Par Alain Dalançon
Né le 18 décembre 1905 à Toulouse (Haute-Garonne), mort le 20 décembre 1991 à Perpignan (Pyrénées-Orientales) ; professeur agrégé de sciences naturelles puis inspecteur général de l’Education nationale ; militant syndicaliste du SNALCC puis du SNES, membre du bureau national (1944-1951), secrétaire de la commission pédagogique et secrétaire général adjoint (1946-1951).
Son père, Louis, Amédée, Raoul Campan (né le 26 août 1866 à Menville (Haute-Garonne), mort le 5 mai 1938 à Toulouse), fils d’un menuisier-ébéniste, instituteur à Toulouse, militait dans les associations d’instituteurs, et était élu au Conseil départemental. Franc maçon, militant influencé par les idées du solidarisme, il s’opposa pendant des années (de 1902 à 1915), y compris devant les tribunaux, aux dirigeants de la Société contre les accidents et la diffamation, soutenus par L’École laïque, et fonda en 1903 une société de secours mutuels, à l’origine de l’Autonome de solidarité laïque. Sa mère, Marie Larrieu, née le 28 février 1880 à Menville, était sans profession. Ils s’étaient mariés à Toulouse, le 7 février 1905. Un frère, Louis, Germain, naquit le 19 juin 1911 et devint médecin aux hôpitaux de Toulouse.
Jean-Louis, Firmin Campan effectua à la faculté des sciences de Toulouse de solides études de sciences naturelles, discipline à laquelle son père portait beaucoup d’intérêt. Il acheva son service militaire comme sous-lieutenant de réserve dans l’artillerie, puis épousa le 15 juillet 1931 à Pamiers (Ariège), Henriette Carrandié, avec laquelle il eut une fille et deux garçons.
Après avoir été reçu second à l’agrégation de sciences naturelles en 1932, Firmin Campan fut nommé au lycée Faidherbe de Lille (Nord) en 1933-1934, puis intégra le cadre parisien au lycée Lakanal de Sceaux en 1937-1938, où il installa les locaux de sciences naturelles. Enfin il enseigna au lycée Saint-Louis de Paris de 1944 à 1952, succédant à Albert Obré, devenu inspecteur général.
Militant du Syndicat national des professeurs de lycée de garçons et du personnel de l’enseignement secondaire féminin dans les années 1930, il opta pour rester au Syndicat national autonome des lycées, collèges et cours secondaires après la scission de 1937, et était membre du bureau et de la commission pédagogique en 1939.
Lieutenant de réserve dans l’artillerie depuis 1934, il fut mobilisé en 1939-1940. À la Libération, Firmin Campan fut un des fondateurs du Syndicat national de l’enseignement secondaire (affilié à la Fédération générale de l’enseignement-CGT). Membre du bureau provisoire en 1944, désigné secrétaire de la catégorie des agrégés, il était membre des commissions corporative et de la presse. Membre titulaire de la commission exécutive de 1944 à 1948, il fut secrétaire général adjoint de 1946 à 1948, chargé entre autres responsabilités de la commission de la France d’Outre-mer en 1947-1948. En 1948, partisan de l’autonomie, il resta très discret dans les débats internes du SNES et de la FEN et fut élu au titre de la liste « A », membre de la commission administrative nationale du syndicat, siège qu’il continua d’occuper dans le SNES (classique et moderne) de 1949 à 1951-1952, date à laquelle il devint inspecteur général.
Firmin Campan siégeait en même temps dans les différentes instances consultatives nationales au titre du SNES. Désigné en 1945 membre titulaire du Comité consultatif pour l’enseignement masculin secondaire, puis en 1946 membre permanent des représentants des professeurs de lycées de garçons dans ce comité, il participa ensuite au Conseil de l’Enseignement de second degré pour l’enseignement masculin de 1946 à 1952, en tant que suppléant d’abord, puis élu titulaire à partir de 1950. Lors des premières élections aux commissions administratives paritaires nationales en 1948, il fut élu suppléant à celle des agrégés sur la liste présentée par le SNES-FEN. Dans la FEN, il fut membre de la commission administrative nationale provisoire en 1945, puis suppléant de la CA en 1950 et membre de sa commission pédagogique la même année. Il occupa surtout le poste très important de secrétaire de la commission pédagogique du SNES de 1946 à 1951. À ce titre, il joua un rôle éminent dans la mise au point de la doctrine du syndicat concernant la réforme du second degré, la pédagogie et la formation de ses maîtres au cours de cette période. En outre, il écrivit des articles dans L’Ecole libératrice en 1946-1947 sous le titre, « Les sciences au Cours complémentaire ».
