ZHOU Xuexiang 周学湘

Par Alain Roux

Né à Yuyao (Zhejiang) en 1897, mort en 1992. Syndicaliste nationaliste actif à Shanghai entre 1927 et 1949.

Dès novembre 1927, Zhou Xuexiang apparaît comme président du syndicat des ouvriers des cigarettes de l’usine chinoise Huacheng. Il apporte le soutien de son syndicat au boycottage des productions de la firme anglaise B.A.T. où se déroule alors une grève restée célèbre (voir Chen Peide (陳培德)). Officiellement homologué par les autorités du G.M.D. et le Bureau des affaires sociales en janvier 1928, le syndicat de la Huacheng est fort de 1 850 adhérents (550 hommes et 1 300 femmes). Il mène deux grèves victorieuses, l’une en août 1928, l’autre en octobre de la même année. Il fait partie des syndicats de Zhabei (faubourg industriel de Shanghai) qui, au printemps 1929, soutiennent la grève des employés des grands magasins Xinxin. Le 1er mai 1929, Zhou Xuexiang est un des quinze syndicalistes de Shanghai qui fondent le « Comité préparatoire du syndicat général — zonggong — de Shanghai ». Fort de cette position qui suppose de bonnes relations avec le gouvernement de Nankin et le G.M.D., Zhou Xuexiang devient (à la mi-mars 1931) président du nouveau syndicat, organisé (d’après la loi sur les syndicats) sur une base territoriale qui regroupe autoritairement toutes les organisations ouvrières des usines de cigarettes du 4e district — (qu) : c’est-à-dire de la partie de Zhabei qui se trouve dans la Concession internationale. Enregistré officiellement le 20 août 1931, ce syndicat compte 2 400 adhérents en activité et 300 syndicalistes en chômage, ouvriers des usines Huacheng, Hexing, Nanyang (voir Tang Junqing (唐俊清)) et B.A.T. (à l’exclusion des ouvriers de l’usine B.A.T. de Pudong (autre quartier de la périphérie industrielle de Shanghai : voir Chen Peide (陳培德)).
Le syndicat gère une école, édite un mensuel, administre un fond d’aide sociale, participe à toutes les campagnes du G.M.D. (comme la collecte pour acheter l’avion de chasse « ouvrier de Shanghai »). En fait Nym Wales nous le présente comme l’exemple même du racket syndical : les racketteurs « ouvriers » qui vivent confortablement de cotisations ouvrières extorquées souvent sous la contrainte, attisent certains conflits afin de soutirer des fonds au patronat, qui récompense leur « médiation ». Beaucoup plus tard, en avril 1948, l’attaché consulaire britannique pour les questions du travail précise de son côté : « Zhou Xuexiang est un dirigeant ouvrier (“labour boss”) qui dirige 60 000 ouvriers du tabac et du textile, lesquels sont membres d’une sorte de société secrète » — le Li She — qu’il anime depuis 1931. Le même rapport précise que Zhou Xuexiang est un « modéré » qui ne témoigne pas de « grandes capacités ». En décembre 1945 l’attaché consulaire américain est moins défavorable : il fait de Zhou un dirigeant ouvrier « connu pour son aptitude à servir de médiateur lors des conflits du travail, et très notoirement lié aux cercles locaux du G.M.D. ».
La carrière de Zhou Xuexiang est conforme à ce que ces précisions laissent supposer : elle se déroule régulièrement, à l’ombre de l’équipe dirigeante liée à Chiang Kai-shek, et, plus précisément, de Lu Jingshi (陸京士), principal responsable de la « clique du C.C. » dans le monde du travail. Mais le parcours est sans éclat : même si Zhou Xuexiang est l’un des rares syndicalistes dont on peut suivre la carrière tout au long de la Décennie de Nankin, et si ses bons rapports avec le pouvoir en même temps que le contrôle occulte qu’il exerce sur une bonne partie des ouvriers de Zhabei font de lui une sorte de permanent du syndicalisme officiel au-dessus du monde plus instable des tout petits dirigeants syndicaux, il