RONDENAY André, Louis (« Claude », « Sapeur », « Lemniscate », « Jarry »)

Par Joël Drogland

Né le 26 août 1913 à Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise, aujourd’hui Yvelines), exécuté sommairement le 15 août 1944 à Domont (Seine-et-Oise, aujourd’hui Val-d’Oise) ; polytechnicien ; officier d’active ; résistant de la France libre, membre du BCRA ; délégué militaire régional (région P) puis délégué militaire de zone (zone Nord) ; Compagnon de la Libération.

André Rondenay
André Rondenay

Né le 26 août 1913, fils du général de division Louis Amédée Rondenay, André Rondenay suivit son père dans ses garnisons successives, en Afrique particulièrement. Le général Rondenay avait participé au début du siècle à la mission Foureau-Lamy, expédition géographique et militaire qui traversa le Sahara de 1898 à 1900. Sa mère, Marcelle Andrée Rondenay, peintre paysagiste et orientaliste de l’École française, voyagea beaucoup elle aussi. À Paris, la famille résidait rue Boileau (16e). André Rondenay intégra l’École Polytechnique en 1933 après une classe préparatoire au lycée Janson-de-Sailly. Il en sortit avec le grade de sous-lieutenant en 1936 et rejoignit l’École d’Application de Fontainebleau. Nommé lieutenant, il fut affecté en mai 1938 au 39e régiment d’artillerie à Metz. Le 17 août 1937, il épousa, à Nantes, Solange Pollet, née le 12 septembre 1913. Solange et André auront deux fils, Claude né en 1938 et Jean-Louis, né trois mois après la mort de son père. À la mobilisation, il commandait la 1re batterie du 39e régiment d’artillerie et fut affecté dans le secteur de Faulquemont, sur la ligne Maginot. Il était en position dans les Vosges quand survint l’attaque allemande de mai 1940. Il fut fait prisonnier le 20 juin 1940, près du village de Charmes. Il connut successivement plusieurs Oflags dont il chercha à chaque fois à s’évader avec ingéniosité, pour finalement y parvenir. Il fut d’abord détenu un mois à Sarrebourg (OflagsVI B), puis quatre mois à Warvold (Westphalie) près de Mayence (OflagsXII B). Une tentative d’évasion manquée le conduisit pour six mois au camp international de représailles de Colditz ((OflagsIV C), en Saxe, puis à Lübeck ((OflagsX C). Il réussit enfin son évasion, avec un camarade, le 19 décembre 1942. Il était de retour à Paris, auprès de son épouse, la veille de Noël 1942.

Décidé à rejoindre le général de Gaulle, il trouva une filière, prit la route de l’Espagne, franchit la frontière le 25 janvier 1943, arriva à Valcarlos où il fut arrêté par la police espagnole et mis en résidence surveillée à Pampelune. Il profita de ce répit pour se fabriquer une fausse carte d’identité d’officier allemand, prenant pour modèle graphique des cartes d’officiers anglais que possédaient ses camarades de détention. Il pensait en effet que le meilleur moyen de s’évader était de se faire passer pour un officier allemand (il parlait couramment cette langue) voyageant en Espagne. C’est durant ce séjour en Espagne qu’il rencontra deux hommes qui allait par la suite étroitement partager sa vie et son action de résistant, André Boulloche, son futur chef de mission, et Noël Palaud, son futur adjoint en mission, lui aussi évadé d’un (Oflags. Le 13 mars 1943, après avoir brûlé ses vrais papiers, muni d’une carte d’officier allemand au nom du capitaine Roediger, en compagnie de Noël Palaud et d’un autre camarade, il s’évada de l’hôtel de Pampelune. À Madrid, ils se présentèrent au consulat puis à l’ambassade britannique. Ils gagnèrent Séville le 20 mars 1943, puis Huelva, dans un véhicule du consulat britannique. Après 120 km à pied, ils franchirent la frontière portugaise le 28 mars 1943 et arrivèrent à Lisbonne le lendemain. Le 4 avril 1943, un peu avant ses deux camarades, André Rondenay atterrit à Whitechurch Airport. Il fut conduit au camp d’entraînement de la France libre à Camberwell, où il resta trois semaines, avant de gagner Patriotic School, pour y être interrogé par le MI-5. Il en sortit le 8 mai 1943. Engagé volontaire au titre des Forces françaises libres sous le pseudonyme d’ « André Claude » (il garde son prénom et celui de son fils devient son nom), André Rondenay signa son acte d’engagement, numéro 648, le 12 mai 1943. Le capitaine Prévost le recruta au BCRA, ainsi que ses camarades Boulloche et Palaud, et lui commanda de suivre divers stages de formation aux missions qui lui seront confiées. Avec Noël Palaud, Rondenay effectua un stage paramilitaire à West Court, du 14 juin au 5 juillet 1943, un stage de sécurité du 11 au 26 juillet, un stage radio du 26 au 31 juillet et un stage de parachutage du 8 au 14 août, se blessant au talon d’Achille lors de son second saut. Il bénéficiait donc d’une formation assez complète ayant porté sur les techniques de corps à corps, les matériels et les techniques de sabotage, les transmissions, l’organisation d’opérations aériennes. Le 27 août 1943, son ordre de mission était signé par de Gaulle. Sous le nom de Jean-Louis Lebel, et sous le pseudonyme de « Claude », Rondenay et son adjoint Noël Palaud furent déposés par Lysander dans la nuit du 12 au 13 septembre 1943, dans l’Indre, près de Tours.

