KERGOMARD Pauline [née RECLUS Pauline]

Par Françoise Tétard

Née le 24 avril 1838 à Bordeaux (Gironde), morte le 13 février 1925 à Lyon (Rhône) ; pédagogue, créatrice des écoles maternelles.

Son père Jean Reclus né en Dordogne, inspecteur des Écoles de la Gironde, était l’oncle des géographes Elisée Reclus et Onésime Reclus. Sa mère Pauline, née à Bordeaux tint une librairie pendant quelques années. Ses parents, tous deux protestants, eurent sept enfants, elle était la plus jeune ; une de ses sœurs était Noémie Reclus. Elle avait dix ans quand sa mère mourut, son père se remaria quelques années plus tard. En 1851-1852, elle fit un séjour chez son oncle Jacques Reclus, pasteur à Orthez dont la femme avait ouvert d’abord une école puis une pension de jeunes filles. Ce séjour fit une forte impression sur l’enfant, qui observa les leçons qui étaient données dans "cette école sans programme". Puis, Pauline Kergomard entra dans une institution privée laïque, qui devint le Cours normal d’institutrices de la Gironde. Dès sa sortie de l’école, elle exerça comme institutrice privée et donna des leçons dans des familles protestantes. C’est là qu’elle rencontra le pasteur Pélissier, qu’elle considéra comme son père spirituel. Elle monta à Paris en 1861, accueillie par sa sœur Suzanne. C’est chez ses cousins Reclus qu’elle rencontra son futur mari Jules Kergomard, originaire de Morlaix. Leur premier garçon mourut à un an, deux autres suivirent. La famille connut quelques difficultés matérielles, Jules, son mari restant plutôt inactif. Elle essaya alors de vivre de sa plume.
Elle collabora au Dictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson puis publia quelques biographies pour la librairie Hachette. C’est à cette période qu’elle rencontra Caroline de Barrau, qui s’investit beaucoup dans des œuvres philanthropiques et sociales.

En 1879, P. Kergomard réalisa un de ses rêves : elle ouvrit le "Cours Kergomard et Mérel" au coin des rues de Chabrol et Lafayette (Paris, Xe arr.). En même temps, sur les conseils de F. Buisson, elle passa, à quarante ans, l’examen d’aptitude à la direction, puis à l’inspection des Salles d’asile. Le 1er mai 1879, elle fut nommée "déléguée à l’inspection générale des Salles d’Asile". Elle fit d’abord des tournées dans toute la France, elle visita des écoles dans les coins les plus reculés. Puis les budgets ayant diminué, elle dut réduire ses missions et exerça plutôt son action auprès des inspecteurs primaires d’arrondissement et dans les Écoles normales de jeunes filles, où elle fit de nombreuses causeries. Le 16 décembre 1881, dans un de ses rapports adressés au Ministre, elle fait un compte rendu sévère de son inspection des écoles maternelles des académies de Toulouse, Clermont et Bordeaux. Elle posa dès la première page une question "L’école maternelle est-elle une garderie philanthropique ou est-elle un établissement d’éducation et d’instruction ?". "Le dévouement n’est pas une méthode", dit-elle, "il faut des locaux réglementaires et un personnel suffisant et formé". Elle réclamait une inspectrice par département et proposait un programme de formation "pour allumer le feu sacré dans les cœurs".
En même temps son action s’exerce sur la presse pédagogique, et surtout dans L’Ami de l’Enfance, organe bi-mensuel, dont A. Templier, un des directeurs de la Librairie Hachette, lui a donné la responsabilité (1881-1896). Elle en tira les deux volumes de L’éducation maternelle dans l’école où elle exposa sa doctrine pédagogique (publiés en 1886 et 1895).
C’est sans doute C. de Barrau qui la poussa à poser sa candidature au Conseil supérieur de l’Instruction publique, elle y fut élue le 25 décembre 1886 et réélue en 1888, c’est la première femme qui entre dans cette institution. Avec C. de Barrau, elle créa l’œuvre de sauvetage de l’enfance.
P. Kergomard était depuis longtemps féministe, bien qu’ayant parfois tenu ses distances par rapport aux féministes de la première heure. Lorsque des femmes comme Julie Siegfried, Sarah Monod, A. Avril de Sainte-Croix, etc., fondèrent le Conseil national des femmes françaises, elle y adhéra d’enthousiasme et en fut une collaboratrice active comme présidente de la section d’éducation.
En 1898, elle créa une Université populaire dans le XIVe arrondissement. Avec quelques amis, elle loua le local d’une loge maçonnique de la rue Froidevaux et elle mit, dans le recrutement des conférenciers, la même énergie que pour ses engagements précédents, mais elle montra des réticences quand l’Université chercha à se rapprocher du socialisme.
Elle fréquenta de nombreux congrès, soit à titre personnel, soit comme représentant le Ministre, elle prit toujours une grande part aux discussions et connut ainsi de nombreuses personnalités françaises et étrangères. Malgré l’apathie de son mari et des séparations amiables fréquentes, elle pratiqua toute sa vie la plus cordiale hospitalité, sans compter son jour de réception. Ses fils ont épousé deux filles de Jules Steeg (député de la Gironde puis inspecteur général de l’Enseignement primaire et enfin directeur de l’École normale supérieure dé Fontenay), l’un fut professeur de lycée et l’autre directeur d’École normale. Elle s’installa dans une maison à Flainville, commune entre Dieppe et Veules, à côté de la petite propriété de la famille Steeg. Tous les ans aux vacances, les deux familles se retrouvaient. C’est là que la surprit la déclaration de guerre de 1914. Elle voulut encore agir et revint à Paris pour donner des cours à des pupilles.
"Indépendante avec éclat" disait-on d’elle dans les notations à l’École normale. Elle a innové dans le domaine de la pédagogie, elle s’est imposée dans des lieux politiques et intellectuels avec une assurance dont elle ne s’est pas départie.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article184629, notice KERGOMARD Pauline [née RECLUS Pauline] par Françoise Tétard, version mise en ligne le 1er septembre 2016, dernière modification le 28 octobre 2022.

Par Françoise Tétard

SOURCES : Pauline Kergomard, L’éducation maternelle dans l’école, Paris, Hachette, 1886-1895 (deux vol.). — Françoise Derkenne, Pauline Kergomard et l’éducation nouvelle enfantine (1838-1925), Paris, Cerf, 1938. — Centenaire de Pauline Kergomard, L’Enseignement Public, 2ème semestre, Paris, Librairie Delagrave, 1938 (brochure). — Comité français pour l’éducation préscolaire, La vie et l’oeuvre de Pauline Kergomard, Journée internationale de l’OMEP, Paris, 23 avril 1959 (brochure). — Les 105 lettres de Pauline Kergomard et de quelques autres suivies du Rapport sur les Écoles Maternelles des Académies de Toulouse, Clermont et de Bordeaux, documents réunis par A. Kergomard, rapport dactylographié. s.d. (archives privées familiales). — Geneviève Poujol, Madeleine Romer, Dictionnaire biographique des militants de l’éducation populaire et culturelle, op. cit.

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