auprès de l’allié soviétique (grâce à la recommandation de Liao Zhongkai). Au cours de ce séjour de deux années (1924-1925), il devient membre de la branche moscovite du P.C.C., voyage en Europe, rencontre Zhu De (朱德) en Allemagne. Son retour en Chine coïncide avec la victoire de la seconde expédition de l’Est sur Chen Jiongming (octobre- novembre 1925). Après un remaniement de l’armée nationaliste, il prend la tête d’un régiment indépendant rattaché à la 4e Armée de Zhang Fakui. Son régiment et ses subordonnés Chen Yi (陳毅) et Lin Biao (林彪) se distinguent glorieusement pendant l’Expédition du Nord (Beifa). Au printemps 1927, il prend le commandement de la garnison de Wuhan où siège le gouvernement de coalition gauche nationaliste-P.C.C. présidé par Wang Jingwei (汪精衛). Hostile à Chiang Kai-shek, ce gouvernement décide de réduire le Généralissime par la force. En juin, Ye Ting fait mouvement vers l’est, mais la campagne contre les forces de Chiang tourne court en juillet lorsque Wang chasse les communistes de Wuhan. Ye Ting prend alors la route de Nanchang.
Désireux de reprendre pied dans une grande ville après avoir été chassés des métropoles du Yangzi, les dirigeants communistes assistés de Lominadzé, nouveau représentant du Komintern, ont jeté leur dévolu sur la capitale du Jiangxi : He Long (賀龍), officier pro-communiste de Zhang Fakui, y a fait son entrée dès le 26 juillet ; Zhu De y commande la sécurité militaire ; Zhang lui-même, dont l’ambition est visible et qui tolère un grand nombre de communistes dans son entourage, ne se ralliera-t-il pas à un coup de main ? L’insurrection préparée par le « Comité de front de Nanchang » (auquel participent aussi Zhou Enlai, Liu Bocheng (劉伯承) et Li Lisan (李立三)) est maintenue en dépit des réserves du Komintern, relayées par Lominadzé et Zhang Guotao (張囯燾). Les insurgés s’emparent de la place le premier août au matin. Depuis mai 1933, le 1er août, anniversaire de la prise de Nanchang, est considéré comme celui de la fondation de l’Armée rouge et célébré comme tel [1]. Composé de personnalités appartenant à la gauche nationaliste qui ont refusé la rupture du Front uni en juillet (telle Song Qingling (宋慶齡)), de Zhang Fakui (à son corps défendant) et surtout de communistes (Tan Pingshan (譚平山), président ; Zhou Enlai ; Li Lisan ; Lin Boqu (林伯渠) ; Zhang Guotao (張囯燾) ; Wu Yuzhang (吳玉章), Peng Pai (澎湃), Guo Moruo (郭沫若) etc.), un « comité révolutionnaire » maintient la fiction de l’union. Mais le pouvoir réel est exercé par un triumvirat militaire composé de He Long (président), Ye Ting (vice-président) et Liu Bocheng (chef d’état-major).
N’ayant pu gagner Zhang Fakui à leur cause, les rebelles doivent évacuer Nanchang dès le 5 août. L’échec de la première des « insurrections armées » qui marquent le revirement stratégique du Komintern à l’été 1927 se solde par une Longue Marche avant la lettre en direction des bases communistes de Haifeng et de Lufeng sur la côte orientale de Guangdong (voir Peng Pai (澎湃)). Au cours de leur retraite, les « partisans ouvriers et paysans » (c’est ainsi que la presse moscovite qualifie les fugitifs) marchent sur Shantou (Swatow) mais ils s’en font déloger presque aussitôt (septembre 1927). Ye Ting s’enfuit à Hong Kong tandis que He Long (賀龍) et Zhu De (朱德) continuent de « marcher » vers l’intérieur où ils créeront, l’un indépendamment, l’autre en collaboration avec Mao, des bases de guérilla.
