VITTORI François-Antoine [alias "commandant Marc"]

Par Hélène Chaubin

Né le 21 novembre 1910 à Poggio Mezzana (Haute-Corse), mort le 16 novembre 1996 à Aubin (Aveyron) ; comptable ; militant communiste dès 1927 ; combattant en Espagne dans les Brigades internationales de 1936 à 1938 ; résistant FTPF, chef du maquis d’Ols (Aveyron) ; engagé dans la campagne des Vosges à partir d’octobre 1944.

François-Antoine Vittori
François-Antoine Vittori
Première de couverture de son livre (op. cit.)
collection Hélène Chaubin

François-Antoine Vittori était le fils d’un instituteur de Porri, Ange-François Vittori, maire de la commune jusqu’en 1966, et de son épouse Angèle Valentini. Il était le sixième d’une fratrie de 10 enfants dont 5 frères : l’un d’eux était Antoine-François, avec lequel il a été parfois confondu malgré les 8 ans qui les séparaient et les surnoms qui les distinguèrent dans la Résistance : pour lui, « Commandant Marc » et pour son frère aîné, « Capitaine Rémy ». En famille, on le surnommait « Bébé » et on appelait couramment son frère « François ». Les autres étaient Aurèle, Damien et Paul. Tous étaient communistes. Pour sa part, François-Antoine adhéra en 1927 aux Jeunesses communistes.
Il reçut à Bastia une formation en comptabilité et alla travailler à Marseille chez un pâtissier. Il y resta un militant communiste. En 1936, il s’engagea, comme deux de ses frères, Antoine-François et Aurèle, dans les Brigades internationales. Il appartenait à la XIVe Brigade, la « Marseillaise ». Il suivit l’école des cadres pendant cette période. En Espagne, il rencontra une jeune fille, Marie, arrivée de Paris avec son père qui était d’origine espagnole et voulait combattre pour la République. Marie et François-Antoine eurent un enfant né en novembre 1938 à Barcelone et auquel on donna le prénom d’Aurèle, son oncle, tué le 17 octobre 1937 à Cuesta de la Reina.
Après la dissolution des Brigades internationales en septembre 1938, les deux frères revinrent en France. François-Antoine, en 1939, travaillait à l’Arsenal de Toulon (Var). Ses activités communistes devenues clandestines depuis la dissolution du parti en septembre 1939, lui valurent d’être arrêté le 15 février 1940, incarcéré successivement à Marseille, Nice et Toulon avant d’être transféré à la prison militaire de Villefranche-de-Rouergue (Aveyron). Il en sortit le 14 août 1943 deux jours avant la date prévue pour sa libération. A la faveur d’une simple permission, il put choisir de ne pas retourner dans cette prison : il craignait à juste titre d’être interpellé par la police dès sa libération, puis interné dans le camp de Saint-Sulpice-la-Pointe. Il entra alors en clandestinité avec l’aide de la Résistance locale. Il se cacha dans la petite commune aveyronnaise de Saint-Salvadou et multiplia les contacts avec des résistants locaux.
C’est en août 1943 que la région FTPF D2 décida de créer un maquis dans le Rouergue. Pour choisir son emplacement, Georges Delcamp, membre du triangle de direction des FTPF de Toulouse, se rendit en Aveyron et, avec François Vittori, choisit le lieu d’implantation : ce fut le village d’Ambeyrac. L’instituteur était François Marty, naguère en poste à Saint-Feliu-d’Amont dans les Pyrénées-Orientales. Il avait été muté d’office par Vichy. Il facilita les premières prises de contact. Puis il fallut consolider le réseau de résistants jusque-là isolés, prévoir hébergements et nourriture. Tout cela fut réalisé en janvier et février 1944. François-Antoine Vittori a raconté la genèse du maquis dans des mémoires écrites en 1945 et rassemblées dans un opuscule intitulé : « Le Maquis d’Ols » qui fut édité en 2004 par les soins de Louis Odru.
La région FTPF confia à ce maquis une première mission : libérer les patriotes internés dans la prison de Villefranche, là même où Vittori avait été interné. L’action fut préparée en présence du Colonel Delcamp (ex-Greno-Arval). Antoine-François Vittori la conduisit. Elle échoua parce que l’un des hommes provoqua accidentellement un court-circuit qui alerta les gardiens. Puis le maquis se développa, d’abord avec l’apport d’un autre groupe venu de Saint-Affrique (Aveyron) puis avec l’arrivée de réfractaires venus en train jusqu’à Capdenac (Aveyron) : il fallait les conduire jusqu’à Ambeyrac au prix de longues marches et en évitant les convois allemands. Le maquis ne disposait encore que de six vieux revolvers. Il se ravitaillait grâce au maire d’Ols (Aveyron), monsieur Solery, et à son épouse Paulette qui devient agent de liaison. Ols est un petit village situé à 6 km d’Ambeyrac. Une action commando sur un dépôt de matériel allemand à Villefranche assura les besoins essentiels du maquis d’Ols qui prit le nom de Dominique-Vincetti, un résistant corse abattu en août 1943 par les Chemises noires à Casta (Haute-Corse), et qui avait été lui aussi membre des Brigades internationales.
