ZHANG Tailei 張太雷

Par Yves Chevrier

Né en juin 1898 à Wujin, Jiangsu ; mort le 12 décembre 1927 à Canton. Agent de liaison de l’I.C., fondateur et dirigeant de la L.J.C., héros et martyr de la Commune de Canton.

Zhang Tailei
Zhang Tailei

On sait peu de choses sur la jeunesse de Zhang Tailei, sinon que ses parents étaient de petits commerçants, qu’il fut élevé par un oncle, que Qu Qiubai (瞿秋白) fut son condisciple et son ami et qu’aux alentours de sa vingtième année il entreprit des études de droit à l’Université de Tientsin. C’est alors qu’il s’immerge dans la vague du 4 mai, militant dans les comités d’étudiants à Tientsin et à Pékin, fréquentant le cercle marxiste de Li Dazhao (李大釗) — où il retrouve Qu Qiubai. En août 1920, de concert avec Chen Duxiu (陳獨秀), il met sur pied à Shanghai une Ligue des Jeunesses socialistes, qui deviendra L.J.C. en 1925. Animateur de la branche de Tientsin, il représente la Ligue lors d’une réunion internationale des Jeunesses socialistes à Moscou. Arrivé en décembre 1920 dans la « capitale rouge », il est le premier communiste chinois à faire une apparition en Union soviétique. C’est à cette occasion qu’il fait la connaissance de Maring, qui se l’attache comme interprète (il occupera par la suite les mêmes fonctions auprès de Borodine, successeur de Maring). Au cours des années suivantes, Zhang va être l’un des relais essentiels entre la politique chinoise de Moscou telle que l’applique Maring et le P.C.C. en voie de formation : ses contacts moscovites et la confiance de Maring lui confèrent une grande autorité.
Au moment où le P.C.C. est fondé à Shanghai (juillet 1921), Zhang assiste au IIIe congrès de l’I.C. à Moscou (juin). Maring l’y a dépêché tout exprès, en même temps qu’un certain Yang Hede, afin de représenter le mouvement communiste chinois. Zhang et Yang font halte à Irkoutsk ; ils y prennent part à l’établissement d’un secrétariat chinois auprès du Bureau de l’internationale pour l’Extrême-Orient (voir Voitinsky). A Moscou, les difficultés de la révolution en Europe et en Russie absorbent les assises du Komintern. En réclamant plus d’attention pour la révolution chinoise, l’obscur délégué chinois prête un concours inattendu à Roy qui, seul avec Trotsky, dénonce le retour du vieil homme européocentriste. Zhang Tailei, qui attire également l’attention des délégués sur les traits particuliers que le militarisme impose à la révolution chinoise, prend connaissance de la nouvelle stratégie de Front uni, dont il sera le premier (après Maring) à proposer l’application en Chine (sous forme d’une alliance limitée avec le G.M.D.). Nommé (par Maring) représentant officiel du P.C.C. auprès du congrès des Travailleurs d’Extrême-Orient (Petrograd-Moscou, janvier 1922), Zhang se heurte aux adversaires de la formule tant russes que chinois (voir Zhang Guotao (張囯燾)).
De retour en Chine, il est l’un des rares alliés de Maring (avec Li Dazhao (李大釗), puis Qu Qiubai (瞿秋白) et Deng Zhongxia (鄧中夏)) dans le conflit qui oppose l’envoyé de l’internationale à la plupart des dirigeants communistes à propos de l’alliance avec le G.M.D. (été 1922-printemps 1923). Ce nouveau séjour en Chine lui a permis de reprendre quelque activité à la tête des Jeunesses socialistes : il est élu au secrétariat (avec Liu Renjing (劉仁靜), Deng Zhongxia (鄧中夏) et Yun Daiying (惲代英)) par le IIe congrès des Jeunesses, qui se tient en août 1923. Ce même mois, pourtant, Zhang reprend le chemin de Moscou, en compagnie de Chiang Kai-shek et d’une délégation nationaliste (voir Shen Xuanlu (沈玄廬)). Il n’en revient qu’au début de l’année 1925. Le IVe congrès du P.C.C. le fait alors membre suppléant du C.C. et lors du IIIe congrès des Jeunesses socialistes (qui désormais s’intitulent Ligue de la jeunesse communiste, L.J.C.), Peng Shuzhi (彭述之) le porte au secrétariat général de la L.J.C. (où il est secondé par Yun Daiying et Ren Bishi (任弼時)), en remplacement de Liu Renjing. Mais Zhang n’oublie pas son autre vocation : il est l’interprète officiel de Borodine à Canton jusqu’en 1927.
Désormais fixé dans la grande ville du Sud, Zhang Tailei prend part aux événements révolutionnaires de 1925-1927, à commencer par la grève des dockers de Hong Kong et Canton, qui éclate à l’été 1925 (voir Su Zhaozheng (蔌兆症)). Il accompagne Borodine et les autorités communistes de Canton à Wuhan au début de l’année 1927, mais quitte le secrétariat de Borodine au printemps afin de prendre la tête du comité du P.C.C. pour le Hubei (la province de Wuhan). Au même moment, le Ve congrès du P.C.C. (avril- mai 1927) fait de lui un membre à part entière du C.C. Ses nouvelles fonctions l’éloignent de la L.J.C., dont l’appareil passe aux mains de Ren Bishi. Au reste, Zhang Tailei s’efforce de suivre avec application les méandres de la politique borodinienne, tandis que la base rétive des Jeunesses communistes critique la collaboration avec le G.M.D. de gauche (voir Wang Jingwei (汪精衛)). Zhang n’en prend pas moins le virage à gauche de l’été 1927, devenant après la conférence extraordinaire du 7 août, qui démet Chen Duxiu et intronise Qu Qiubai, chef du Bureau du P.C.C. pour la Chine méridionale et secrétaire du comité provincial du Guangdong.
L’abandon de la collaboration avec le G.M.D. (de gauche) et la nouvelle politique d’insurrections armées adoptée par Moscou à l’été 1927 (voir Qu Qiubai (瞿秋白) et Lominadzé) jettent la nouvelle direction du Parti dans plusieurs entreprises sans issue. Après l’échec de Nanchang (voir He Long (賀龍), Ye Ting (葉挺)) en août, la déroute de Ye Ting à Shantou (Swatow) en septembre et l’insuccès des soulèvements de la moisson d’automne au Hunan et au Hubei (voir Peng Gongda (彭公達)), le 18 novembre 1927 le C.C. décide de provoquer une insurrection ouvrière à Canton en profitant du conflit qui oppose les seigneurs de la guerre locaux, Li Jishen et Zhang Fakui. Bien qu’il redoute la faiblesse des organisations communistes et des syndicats, Zhang Tailei organise l’aventure. Le 26 novembre, il prend la présidence d’un Conseil militaire révolutionnaire dans lequel Ye Ting assume le commandement en chef. Le matin du 11 décembre, les insurgés élisent un gouvernement soviétique de onze membres dont la présidence est confiée (in absentià) à Su Zhaozheng. Zhang en assume la direction effective en tant que représentant du Parti et commissaire chargé de la Marine et de l’Armée ; Ye Jianying (葉劍英) prend la tête des troupes. L’effet de surprise aidant, l’insurrection s’empare d’une partie de la ville. La Commune est proclamée. Pour peu de temps : dès le 13, le retour en force de Li Jishen et Zhang Fakui, réconciliés le temps de rétablir l’ordre, entraîne l’effondrement des dernières résistances. Celui dont Zhang Guotao devait dénoncer le « suivisme » (par hostilité aux ingérences du Komintern, à la personne et à la politique de Maring ainsi qu’à la « coterie » de Qu Qiubai, dont Zhang Tailei s’était fait l’instrument) connaît une fin courageuse au cours des combats. La répression dépasse de loin l’ampleur du soulèvement. Du moins, à Moscou, le camp anti-trotskyste a-t-il obtenu l’effet de séance recherché en faisant état des premières victoires. Comme il se doit, l’internationale déplore officiellement la disparition de l’« organisateur de la Commune de Canton » (N. Fokine, La Correspondance Internationale, VIII, 15 mars 1928).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article184593, notice ZHANG Tailei 張太雷 par Yves Chevrier, version mise en ligne le 2 février 2017, dernière modification le 12 novembre 2019.