Se référant à Durkheim, Firmin Campan définissait, en juin 1947, ce que devait être l’humanisme dans l’enseignement secondaire, en montrant que les travaux de la commission Langevin-Wallon se situaient dans cette continuité. Cet enseignement secondaire ne devait plus, selon lui, s’en tenir à privilégier les humanités classiques (qui gardaient cependant toute leur valeur) mais s’ouvrir plus largement aux mathématiques, sciences physiques, sciences naturelles, sciences humaines. Dans cet esprit, il avait écrit en 1946 avec Pierre George, une plaquette publiée aux éditions SUDEL : Milieu naturel, milieu humain. Les sciences naturelles et la géographie selon l’esprit de la réforme de l’enseignement.
Firmin Campan souhaitait également réformer la pédagogie, rejeter le dogmatisme de l’enseignement ex cathedra et adopter au contraire une pédagogie « suivant le mouvement même de la pensée scientifique », montrant que le « savoir est une conquête », qu’il fallait faire entreprendre à l’élève. Il accueillit dans la tribune libre de l’Université Syndicaliste de nombreux points de vue de professeurs relatant des expériences nouvelles. Il en profita pour développer ses conceptions de l’enseignement des sciences naturelles, notamment dans la classe de 6e. Il écrivit aux éditions SUDEL, avec son frère, médecin, Louis Campan, un ouvrage de 254 pages, s’adressant surtout aux enseignantes sous le titre Puériculture infantile. Pierrette Rouquet, dans son compte rendu de L’Ecole libératrice, le 16 novembre 1950, vantait, dans sa conclusion, les mérites de cet ouvrage pour le corps enseignant « soucieux avant tout de la qualité de l’enfant en qui chaque éducateur voit l’homme de demain ».
Firmin Campan fut en outre secrétaire de la commission pédagogique de l’Union des syndicats du second degré qui prévoyait la fusion du SNES, du Syndicat national des collèges modernes et du Syndicat national de l’enseignement technique dans la FEN et qui fonctionna jusqu’en 1948. Il essaya de favoriser des positions communes entre ces syndicats du second degré et avec le Syndicat national des instituteurs à l’intérieur de la FEN. Pour proposer une « contribution à la recherche d’une solution » à la divergence de vues entre le SNES et le SNI sur la question de l’école moyenne, il fut à l’origine d’une grande enquête du SNES sur les cours complémentaires en 1951, suivie d’un rapport adopté à l’unanimité par le congrès national. Il y montrait le succès de ces établissements auprès des parents d’élèves aux moyens modestes, l’attrait des méthodes pédagogiques empruntées aux écoles primaires supérieures, davantage tournées vers la vie et regrettait qu’« on n’ait pas organisé dans le second cycle du second degré des sections suffisamment variées pour répondre aux aptitudes variées des enfants ». Dans le cadre de la réforme générale de l’enseignement, conforme au plan Langevin Wallon et au projet voté à l’unanimité par le congrès de la FEN en 1950, il considérait qu’il « était raisonnable et possible d’amalgamer et de faire collaborer étroitement les CC et les établissements du second degré ». Sans parler de filières, il estimait que les CC devaient continuer à recevoir des enfants désireux de ne pas poursuivre des études longues ou inaptes à poursuivre de telles études, que leurs meilleurs élèves devraient pouvoir être plus facilement accueillis dans le second cycle au niveau de la seconde et dans n’importe quelle section, avec les rattrapages nécessaires, dans des sections nouvelles, A’, C’, M’ (projet déjà voté au congrès de 1950).
Firmin Campan estimait que les études de second degré n’étaient pas une fin en soi mais qu’elles devaient préparer aux études supérieures. Dès le congrès du SNES de 1946, il fit voter une motion demandant la mise en place de classes de propédeutique dans les lycées, distinctes des classes préparatoires aux grandes écoles, où enseigneraient les professeurs agrégés. Il défendit en même temps le maintien et le développement des CPGE, en demandant l’élargissement de leurs débouchés et des équivalences de diplôme pour entrer en licence ou en faculté de médecine. Les décrets d’août 1948, de mars 1950 et de juillet 1951, organisant la propédeutique comme premier cycle de l’enseignement supérieur, le congrès du SNES de 1951 maintint sa demande de création de classes de lettres et de mathématiques supérieures dans les lycées importants, assimilées à des classes de propédeutique, pour la formation des futurs agrégés et certifiés, en attendant la création d’écoles normales supérieures régionales de formation des maîtres.
