TROGRLIC Antoine dit Tony

Par Jean Limonet

Né le 29 janvier 1936 à Pompey (Meurthe-et-Moselle), mort le 24 juillet 1988 ; fondeur ; président de la fédération JOC du secteur de Pompey ; membre de la commission exécutive du syndicat CFDT régional de la sidérurgie Lorraine, du conseil de la FGM (1968), permanent chargé de la sidérurgie et de la métallurgie du sud de la Meurthe-et-Moselle, secrétaire général de l’URI de Lorraine (1974), membre du bureau national confédéral (1974-1982), conseiller général socialiste de Meurthe-et-Moselle, conseiller municipal de Pompey (1983-1988).

Fils aîné d’une famille d’origine yougoslave arrivée en France en 1929 et installée à Pompey (Meurthe-et-Moselle) en 1935, Antoine Trogrlic entra en 1952 à l’École de la Marine à Cherbourg qu’il dut quitter en 1955 pour subvenir aux besoins de sa famille. Après avoir passé un CAP, il devint fondeur à l’aciérie électrique de Pompey, qui employait 5 200 salariés. Ce fut dans ce contexte qu’il fit la connaissance de Jacques Chérèque, ce dernier étant son chef de service.

Il se lia avec Daniel Beauvais, membre de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), qui travaillait au laminoir nord au train 320 (le chiffre correspondait au diamètre des cylindres) dans la même entreprise. Les salariés de ce service l’appelaient le « chantier des bagnards » tant les conditions de travail étaient pénibles et dangereuses : ils travaillaient un quart d’heure puis un quart d’heure de pause. Antoine Trogrlic adhéra à la JOC et fit partie avec Daniel Beauvais d’une équipe dynamique et motivée qui construisit de leurs mains un foyer de jeunes à Pompey. Il adhéra aussi à la CGT mais se trouva en butte à l’hostilité des camarades syndicalistes les plus conservateurs qui se méfiaient de lui parce qu’il avait été président de la JOC locale et qu’il n’avait aucun lien avec le PC.

En 1959, Jacques Chérèque décida de quitter la CGC et constitua la première section CFTC parmi les employés et techniciens des aciéries de Pompey. Ce fut l’occasion pour Antoine Trogrlic et de nombreux autres de faire le choix d’adhérer à la CFTC, organisation qui avait engagé depuis des années des réflexions pour engager une véritable transformation à travers sa déconfessionnalisation, en particulier, en dépassant les clivages catégoriels pour se donner une vision et une action commune.

En 1961, Antoine Trogrlic fut élu membre du comité d’établissement et en devint le secrétaire en 1967. Par ailleurs, avec les membres de la section syndicale comme Daniel Beauvais et Jacques Chérèque, il s’engagea dans le débat sur l’évolution en allant porter la contradiction auprès de ceux qui y étaient hostiles. Le duo Chérèque-Trogrlic se forgea une réputation et une dimension qui dépassa largement le cadre de Pompey surtout après les conflits en avril 1967 sur le plan social dans la restructuration de la sidérurgie française.

Au milieu des années soixante, l’endettement des sociétés sidérurgiques représentait de 46 à 69 % de leurs chiffres d’affaires. L’état ayant contribué à créer cette situation s’en inquiéta et Georges Pompidou, alors premier ministre, décida d’accorder à l’ensemble de l’industrie un prêt global de six milliards de francs à condition qu’elle multipliât, accélérât et coordonnât ses concentrations. Ce fut la convention État-Sidérurgie du 23 juillet 1966. Dans la foulée, Usinor absorbait Lorraine-Escaut et Saulnes-Uckange, de nombreuses autres concentrations se réalisèrent en entraînant déstabilisation du fonctionnement et des personnels. Ce fut dans ce contexte que Tony Trogrlic dut avec les autres militants des établissements de la sidérurgie engager de nombreuses luttes non sans avoir réalisé les analyses techniques, économiques, sociales indispensables. Les négociations qui s’ouvrirent en octobre 1966 ne furent pas terminées en avril 1967. Ce fut alors le lancement d’une grande grève menée par Roger Briesch avec le soutien sans faille et permanente de Tony Trogrlic avec une mobilisation générale de l’ensemble des personnels. Ce fut la première étape d’application de la convention de la restructuration de la sidérurgie.

