DELESSERT Madeleine

Par Anne Bucas-Français, François Ménétrier

Née le 21 juillet 1926 à Neuvecelle (Haute-Savoie), morte le 11 juillet 2018 à Lyon (1er arr.) ; syndicaliste CFTC puis CFDT (Rhône) ; militante du PSU Rhône ; éducatrice de jeunes enfants.

Madeleine Delessert
Madeleine Delessert

Son père qui était Suisse et de sa mère, française, se marièrent à Genève en 1918. La famille paternelle était protestante et famille maternelle catholique. Elle-même se définit comme laïque respectant toutes les religions.
Son père, tapissier décorateur mourut des suites de la première guerre mondiale alors qu’elle avait deux ans. Elle fut élevée par sa mère ainsi que ses cinq frères et sœurs à Thonon. Sa mère travailla après son veuvage dans un orphelinat départemental.

Pour continuer ses études, elle s’installa à Lyon, dans le quartier Saint Georges, en 1944 afin d’y suivre une formation d’éducatrice de jeunes enfants à l’École du service social du sud-est. Elle poursuivit ses études sur plusieurs années –avec de nombreuses interruptions pour causes de maladie- tout en travaillant car c’était des études payantes. Elle milita, dans le cadre des « Bibliothèques pour tous », pour la création d’un rayon livres pour enfants dans la bibliothèque du quartier. Intéressé epar les idées de la Chronique sociale, elle travailla comme étudiante avec Folliet Joseph.
Son diplôme d’éducatrice obtenu, elle participa à la création de plusieurs jardins d’enfants dans différents quartiers de Lyon et notamment le quartier populaire de la Sarra sur un domaine appartenant à des religieuses cloitrées venant d’Alsace.
C’est vers cette époque qu’elle commença une vie de militante syndicale active en tant que « jardinière ». Elle adhéra à la CFTC en 1957 puis à la CFDT en 1964 et suivrit de nombreux stages de formation avec les Écoles normales ouvrières animées en particulier par Marcel Gonin*. Elle contribua à développer, en tant que responsable fédérale, des syndicats CFTC puis CFDT dans toute la France. Ce qui l’a poussa à participer à l’activité syndicale : « un sens des autres, du collectif, de la justice » dans un milieu professionnel non syndiqué. « C’étaient des professions neuves qui sortaient de Vichy et avaient été organisées en organisations professionnelles sans convention collective. Des associations professionnelles centrées sur une idéologie catholique et a-syndicale ».

Au sein du bureau de la Fédération santé sociaux de la CFTC, elle milita dès 1962 pour l’évolution dans le cadre de la tendance Reconstruction. « On a fait en sorte que la Fédération reste à l’intérieur de la CFDT. En 1964, 20/ 25 % des adhérents.es sont restés à la CFTC…c’est un point fort dans l’histoire de ma vie syndicale ».

Permanente syndicale depuis 1960 à l’UD CFTC du Rhône dans une équipe syndicale uniquement composée de « messieurs qui étaient là depuis 25 ans ».
Sous l’impulsion d’Étienne Philibert, alors secrétaire général de l’UD-CFTC du Rhône elle s’engagea avec son organisation syndicale dans de multiples actions de protestation contre la guerre en Algérie. De nombreuses réunions avec des représentants des partis, syndicats et associations se tenaient au siège de l’UD CFTC rue Saint-Polycarpe Elle participa au soutien à toutes les grandes grèves des fonctionnaires, au travail sur les questions de santé avec les étudiants de l’AGEL, des Étudiants socialistes unifiés, les « familiaux » de la CSF qui commençait à se monter à côte de l’UDAF plus bourgeoise.

Ayant la responsabilité du secteur de la Sécurité sociale, elle participa à l’organisation de grande grève interprofessionnelle du 3 décembre 1967 contre les Ordonnances du gouvernement De Gaulle. Au 34e congrès confédéral de la CFDT (9 au 12 novembre 1967), Madeleine Delessert fut désignée, au titre de l’UD du Rhône, comme membre du Conseil confédéral –qui comprenait 44 membres dont seulement trois femmes-.
Dès le début de Mai 1968 », la CFDT du Rhône et ses militants sont particulièrement investies dans les contacts avec des organisations étudiantes (AGEL et Union des grandes écoles, UGE) et avec les premiers mouvements revendicatifs dans les entreprises. Le 46e congrès de l’UD du Rhône CFDT se tint du 17 au 19 mai 1968.
En 1968, toujours permanente de l’UD CFDT du Rhône, Madeleine Delessert assura de nombreuses réunions notamment autour de la préparation et de la sortie du
Journal du Rhône avec d’autres membres du bureau CFDT comme Claude Huissoud*, Elie Depardon. Ce journal était commun à la CFDT, à l’AGEL (association générale des étudiants de Lyon) au PSU du Rhône et de nombreux militants de la CSF, Confédération Syndicale des Familles, y étaient associés. Il y avait dit-elle, « un conseil journalier et une permanence constante 24 heures sur 24h pour collecter, rédiger les articles sur les entreprises et les services en grève, les revendications, ce qui se faisait dans les facultés ».