Firmin Campan milita pour la rénovation profonde de cette formation, en demandant une formation pédagogique pour tous les maîtres, y compris pour les agrégés. Mais il fut de ceux qui s’opposèrent à la première version du certificat d’aptitude à l’enseignement secondaire de 1950-1951, qui prévoyait un concours ouvert seulement à des personnels licenciés enseignant déjà, commençant par des épreuves pratiques et se terminant par des épreuves théoriques. À son congrès de 1951, le SNES opposa le principe des concours des agrégations (ouverts aux titulaires de la licence et du diplôme d’études supérieures) et des certificats d’aptitude (ouverts aux titulaires de la licence) comprenant deux parties : une théorique, garantissant le niveau de la formation scientifique, une seconde pratique, garantissant les qualités professionnelles, le succès à la première devant précéder celui à la seconde ; ce projet allait de pair avec la création d’écoles normales supérieures régionales, accueillant, après concours, des élèves qui recevraient leur formation scientifique dans les facultés mais aussi des stagiaires admis à la partie théorique des concours de recrutement du CAPES et de l’agrégation. Dans ces ENS, seraient organisés différents exercices de stages avec le concours de maîtres de l’enseignement supérieur et de l’enseignement de second degré, auxquels s’adjoindraient des agrégés-répétiteurs, ayant un service réduit d’enseignement dans un établissement de second degré, les stagiaires bénéficiant de leur côté d’un traitement. Ce projet constitua la base des revendications ultérieures du SNES jusque dans les années 1970. Le SNES obtint partiellement satisfaction sur un point, avec la création du CAPES nouveau régime par le décret du 17 janvier 1952.
Membre de la Société des agrégés, Firmin Campan était aussi le secrétaire général de l’Union des Naturalistes regroupant les professeurs de sciences naturelles depuis 1911, qui devint l’Association des professeurs de biologie géologie. En 1951, il fallut remplacer un inspecteur général parti à la retraite. Deux postulants s’imposaient dont Campan. Ils furent nommés en octobre 1951 chargés de mission. Quelques mois après, son collègue choisissant de retourner dans l’enseignement secondaire, Firmin Campan, jusqu’alors chargé de mettre en place l’organisation des centres pédagogiques régionaux et du certificat d’aptitude au professorat d’enseignement de second degré, fut nommé inspecteur général de l’Enseignement de second degré.
Il fut le rédacteur de la brochure Recrutement et formation des maîtres, préfacée par le directeur du second degré, Charles Brunold, qui exposait la position ministérielle sur le sujet. Dans la commission ministérielle sur la formation des maîtres présidée par le recteur Paulhan au début des années 1970, Campan demanda que l’on revienne à l’esprit du CAPES que le SNES avait proposé au début des années 1950 et dont il avait été un des principaux artisans. Plus tard, il participa aux travaux de la commission dirigée par le recteur Bancel qui déboucha sur la création des instituts universitaires de formation des maîtres.
Il effectua une mission en Tunisie en 1963 pour l’organisation de l’enseignement secondaire ; en tant que consultant de l’UNESCO dans ce pays, il fit un rapport en 1967 pour rendre compte d’une mission d’évaluation.
Devenu doyen de l’inspection générale au milieu des années 1960, il joua « un rôle décisif » (R. Larue) dans la définition des programmes d’enseignement des lycées en 1965, puis inspira la circulaire qui, le 17 octobre 1968, introduisait un enseignement thématique en classe de 6e avec des sorties obligatoires sur le terrain et transformait l’enseignement de la biologie selon les conceptions qu’il défendait depuis longtemps en faveur d’une pédagogie nouvelle. Il présenta cette réforme dans un article des Cahiers pédagogiques.
Il dirigea au début des années 1970 une recherche sur « le dialogue et le développement de la personnalité des élèves ».
En outre, il dirigeait avec Albert Obré une collection de manuels scolaires pour tous les niveaux aux éditions Hachette.
Il fut également président du jury du CAPES en sciences naturelles de 1951 à 1964, vice-président puis président du jury de l’agrégation de 1965 à 1975.
Après voir habité à Bourg-la-Reine (Seine, Hauts-de-Seine), 11 avenue Beauséjour, Firmin Campan résida avec sa famille à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine), 18 rue Camille Pelletan, de 1952 à 1991, et décéda à Perpignan, où il se retirait de plus en plus souvent, rue du Jardin d’enfants.
Par Alain Dalançon
OEUVRE : Outre les manuels de sciences naturelles, avec le Dr Louis Campan (son frère) et Georges Brouardel, Mamans, ayez de beaux enfants : Conseils pratiques de puériculture, Lutèce, 1948.
SOURCES : Arch. Nat., F17 17820, 25242. — Arch. FEN, ANMT (L. Frajerman). — Arch. IRHSES (dont Congrès, CA et L’Université syndicaliste). — JO lois et décrets, 29/01/1909, 29/03/1931, 30/07/1934. — La Dépèche du Midi, nombreux articles entre 1902 et 1915. — État civil en ligne de Toulouse et Haute-Garonne. — Robert Larue, « Entre histoire naturelle et sciences de la nature », in J.-P. Rioux (sous la direction de), Deux cents ans d’Inspection générale 1802-2002, Paris, Fayard, 2002. — Nicole Hulin, Sciences naturelles et formation de l’esprit. Autour de la réforme de l’enseignement de 1902, PU du Septentrion, 2002. — Dominique Lerch, L’enseignant et les risques de son métier. Un siècle d’histoire associative : l’Autonome de Solidarité, 1903, Sudel, 2003. — Renseignements fournis par Arnaud Somveille. — Notes de Jacques Girault.