En 1969, Tony Trogrlic fut appelé à prendre les responsabilités de permanent à mi-temps au syndicat de la sidérurgie Lorraine et à mi-temps à l’Union départementale de Meurthe-et-Moselle. À la fin des années soixante et début des années soixante-dix, l’équipe de la sidérurgie et de la métallurgie Lorraine constitua une des principales forces syndicales CFDT dans la métallurgie française avec Eugène Descamps, René Carème, Louis Zilliox, Tony Trogrlic, Henri Schwanner, Jacques Chérèque, Roger Briesch, Daniel Beauvais, Victor Camier, Walter Païni, Yvon Tondon, Henri Rombach, Pierre Gauzelin, etc. qui générèrent un véritable dynamisme de la métallurgie CFDT.

Tony Trogrlic fut élu membre du conseil fédéral de la Fédération générale de la métallurgie FGM au nom de l’Union métaux Lorraine au congrès de Rouen le 25 avril 1968, avec Jean Maire secrétaire général. Au sein de ce même conseil constitué de 50 membres, et à l’issue du congrès pour ce mandat, Roger Briesch, G. Pierron, Walter Païni, Victor Camier, ainsi que René Carème, Jacques Chérèque, Louis Zilliox, comme secrétaires nationaux, sept membres du conseil à des titres différents venaient de Lorraine.

Lors du congrès fédéral de Dijon en mai 1971, Tony Trogrlic fut réélu membre du conseil fédéral, avec Jacques Chérèque comme nouveau secrétaire général. Au congrès fédéral suivant, à Grenoble en novembre 1974, Tony Trogrlic ne se représenta pas. Entre-temps, il fut appelé à de nouvelles responsabilités en Lorraine. Michel Chatelain fut désigné par l’union métaux Lorraine, Henri Schwanner fut élu membre de la commission exécutive, Richard Stawiarski, René Huin, Pierre Gauzelin furent élus membres du conseil. Henri Schwanner fut secrétaire général du syndicat de la sidérurgie Lorraine. Lors de ce mandat, Tony Trogrlic participa à une délégation fédérale conduite par Jacques Chérèque pour rencontrer avec Daniel Rémond, les syndicats Yougoslaves de la Navale chez eux et en France.

En 1974, il devint secrétariat général de l’Union régionale interprofessionnelle URI, de Lorraine. Il succéda à Jean-Marie Conraud après dix années de responsabilités régionales et nationales. Avec ses nouvelles responsabilités interprofessionnelles, il fut élu au congrès confédéral d’Annecy en 1976 membre du bureau confédéral national au titre de la Lorraine. Il fut reconduit au congrès de Brest en mai 1979 où il intervint au nom de la Lorraine dans le débat engagé sur le rapport général en affirmant que « la CFDT pouvait avoir une capacité d’autocritique, mais qu’il ne faut pas arracher les pages de l’histoire. N’affirmons pas trop vite que la période précédente fut celle de l’attentisme. Il y a eu des luttes qui ont imposé des reculs : le textile vosgien et la sidérurgie n’existeraient plus depuis dix ans, s’il n’y avait pas eu d’action. Aujourd’hui, malgré la division de la gauche, la CFDT peut jouer un rôle si elle ne s’abandonne pas à la suffisance des donneurs de leçons. »

Militant du Parti socialiste, signataire de la motion du CERES (congrès de Grenoble de juin 1973), Tony Trogrlic fut élu conseiller général socialiste de Meurthe-et-Moselle en 1982 et entra au conseil municipal de Pompey en 1983. Il quitta ses responsabilités à l’URI-CFDT Lorraine, Jean-Paul Othelet lui succéda comme secrétaire général de l’URI Lorraine et fut élu au congrès confédéral de Metz en mai 1982 pour faire partie du bureau confédéral au titre de la Lorraine.

Engagé dans la campagne des législatives de 1988, Antoine Trogrlic décéda d’une leucémie le 24 juillet 1988. Un prix portant son nom a été créé dans le cadre des Trophées de l’économie citoyenne et solidaire, mis en œuvre par le conseil général de Meurthe-et-Moselle. Il est décerné à tout individu résidant en Meurthe-et-Moselle qui, par son action dans l’année, a marqué la vie du territoire.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article184919, notice TROGRLIC Antoine dit Tony par Jean Limonet, version mise en ligne le 7 septembre 2016, dernière modification le 19 mars 2022.

Par Jean Limonet

ŒUVRE : La Lorraine dans la tête, URI-CFDT Lorraine 1989.

SOURCES : Archives confédérales et interfédérales CFTC-CFDT. — Arch. Nat., 19890523/14. — FNESER, Annuaire des conseillers généraux socialistes, 1982, 1985. — Laetitia de Warren, L’emploi au cœur, l’histoire de la CFDT sidérurgie Lorraine, Woippy, Éditions Serpenoise, 2009. — Notes de Jean-Marie Conraud, de Gilles Morin.

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