Les maquisards pourtant dépourvus d’armes et d’explosifs entreprirent des sabotages sur les voies ferrées, en particulier pour interrompre les livraisons aux Allemands du charbon de Decazeville. Ils récupéraient des fusils chez les paysans mais attendaient en vain des parachutages. Ils firent des échanges armes/benzol (benzol récupéré sur une usine de Decazeville) avec des groupes AS plus favorisés : Cependant après le passage du major Mac Pherson, chef de l’équipe Jedburgh « Quinine », ils reçurent enfin en juillet 1944 mitrailleuses, mitraillettes et munitions. Ils avaient une imprimerie clandestine qui publiait leur journal. Le Libérateur . De nombreuses jeunes recrues arrivaient au maquis depuis le débarquement du 6 juin. Le 14 juillet 1944, les maquisards appuyèrent une grève insurrectionnelle des mineurs du bassin de Carmaux (Tarn). Dans l’affrontement avec les Allemands, ils perdirent 5 hommes dont 2 tués et 3 blessés. Pour sa belle conduite, François Vittori fut nommé commandant du bataillon. Les 24 et 25 juillet, ils attaquèrent une colonne blindée allemande en route vers Albi. Il s’agissait de tendre une embuscade au nord de Gelle, au pont de la Madeleine, en jonction avec des maquisards du Lot. Le groupe d’Ambeyrac perdit 25 hommes. Quand le débarquement en Provence et la retraite allemande arrivèrent, le maquis Vincetti comptait plus de 650 combattants. Ils réussirent à libérer Carmaux (Tarn) puis Albi (Tarn) le 23 août, avec le maquis AS Stalingrad. Ils arrivèrent à Rodez (Aveyron) après le départ des Allemands. Le maquis d’Ols avait perdu à cette date 52 hommes.
Le commandant Marc voulait continuer la lutte contre les Allemands. Il s’impliqua dans la formation du 1er bataillon FTPF de l’Aveyron. Il en fut le Commissaire militaire, son ami Odru dit « Curie » le Commissaire aux effectifs et Fabre dit « Granier » le Commissaire technique. Les 6 et 7 septembre ils partirent en direction d’Autun. Ils rejoignirent la colonne du sud-ouest du colonel Schneider puis furent cantonnés près de Dijon (Côte d’Or) jusqu’au 14 octobre dans l’attente de l’incorporation à la 1e Armée. C’était la période du difficile « amalgame » entre les résistants de l’intérieur et les militaires venus d’Algérie. François Vittori et ses hommes firent la campagne des Vosges avec la 3e D.I.A. puis la 2e D.I.M. pendant le terrible hiver 1944-1945. 13 hommes furent tués. Ce bataillon FFI réussit à rester en un corps unique. Les succès de François Vittori dans la conquête des cols vosgiens lui valurent la croix de guerre avec la citation suivante : « Chef plein d’allant, donnant à son unité une remarquable impulsion. Le 4 décembre, en dépit de la médiocrité des moyens matériels dont il disposait et au cours d’une violente tempête de neige, a occupé le col du Bramont par une audacieuse poussée en avant, apportant ainsi une contribution très importante à la manœuvre du groupement ». En février 1945, Vittori commandait 464 hommes. Le « Bataillon Marc » fut incorporé le 20 février au 151e RI. Le 31 mars 1945, il franchit le Rhin, au prix de 5 jours de combats meurtriers pour créer la tête de pont de Germersheim non loin de Mannheim. . « Ce succès, acquis de haute lutte et après des péripéties angoissantes, a exigé une somme d’héroïsme difficile à exprimer. […] Les merveilleux petits gars, FFI de la veille, ont passé » : ce sont les mots du général de Lattre de Tassigny dans son récit du passage du Rhin par la 1e armée. Ces mineurs de Carmaux et de Decazeville, ces paysans du Rouergue, prirent donc pied au pays de Bade et allèrent ensuite jusqu’au Danube. Ils avaient encore perdu 33 d’entre eux.
François-Antoine Vittori fut démobilisé en décembre 1945. Il reprit son travail de pâtissier, d’abord à Marseille puis dès 1946 dans l’Aveyron, à Montbazens où il vécut dix ans avec son épouse. Ils eurent deux filles, l’une (Marie-José) en 1948, l’autre (Renée) en 1951. Il restait un militant communiste actif. Très attaché à la mémoire de la Résistance, il participa à l’érection du monument de Gelles dédié au souvenir des FTPF morts lors de ce combat. En 1956 il s’installa avec sa famille à Aubin, une commune proche de Decazeville, où il poursuivit une activité communiste militante. Il y créa une section de l’ANACR et organisa des rencontres entre les anciens résistants et les scolaires. Il s’y trouvait au cœur de la région minière où il avait recruté ses camarades pendant l’occupation et qui fut, entre décembre 1961 et février 1962, l’épicentre de grèves parties des mines de Decazeville et aboutissant à une véritable grève générale dans l’Aveyron. François-Antoine Vittori demeura à Aubin jusqu’à sa mort.
« François Vittori, le Commandant Marc, a été fait Chevalier de la Légion d’honneur (citation à l’ordre de l’armée), croix de guerre, avec étoile vermeil (citation à l’ordre de l’armée), Croix de guerre, avec étoile de bronze (citation à l’ordre de la brigade), médaille de la Résistance ». (Marie-José Augey)