n’en joue pas moins les seconds rôles. Le 28 avril 1934, Zhou Xuexiang devient membre du Comité Exécutif du Syndicat général de Shanghai (zonggong). Puis l’année suivante, aux côtés de Zhu Xuefan (朱學範), qui préside le Syndicat général, il devient l’un des dirigeants de l’Association chinoise du travail. Au début de l’occupation japonaise, il est, avec Fan Caicong et Shao Xubai (邵虛白), l’un des trois animateurs (à partir de juillet 1939) de l’« Association pour coordonner les efforts des ouvriers de Shanghai » (gongren xieli hui). Cette association, qu’il préside, lutte contre l’emprise de Wang Jingwei (汪精衛) et des collaborateurs des Japonais sur le mouvement ouvrier shanghaïen voir Fan Yifeng (范一峰) et Zhang Kechang (張克昌)).
Il s’agit d’une organisation secrète qui pratique le renseignement et s’oppose tout autant aux communistes qu’aux « fantoches ». Shao Xubai est assassiné en décembre 1939 et Zhou Xuexiang doit s’enfuir de Shanghai en août 1940. Il reparaît à Shanghai durant l’été 1945 et devient le principal responsable du « Comité pour la réorganisation du Syndicat général de Shanghai » (Zonggong hui zhengli weiyuanhui). Ses fonctions officielles l’amènent à participer en novembre 1946 avec le cheminot Liu Songshan au congrès de l’Organisation internationale du travail à Montréal. En avril 1948, lors du congrès de Nankin, il est élu à la direction de la Fédération panchinoise du travail tout en continuant de présider le Syndicat général de Shanghai. Parallèlement il renforce son emprise sur le monde du travail. Autour du Li She se créent (en mars 1946) un « Comité pour l’amélioration de la vie des ouvriers des cigarettes de Shanghai » (Gongren fuli weiywanhui), qu’il préside ; le « Comité pour la promotion des relations capital travail » (Laozi cujin weiyuanhui), qu’il copréside. Ces deux comités sont liés au « Comité pour l’amélioration de la vie des ouvriers de Shanghai » présidé par Lu Jingshi. Ces diverses associations sont destinées à élargir le recrutement ouvrier du G.M.D. ou même (suivant les adversaires libéraux et communistes des Nationalistes), à former des agents secrets au sein du mouvement ouvrier. Provenant du monde du textile et du tabac de Zhabei, le noyau ouvrier permanent est de 200 membres environ.
Lors du congrès de Harbin qui marque la renaissance du Syndicat général pan-chinois (animé essentiellement par le P.C.C.) en août 1948, Li Lisan (李立三) dénonce Zhou comme « un coquin ouvrier qui vend sa propre classe ». Zhou Xuexiang se réfugie à Taiwan en 1949 où il poursuit ses activités à la tête de la « Ligue des travailleurs de la Chine Libre ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article185414, notice ZHOU Xuexiang 周学湘 par Alain Roux, version mise en ligne le 8 février 2017, dernière modification le 8 février 2017.

Par Alain Roux

SOURCES : Outre R. Barnett (1941). — Ma Chaojun (1959). — Pepper (1978). — Wales (1945), voir : Gedigonghui diaocha zongbaogao (Rapport central d’enquête sur tous les syndicats chinois) (1934). — Shenbao (L’Aurore), 29 mars 1933 ; 30 avril 1934, et les documents d’archives suivants : Archives du B.I.T. (Genève) : RL 13 3 1 : Relations with M. Hsueh fa Chu (Zhu Xuefan) : lettre du 9 mai 1939 de Zhou Xuexiang à Staal ; Archives consulaires américaines de Shanghai pour 1945 (non classées) ; Archives britanniques : F O 371/63 353 (rapport de Hinder E., 5 février 1947), F O 371/69 592 (labour report de Hunt, 13 mars 1948), F O 371/69 593 (labour report de Hunt, 30 avril 1948). — Shanghaishi laogong nianjian (Annuaire du travail de Shanghai), 1948, p. 119, donne la liste des fonctions exercées par Zhou en 1948 et une photographie.

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