Plus attiré par une guerre de professionnels, Ye Ting a bientôt l’occasion d’exercer ses talents grâce à la Commune de Canton. Nommé commandant en chef du Conseil militaire révolutionnaire présidé par Zhang Tailei (張太雷) alors qu’il séjourne encore à Hong Kong, il n’arrive à Canton que quelques heures avant le déclenchement de l’insurrection (11 décembre 1927), appelé à la hâte par les insurgés dont le complot a été découvert et qui, pour cette raison, ont dû en avancer la date de deux jours. C’est Ye Jianying (葉劍英), son subordonné, qui prend la direction effective des opérations pendant la Commune de Canton. Après ce nouvel échec, Ye Ting voyage en U.R.S.S., en Europe, puis revient à Hong Kong, où il vit retiré de la politique. Il semble avoir complètement rompu avec le P.C.C.
Après la conclusion du deuxième Front uni en 1937 (voir Zhou Enlai (周恩來)), les Communistes proposent aux Nationalistes de rassembler les forces qu’ils avaient laissées derrière eux au moment de la Longue Marche (voir Xiang Ying (項英)). Mais Chiang Kai-shek leur refuse le commandement de ces unités. Ye Ting offre alors ses services : les appuis dont il jouit parmi les généraux nationalistes, sa rupture apparente avec le P.C.C., emportent la décision. Les troupes communistes stationnées en Chine centrale et méridionale sont réorganisées dans une 4e Armée nouvelle en janvier 1938 sous son commandement. Xiang Ying est son commissaire politique, Chen Yi son principal subordonné. Opérant à l’arrière des lignes japonaises, la 4e Armée nouvelle étend peu à peu ses opérations à la frontière du Anhui et du Jiangsu au sud du Yangzi. Ces progrès irritent Chungking (capitale de guerre du G.M.D.) et provoquent des heurts de plus en plus nombreux avec les troupes et les guérillas nationalistes très actives dans la région. En décembre 1940, la 4e Armée est sommée de se porter au nord du Yangzi. Chen Yi s’exécute avec le gros des unités communistes, mais Ye Ting (peut-être influencé par Xiang Ying, qui se refuse à ménager le G.M.D.) s’attarde et se laisse surprendre au sud du fleuve (près de Maolin, dans le Anhui méridional) avec une arrière-garde de dix mille hommes. L’« incident de la 4e Armée nouvelle » (4-14 janvier 1941) coûte la vie à plusieurs milliers de cadres et soldats communistes (dont Xiang Ying) et torpille le Front uni. Ye Ting est capturé. Chen Yi et Liu Shaoqi (劉少奇) prennent la relève.
Accusé d’insubordination (il relevait nominalement du commandement nationaliste), Ye Ting passe le reste de la guerre dans les prisons de Chiang Kai-shek. Les communistes négocient sa libération après la victoire sur le Japon. Libéré le 4 mars 1946, il demande immédiatement à être réadmis dans le P.C.C. Yan’an lui accorde cette faveur. Mais l’avion à bord duquel il regagne la capitale communiste s’écrase dans le Shanxi le 8 avril. Qin Bangxian (秦邦憲), Deng Fa (鄧發) et l’épouse de Ye Ting disparaissent dans le même accident. Six enfants leur survivent, dont Ye Qun, qui épousera Lin Biao (林彪) et trouvera elle aussi — selon la version officielle la mort dans un accident d’avion...

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article184554, notice YE Ting 葉挺 par Yves Chevrier, version mise en ligne le 30 janvier 2017, dernière modification le 8 février 2017.

Par Yves Chevrier

ŒUVRE : Un « Rapport sur l’insurrection de Canton », attribué à Ye Ting, est cité in M.N. Roy, Revolution and Counterrevolution in China, Calcutta, 1946, p. 558.

SOURCES : Outre BH et KC, voir : Hsiao Tso-liang (1970). — Hu Chi-hsi (1982). — Johnson (1963). - Wilbur (1983), l’autobiographie recueillie par Asiaticus (Hans Müller) in Amerasia, vol. V no. 1, mars 1941 et Ye Ting tongzhi lueli (Brève histoire du camarade Ye Ting), 1946.

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