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article184928, notice VITTORI François-Antoine [alias "commandant Marc"] par Hélène Chaubin, version mise en ligne le 7 septembre 2016, dernière modification le 7 juillet 2020.

Par Hélène Chaubin

François-Antoine Vittori
François-Antoine Vittori
Première de couverture de son livre (op. cit.)
collection Hélène Chaubin
Monument commémoratif des combats de Gelles, 24 et 25 juillet 1944
Monument commémoratif des combats de Gelles, 24 et 25 juillet 1944
Quatrième de couverture du livre de François-Antoine Vittori (op. cit.).
Le maquis d’Ols appuyé par un groupe franc AS de Capdenac prit part à ce combat contre des éléments de la 11e DB allemande.
Le monument fut inauguré en 1947.
Collection Hélène Chaubin

ŒUVRE : François-Antoine Vittori, Le Maquis d’Ols, de l’Aveyron au Danube, Francs-tireurs et partisans français, Decazeville, 2004, 75 p.

SOURCES : François Testas, « Le Maquis d’Ols », Colloque de Millau, octobre 1998, De la Libération de l’Aveyron à la Libération de la France, pp. 103-125. — Louis Érignac, Louis Odru, François Testas, « Maquis FTP en Aveyron », Colloque de Rodez, L’Aveyron 1939-1945, mars 1995, pp. 40-52. — André Souyris-Rolland, Les volontaires FFI du Languedoc-Roussillon, Actes du Colloque de Montpellier, 1996, 255 p. — Général Jean de Lattre de Tassigny, Histoire de la première armée française, Rhin et Danube, Plon 1949. — Rolande Trempé, « La grève des mineurs de Decazeville », in Économie et société en Languedoc-Roussillon de 1789 à nos jours, Centre d’Histoire contemporaine du Languedoc méditerranéen et du Roussillon, Université Paul-Valéry, Montpellier, 1978, pp. 295-320. — Notice DBMOMF, 4e partie. — Entretiens avec Marie-José Augey-Vittori, fille de François-Antoine Vittori.
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