Le Journal du Rhône, fut pendant plusieurs jours, le seul quotidien à paraître sur Lyon et ce, de son premier le 24 mai 1968, jusqu’au dernier du jeudi 27 juin 1968.
Au Conseil confédéral extraordinaire du 18 mai 1968, elle indiqua « son accord avec l’analyse du Secrétaire général » Eugène Descamp* sur le mouvement étudiant et
lors du Conseil ordinaire des 27 et 28 juin 1968, elle intervint plusieurs fois, notamment pour dénoncer les répressions et les expulsions d’étrangers dans le Rhône ainsi que sur l’action de l’UD du Rhône pour informer la population.
Delessert Madeleine, Huissoud Claude*et P. Breysse participèrent au Comité national CFDT des 27 et 28 septembre 1968 sur les enseignements de mai 1968, sur Grenelle et les suites. Durant sa présence à l’UD, elle s’est particulièrement investie dans la Commission féminine confédérale, notamment avec Jeannette Laot*.

Elle termina son mandat de permanente à l’UD CFDT du Rhône en juin 1970.
Elle suivit ensuite, en 1970-1971, un an de conversion professionnelle à Paris ne pouvant plus reprendre son métier pour des raisons médicales. Elle retrouva un travail à l’École sociale du sud-est là où elle avait été formée quelques années auparavant elle participa à la création d’une section syndicale « ce qui n’avait jamais été vu dans cette boîte ».

Elle fut à l’origine en 1973 de la création, au sein de cette école, du département formation. Elle développa la formation continue issue de la loi Delors du 16 juillet 1971.

Elle adhéra au PSU en 1972-1974, alors qu’elle n’est n’a plus de responsabilité syndicale. Elle consacra une partie importante de son temps militant, d’une part, au secteur Immigré, notamment lors de la grève de la faim de 1973 qu’elle suivit d’un bout à l’autre en tant que déléguée de la commission immigrés du PSU et d’autre part, après 1973, à la lutte contre l’emprisonnement en Tunisie de Tunisiens, notamment Chérif Ferjani, dans le cadre du Comité de soutien aux prisonniers politiques qu’elle a contribué à créer et qui exista pendant 5 à 6 ans.
Au sein de la commission Femmes du PSU, elle participa à la plupart des manifestations d’avant 1975 sur la contraception, sur l’avortement, sur l’égalité. Elle rencontra à cette époque sur Lyon, Georgette Vacher, militante CGT qui s’est suicidée et « qui a à peu près fait le cheminement que j’ai fait et qui était très dur, moi j’ai failli en crever plusieurs fois ».

Membre du bureau du PSU du Rhône et du Comité de gestion du 44 rue St Georges, siege du nouveau local de la Fédération du Rhône du PSU acheté en 1969 par l’association parisienne « Découverte et culture » qui assure, depuis 1968, une fonction de propriétaire de locaux pour le PSU national.
Elle fut tête de liste CFDT aux dernières élections des Conseils de la Sécurité sociale en 1983.

À la retraite, elle fut responsable de l’UTR CFDT dans le 7e arrondissement de Lyon et secrétaire de l’UTR du Rhône.

Membres de plusieurs associations, dont l’Association Médicale Franco-Palestinienne, AMFP et AIPN, association imprimerie presse nouvelle, créée pour soutenir la coopérative IPN, Imprimerie Presse Nouvelle. Elle pritdes responsabilités, de 2002 à aujourd’hui, dans « Bien vieillir dans son quartier/Au fil de soi(e) », une association des 3e et 7e arrondissements de Lyon, qui sera associée aux travaux de l’Agence d’urbanisme du Grand Lyon sur l’habitat des personnes âgées.

Militante dès son plus jeune âge, Madeleine Delessert a su préserver sa vie familiale et amicale : « Quand on s’est investi on continue de s’investir, mais que tout en étant militante je suis restée très, très, proche des besoins de ma famille et de mes amis proches. Je n’ai jamais tout investi sur le militantisme ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article185770, notice DELESSERT Madeleine par Anne Bucas-Français, François Ménétrier, version mise en ligne le 3 octobre 2016, dernière modification le 26 août 2021.

Par Anne Bucas-Français, François Ménétrier

Madeleine Delessert
Madeleine Delessert
En 2015

SOURCES : Charlotte Gobin, « Militantisme au féminin : les lyonnaises et la défense de la cause algérienne 1954-1966 », mémoire de Master, Université Lyon 2, 2011.
Alexis Bonnet, « Mai 68 à Lyon et la CFDT », m
*Brochure de l’association Révoltes : « Du CEP à la Maison des Passages » Mai 2008.
*Actes de la 2e -Journée d’études –Séminaire du 28 novembre 2014 sur : « La CFDT en mai-juin 1968 à Lyon et en Rhône-Alpes »
*Entretiens vidéo réalisés par Jean-François Cullafroz : https://www.youtube.com/watch?v=Qi9AObyDe7k durée 5mm37
https://www.youtube.com/watch?v=FIIlsYkm3gY durée 4mm09
*Photographie illustrant la notice extraite de Syndicalisme Magazine CFDT –Janvier 1969-
*Fonds CFDT de l’UD du Rhône et de l’URI Rhône-Alpes déposés aux Archives départementales du Rhône –Cote 68 J 72-
* Syndicalisme, hebdomadaire de la CFDT, du 16 novembre 1967
*Rapport « Perspectives et stratégie » CFDT du 25 juillet 1968 : « Le sens et les enseignements de la révolution de mai 1968 » -Rédaction d’Albert Détraz-
* Le Retraité du Rhône N° 220 octobre 2015- Mensuel de l’Union Territoriale des Retraités du Rhône.
*Entretien collectif –notamment avec l’auteur de la notice- du 28 avril 2004 et entretien du 4 avril 2016. — Note de Benoît Prieur.

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