BARDET Denise, Suzanne

Par Dominique Tantin, Michel Thébault, Isavel Val Viga

Née le 10 juin 1920 à Verneuil-sur-Vienne (Haute-Vienne), massacrée le 10 juin 1944 à Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) ; institutrice ; victime civile.

Denise Bardet
Denise Bardet

Denise Bardet était la fille de Germain, François Bardet (né le 7 mai 1889, à Verneuil-sur-Vienne, Haute-Vienne) cultivateur et de Marie Louise Mounier (née le 30 mars 1898, à Veyrac), cultivateurs au lieu-dit Pagnac, commune de Verneuil-sur-Vienne. Son père, fut mobilisé le 3 août 1914, dans des régiments d’Artillerie. Deux fois cité, il fut médaillé de guerre. Gazé à l’ypérite, il resta de santé fragile et mourut à Veyrac le 26 février 1929. Il s’était marié le 12 juillet 1919 à Veyrac avec Marie Mounier et Denise fut l’aînée de leurs deux enfants avant Camille, né le 24 janvier 1926, à Veyrac. La famille résidait au hameau de la Grange de Boiel lorsque Denise fut orpheline à l’âge de 8 ans devant dès ce moment aider sa mère pour les travaux ménagers et agricoles.
Après sa scolarité à l’école primaire laïque de La Barre, encouragée par ses instituteurs elle entra à la rentrée 1932 à l’École Primaire Supérieure de Saint-Léonard-de-Noblat (Haute-Vienne), afin de préparer le concours d’entrée à l’École normale d’institutrices, et où elle fut interne pendant 5 ans.
Reçue en 1937 à l’École Normale de Limoges, elle obtint au bout des trois années de formation son CAP d’institutrice le 15 octobre 1940. Elle fut nommée pour son premier poste à Chéronnac au sud de la Haute-Vienne, aux confins de la Charente et de la Dordogne.
A la rentrée 1943, souhaitant se rapprocher de sa mère, veuve, et de son jeune frère Camille toujours domiciliés au lieu-dit La Grange de Boeil, commune de Veyrac, à trois kilomètres du Bourg d’Oradour-sur-Glane, elle obtint sa mutation pour l’école primaire d’Oradour-sur-Glane.

L’école primaire d’Oradour-sur-Glane comportait en 1944 plusieurs sections. L’école des filles était située au centre du bourg. On y accédait en franchissant un grand portail aux tiges de fer épointées comme des lames, qui s’ouvrait sur une aire ombragée de deux arbres. L’école des garçons composée de deux classes, était située en face la gare des Tramways départementaux et avait pour directeur Léonard Rousseau assisté de son épouse Jeanne Forest, épouse Rousseau. L’école des filles comprenait trois classes dont une classe enfantine. Andrée Gibaud épouse Binet en assurait la direction assistée de Denise Bardet, chargée du cours élémentaire et de Raymonde Chenet épouse Vincent. Il existait aussi une classe dite « lorraine » composée d’enfants de réfugiés alsaciens et mosellans avec un maître lorrain, Fernand Gougeon. Au total le corps enseignant se composait de sept personnes, deux instituteurs et cinq institutrices car le 10 juin 1944 était également en poste à Oradour une institutrice remplaçante, Odette Couty, qui suppléait l’absence de Mme Binet la directrice de l’école des filles en congé maternité.
Le 10 juin 1944 était le jour de l’anniversaire de Denise Bardet, et elle avait prévu de le fêter avec ses collègues en même temps que la réussite, la veille, de son frère au concours d’entrée de l’École Normale de Limoges. Ce 10 juin après avoir déjeuné chez sa mère à La Grange de Boeil, elle regagna l’école à bicyclette.

Denise Bardet fut victime du massacre perpétré l’après-midi par les SS du 1er bataillon du 4e régiment Der Führer de la 2e SS-Panzerdivision Das Reich. Tous les enfants des écoles, durent sous la contrainte, en compagnie de leurs institutrices et instituteurs se rassembler sur la place du village. Seul un jeune élève de la classe lorraine, Roger Godfrin, réussit à s’enfuir. Les deux instituteurs furent séparés du reste du groupe qui fut conduit toujours en compagnie des institutrices dans l’église du village où ils furent enfermés vers 15h, avec toutes les femmes et les enfants du village. Vers 16h, les soldats y introduisirent un engin explosif. Celui-ci dégagea une fumée asphyxiante, puis des SS pénétrèrent dans l’édifice et mitraillèrent femmes et enfants, jetèrent des grenades puis incendièrent l’église. Denise Bardet périt dans l’incendie.

