VALLEUR Albert [Dictionnaire Algérie]

Par Jean-Louis Planche

Né à Sidi-Bel-Abbès (Algérie) le 6 avril 1882, mort à Tlemcen le 13 mai 1963 ; instituteur puis avocat, faisant ensuite une carrière d’administrateur colonial et de préfet ; radical-socialiste passant à la SFIO, conseiller général de Tlemcen (1926-1945), vice-président du Conseil général, maire de Tlemcen (1928-1940 et en 1945) ; auteur du plan de réformes repris par le général De Gaulle dans l’ordonnance du 8 mars 1944 ; élu de droite, Républicain indépendant, en 1948, à l’Assemblée algérienne où il siège jusqu’à sa dissolution durant la guerre d’indépendance.

Né d’un père gendarme français en Algérie (Jean Nicolas Valleur,né à Vesoul en 1830, marié en Algérie à Bouzaréa en 1865 à Catalina Piris, originaire de Ciudadela à Minorque), cadet d’une fratrie de sept enfants, Albert Valleur ne fut scolarisé qu’à l’âge de 8 ans. D’abord ouvrier agricole chez un colon, puis soutenu par un de ses frères qui lui envoie de l’argent, il reprit ses études, obtint une bourse, devint instituteur, puis, docteur en droit, avocat, administrateur de commune mixte, sous-préfet, propriétaire-viticulteur.
Albert Valleur épousa à Bréa (Algérie) le 29 février 1908 Lucie Lacoste, née le 19 octobre 1887 à Bréa, fille de Joseph Lacoste, propriétaire à Bréal. Le couple a eu deux enfants, Alberte Valleur née le 27 juin 1909 à Tlemcen, futur professeur agrégée de Lettres, et Francis Valleur né le 19 mars 1911 à Bréa, futur avocat.
Lucie Eugénie Lacoste, première épouse d’Albert Valleur, décéda le 25 septembre 1945 à Tlemcen. Albert Valleur, veuf, se remaria le 6 décembre 1948 à Tlemcen avec Jeanne Longa, elle-même veuve de Abel Abeilhé, vétérinaire et homme politique, adjoint et suppléant d’Albert Valleur à la mairie pendant de nombreuses années . Jeanne Longa était née le 23 février 1889 à Monguilhem dans le Gers, elle décéda le 30 septembre 1983 à Saint-Jean près de Toulouse.


En disponibilité en 1926, Albert Valleur prit sa retraite en 1934 avec le grade de préfet honoraire. Diplômé d’arabe et de kabyle, il se passionna pour le droit musulman, les concerts de musique andalouse et l’art mauresque.
Radical socialiste, franc-maçon, Albert Valleur est un excellent exemple de ces élus qui, au départ cooptés par des notables, ont su s’accommoder du système des partis qui se met en place en Algérie dans les années 1930. Franc-maçon, il refusa et combattit l’antisémitisme ; il fut soutenu par des électeurs juifs qui à Tlemcen, totalisaient le 1/3 du corps électoral, et attire par là les voix socialistes SFIO, en compétition cependant avec le socialiste Raymond Blanc pour qui votaient les juifs pauvres, les plus nombreux. Arabisant, il avait aussi beaucoup d’amis parmi les notables musulmans ; il fut proche de cheikh Brahimi,représentant de l’Association des Oulémas, ce qui lui donna un poids certain jusque dans les campagnes, où il avait de solides appuis parmi les caïds, les chefs de zaouïas et les présidents de djemaa. Sa villa de style néo-mauresque fut l’une des plus belles de la ville. Amateur de musique andalouse, il assistait régulièrement aux concerts privés qui se donnaient en ville et alentours. Il entra, dès sa création fin 1935, comme « honorable correspondant » au Centre d’Information et d’Étude (C.I.E.), le service de renseignement créé par la Direction des Affaires indigènes au Gouvernement général avec l’aide de l’armée.
Candidat aux élections législatives de 1936 sous l’étiquette Union Socialiste et Républicaine à laquelle il venait d’adhérer, il fut battu de peu au second tour pour n’avoir pas manifesté un engagement assez ferme en faveur du Front populaire, ce qui gêna le report des voix communistes et socialistes sur son nom, l’antisémitisme des colons confortant sa défaite. Refusant en 1940 de se rallier au régime de Vichy, il fut démis de ses fonctions de maire et étroitement surveillé.
Nommé à l’Assemblée consultative provisoire (1943-1945) pour y représenter les Français d’Algérie, il participa activement à la Commission des réformes que présidait le général Catroux et qui siège de décembre 1943 à juillet 1944 à Alger, puis à Paris en tant que Commission permanente de coordination des Affaires musulmanes. Le « projet Valleur » que celle-ci adopta, fin janvier 1944, fut repris à peu près intégralement par l’ordonnance signée par le général De Gaulle le 7 mars 1944 qui accordait la citoyenneté française à tous les Musulmans, avec maintien de leur statut personnel, tout en instituant deux collèges qui font des « indigènes musulmans », des citoyens subalternes en assurant le maintien d’une prépondérance coloniale.
Rétabli dans ses fonctions de maire (délégation spéciale), membre du Cabinet civil du Gouverneur général Chataigneau, socialiste SFIO, qui l’associe étroitement à sa politique musulmane, il est chargé, à la Direction des Affaires musulmanes du Gouvernement général, de contrôler l’application effective des réformes, et de surveiller le directeur, Augustin Berque, jusqu’au départ de celui-ci à la retraite dans l’été 1945. En même temps, il soutint activement l’épuration que mène dans le département d’Oran le préfet Pompéï, un gaulliste intransigeant.
En 1948, glissant à droite et défendant l’Algérie française, il se présenta aux élections à l’Assemblée algérienne, sous l’étiquette du parti Républicain indépendant ; il fut élu et réélu en 1954. Il décéda Tlemcen en 1963.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article184965, notice VALLEUR Albert [Dictionnaire Algérie] par Jean-Louis Planche, version mise en ligne le 8 septembre 2016, dernière modification le 8 décembre 2022.

Par Jean-Louis Planche

Albert Valleur et sa femme à Vichy en 1953.
Clichés fournis par Colette Perrin.

SOURCES : Entretiens avec Paul Schmitt*, réalisés par J.-L. Planche et Abderrahim Taleb-Bendiab, 1989-1990. – Arch. d’Outre-Mer, Aix-en-Provence, E 194 et 195, 7G 31 et 11H 60. –- Henri Lerner Catroux, Albin Michel, Paris, 1990. — Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La France Libre, Gallimard, Paris, 1996. — Jacques Cantier, L’Algérie sous le régime de Vichy, Université de Toulouse-Le Mirail, thèse d’Histoire, 1999. — Jean-Louis Planche, Sétif 1945, Perrin, Paris, 2006. — Notes généalogiques de Colette Perrin. — : http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/

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