Par Daniel Grason
Né le 18 septembre 1899 à Einville (Einville-au-Jard) arrondissement de Lunéville (Meurthe et Moselle), mort le 22 août 1944 à Paris (XIIe arr.) ; cultivateur, mineur de saline, gardien de la paix (sous brigadier) ; membre d’un corps franc des F.F.I.
Fils de Émile Régnier, mineur de saline, et de Adeline Potier, repasseuse, Henri Régnier était le deuxième enfant d’une fratrie de huit. Il entra à l’école primaire à six ans, la quitta à onze ans pour travailler aux champs. À quatorze ans il travailla au collège municipal de Lunéville comme garçon de salle. À la déclaration de la Grande Guerre son père et son frère ainé Louis ont été mobilisés. Le second fut tué au combat le 2 mars 1916 dans la Meuse. Il quitta le collège, il en donna la raison dans son autobiographie du 25 mars 1930, il estimait que sa « médiocre paye ne rendant pas grand service à [sa] mère qui avait de la peine à élever [ses] frères et sœurs ». Il devint garçon de restaurant, fut incorporé le 16 avril 1918 au 167e Régiment d’infanterie, qu’il quitta le 20 mars 1921 avec le grade de caporal. Henri Régnier se maria le 31 décembre 1921 à Einville avec Lucie Gabrielle Hene, le couple eut deux enfants, né en mai 1923 et décembre 1925.
À son retour de régiment, dans les pas de son père il travailla comme mineur à la saline Saint-Laurent. Un travail harassant, très physique qui s’effectuait sans casque avec un outillage rudimentaire : une lampe à huile ou au carbure, pics, pelles, pinces, échelles et échafaudages pour forer la paroi… Henri Régnier en portait neuf ans plus tard la marque : « Le travail [était] très pénible, surtout pas très sain et pourtant j’ai travaillé comme je le ferai toujours honnêtement pour élever ma chère petite famille ». Un de ses frères, gardien de la paix lui conseilla de postuler, ce qu’il fit, en espérant « faire une situation à mes enfants dont peut-être je n’aurais jamais pu leur donner si [j’étais] resté dans mon pays natal ».
Le couple Régnier habita 52 rue de Strasbourg à Vincennes (Seine, Val-de-Marne). Il débuta le 19 mars 1930, fut titularisé l’année suivante, affecté au commissariat du XIIe arrondissement. Le 10 octobre 1935 vers 17 heures, une concierge d’un immeuble du boulevard Soult (XIIe arr.) alertait Henri Régnier et son collègue, une démente venait de tirer un coup de revolver sur un voisin sans l’atteindre. Revolver à la main, elle menaçait de « pulvériser » ceux qui approcheraient. Les deux gardiens de la paix, non sans risque la maîtrisèrent. Pour leur bravoure, tous les deux furent décorés de la médaille de bronze de la police municipale.
Bien noté par sa hiérarchie, Henri Régnier n’exprimait aucun souhait de promotion. Il demanda le 23 septembre 1943 le remplacement de sa paire de chaussures, écrivant « par temps de pluie, j’ai les pieds à l’humidité, le dessous des chaussures étant craquelé et fendu tout le long de la semelle ». Le cordonnier lui avait signifié qu’il ne voulait « plus les raccommoder ». Il obtint satisfaction une semaine plus tard.
Le 22 août 1944 avec d’autres combattants gardiens de la paix et du groupe Tante Jeanne composé de cheminots de la gare de Lyon, de Bercy, du dépôt du Charolais, Henri Régnier et ses camarades recevait pour mission de faire prisonnier un groupe de soldats allemands qui passait porte de Charenton. Les allemands levèrent les bras et se rendaient. Stratagème ou hasard ? Un camion allemand qui passait sur les boulevards extérieurs, tira à la mitrailleuse. Grièvement blessé par une balle, il fut emmené à l’Hôpital Rothschild rue de Santerre (XIIe arr.), il y mourut le jour même.
Son inhumation se déroula le 26 août 1944 au nouveau cimetière de Vincennes à Fontenay-sous-Bois. À la hauteur du 203 avenue de Charenton (XIIe arr.) sur le terre-plein une stèle a été posée avec en épitaphe : « Ici des Français sont tombés pendant les glorieuses journées de la libération pour que vive la France - Août 1944 ». Neuf noms ont été gravés : Marius Delcher, Robert Jégou, Louis Ladet, Albert Maderon , Jules Moureau, Paul Pégart, Henri Régnier, Maurice Salomez, Simon Theureau.
Le nom de Henri Régnier a été gravé sur la plaque de marbre à l’entrée du commissariat de XIIe arrondissement 76 avenue Daumesnil dédiée : « À la mémoire des gardiens de la paix du 12e arr. morts pour la Libération de Paris » aux côtés de ses collègues Robert Jégou, Simon Theureau, Paul Pégart et Louis Ladet tués dans les mêmes circonstances, sur le monument aux morts et la plaque posée en mairie de Saint-Maur-des-Fossés, ainsi que sur la liste des policiers tués lors de la Libération de Paris au Musée de la police 4 rue de la Montagne Sainte-Geneviève à Paris (Ve arr.).
Le ministère des Anciens combattants attribua à Henri Régnier la mention « Mort pour la France », il a été homologué F.F.I., membre de la Résistance Intérieure Française (R.I.F.) du 1er septembre 1942 au 22 août 1944.
Par Daniel Grason
SOURCES : Arch PPo. KC 31 (notes transmises par Christian Chevandier). – SHD, Caen AC 21 P 141488. – Bureau Résistance GR 16 P 503539. – Christian Chevandier, Été 44. L’insurrection des policiers de Paris, Éd. Vendémiaire, 2014. – « Au cœur de la Préfecture de Police de la Résistance à la Libération », Sous la dir. de Luc Rudolph, Directeur honoraire des services actifs, Éd. LBM, 2009. – Site le coin des Becs Salés. – Site internet GenWeb. — État civil en ligne cote 2 Mi-EC 174/R 2, vue 114.