Selon le témoignage de son frère Camille conservé au centre la Mémoire d’Oradour (op. cit.) : « Quand je suis arrivé à la Grange du Boeil bien sûr j’ai retrouvé ma mère très très inquiète. On entendait des coups de feu, on voyait des flammes mais on était persuadé que les enfants et les instituteurs étaient à l’écart, qu’on avait trouvé peut-être des maquisards, qu’il y avait peut-être eu des incidents mais on était absolument sûr qu’elle ne risquait absolument rien ; Donc on s’est couché le soir mais ma mère était quand même très inquiète et le matin vers cinq heures, elle est venus à Oradour-sur-Glane pour apporter une veste à ma sœur qui n’était pas beaucoup habillée parce qu’il faisait très chaud ce jour-là. En arrivant à Oradour, elle a trouvé Monsieur Forest qui était un professeur de Montpellier qui avait des enfants à Oradour et qui lui comprenait l’allemand. Il était arrivé avant elle et ils l’avaient fait mettre dans un fossé et les allemands étaient là encore, ils avaient parlementé pour savoir si oui ou non on l’exécuterait et finalement comme il comprenait ce qu’ils disaient, il avait compris que tout le monde avait brûlé donc il rencontré ma mère, il lui a dit ’’vous pouvez partir, tout le monde est brûlé à Oradour-sur-Glane, tout le monde a été massacré’’ »

Denise Bardet obtint la mention « Morte pour la France » par jugement du tribunal de Rochechouart du 10 juillet 1945. Son nom figure sur le monument commémoratif des martyrs du 10 juin 1944. Il est également inscrit avec celui de ses six collègues victimes du nazisme sur la plaque commémorative apposée dans la cour de l’ancienne école normale de Limoges (aujourd’hui centre de formation des maîtres).
Après sa mort on retrouva dans ses papiers, des cahiers et des carnets qui ont, ces dernières années faits l’objet de publications (cf. centre de la mémoire d’Oradour et article L’Humanité. op. cit.)
Son frère Camille est devenu instituteur, à Oradour-sur-Glane en 1949.

Extrait du journal tenu par Denise Bardet
"Je voudrais croire en Dieu. Cela m’est impossible. La science semble nous en empêcher. Et si l’on croit à Dieu, cela doit être à un "bon" Dieu ; or, aucun Dieu ne laisserait ses enfants souffrir ainsi.
Non, la vie est pour moi un mystère. Elle est faite d’amour et de douleur .On aime et on souffre. On souffre et il faut aimer. Pour moi, je sens que j’ai besoin de vivre dans l’amour, dans l’amour de toutes choses. pénétrer tout, si profondément et si réellement qu’on l’aime. Cela n’exclut pas la haine, loin de là ! je veux dire que cela n’exclut pas la colère. mais j’avoue que je n’ai l’impression de bien faire que lorsque je vis avec l’amour.
Je ne parle pas d’un amour personnel, vous comprenez, mais du sentiment infini
Pourquoi faut-il aimer ? On ne sait ; c’est un mystère.
Mais l’amour est comme une lumière."

Voir Oradour-sur-Glane

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article184736, notice BARDET Denise, Suzanne par Dominique Tantin, Michel Thébault, Isavel Val Viga , version mise en ligne le 2 septembre 2016, dernière modification le 21 novembre 2021.

Par Dominique Tantin, Michel Thébault, Isavel Val Viga

Denise Bardet
Denise Bardet
plaque Denise Bardet, cimetière Oradour-sur-Glane
plaque Denise Bardet, cimetière Oradour-sur-Glane
crédit : Isabel Val Viga
Ecole des filles, Oradour-sur-Glane
Ecole des filles, Oradour-sur-Glane
crédit : Isabel Val Viga
Ecole des filles, Oradour-sur-Glane
Ecole des filles, Oradour-sur-Glane
crédit : Isabel Val Viga
Ecole des filles, Oradour-sur-Glane
Ecole des filles, Oradour-sur-Glane
crédit : Isabel Val Viga
Ecole des filles, Oradour-sur-Glane
Ecole des filles, Oradour-sur-Glane
crédit : Isabel Val Viga

SOURCES : Arch. Dép. Haute-Vienne (état civil, registre matricule, recensements) — Liste des victimes, Centre de la Mémoire d’Oradour-sur-Glane. — Pascal Plas. Destins brisés (Oradour 1944). Sens, Amitié Judéo-Chrétienne de France, 2013, Courage et liberté, Assemblée générale de Limoges, pp.29-38. ffhalshs-02463676 — Guy Pauchou, Dr Pierre Masfrand, Oradour-sur-Glane, vision d’épouvante, Limoges, Lavauzelle, 1967, liste des victimes, pp. 138-194. — Journal L’Humanité 10 juin 2002, Jean Morawski Oradour-sur-Glane. — Marielle Larriaga, Oradour-sur-Glane, 10 juin 1944, éditions des Traboules (p48 et 74). — Témoignage de Camille Bardet, Centre de la Mémoire d’Oradour, recueilli en 2003. — Extrait du Journal de Denise Bardet communiqué par Jean-Pierre Ravery. — Mémorial GenWeb.

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