Par Yves Chevrier

Zhang Tailei
Zhang Tailei

ŒUVRE : Nombreux articles dans la presse communiste, en particulier dans Zhongguo qingnian (Jeunesse chinoise), organe de la L.J.C. et dans Qianfeng (L’Avant-garde), revue théorique du C.C. en 1923-1924, qui défend et illustre la politique de Maring (c’est-à-dire le Front uni) : « Jindai Yindu gaikuang » (Panorama de l’Inde moderne), Qianfeng, no. 1, 1er juillet 1923. — « Faxisi zhuyi de guoji xing » (Caractères internationaux du fascisme), ibid. Ces articles sont écrits sous le nom de Tailei ou le pseudonyme (anglicisé) de Chantaly.

SOURCES : Outre BH et KC, voir : Bing in CQ, no. 48, octobre-décembre 1971.— Brandt (1957). — Cadart/Cheng (1983). — Carr, Socialism in One Country, vol III. — Chang Kuo- t’ao (Zhang Guotao), I (1971). — Fokine in La Correspondance Internationale, VIII, 15 mars 1928. — Glunin in Ulyanovsky (1979). — Harrison (1972). — Maring (1922). — North et Eudin (1957). — Qu Qiubai, « Dao Zhang Tailei tongzhi » (En mémoire du camarade Zhang Tailei), Buerseweike (Le Bolchevik), no. 12, janvier 1928. — Trotsky (1932). — Whiting (1953). — Wilbur (1983) et How (1956).

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