Sa mission était de mettre en place le plan « Tortue », dont l’objectif était de retarder d’au moins huit heures l’arrivée de moyens blindés puissants sur les têtes de pont du débarquement allié. Il fallait, dans les conditions difficiles de la clandestinité, mettre au point les procédés tactiques à employer et chercher, dans les mouvements de résistance organisée, des équipes capables de remplir leur mission. Il fallait donc commencer par entrer en contact avec des responsables de groupes de résistance ou d’organisations, puis constituer des équipes de sabotage et leur donner les moyens en armes et en matériel. Pour cela, il fallait organiser et réceptionner des parachutages, et éventuellement prélever sur des stocks préalablement constitués. La mission n’était donc pas purement technique. Rondenay devait surmonter la réticence des mouvements de résistance, qui n’étaient pas disposés à mettre à sa disposition des troupes pour constituer des équipes de sabotage indépendantes aptes à agir au jour J. Rondenay reçut de nombreuses notes techniques d’une extrême précision quant aux méthodes à employer en fonction de l’évolution du contexte, car il fut en charge du plan jusqu’au printemps 1944.

En janvier 1944, le BCRA lui demanda de prendre les fonctions de Délégué militaire régional (DMR) pour la région P (une dizaine de départements au centre du Bassin parisien), pour remplacer André Boulloche, qui venait d’être arrêté. Sa mission était de constituer et armer des équipes chargées de préparer les plans de sabotage et de les exécuter dès que la BBC diffuserait des messages codés de déclenchement. Un officier d’opérations aériennes lui était subordonné, ainsi qu’un radio. Il devait veiller à ne pas froisser les mouvements de résistance avec lesquels il entrait en relation, afin d’éviter de prêter le flanc aux accusations potentielles de mise sous tutelle de la Résistance intérieure. Le 5 avril 1944, un télégramme lui confia la fonction de Délégué militaire pour toute la zone Nord (DMZ). « À l’heure actuelle vous êtes un des rares éléments sains sur lequel nous pouvons compter en zone Nord, aussi dans la période qui va suivre serez-vous plus que jamais mis à contribution » lui précisait le BCRA dans un télégramme d’encouragement.

Une troisième mission vint s’ajouter aux deux précédentes. Rondenay avait déjà la charge des sabotages liés au plan « Tortue », puis ceux des plans « Vert » et « Violet » en tant que DMR pour la région P. Le BCRA lui demanda de procéder aussi au sabotage d’importantes usines travaillant pour l’armée allemande dans la région parisienne, en particulier des usines de roulements à billes. On lui adjoignit les saboteurs de la mission « Patchouli » (Marcel Suares, François Fouquat et Pierre Briout) et il constitua, autour de Pierre Henneguier, une équipe d’une trentaine d’hommes. Ils réussirent d’impressionnants sabotages d’usines de février à mai 1944 : Timken à Asnières, Renault à Boulogne-Billancourt, Malicet et Blin à Aubervilliers. Il reçut à plusieurs reprises les félicitations du BCRA, ainsi ce télégramme du 23 avril : « Nous vous exprimons une nouvelle fois toute notre satisfaction pour les résultats que vous obtenez et la qualité de votre travail malgré les difficultés inhérentes à l’action de l’ennemi et les lourdes tâches que nous vous confions. Nous vous témoignerons notre confiance et notre compréhension en vous donnant, dans la mesure de nos possibilités, tous les moyens qui vous sont nécessaires ».

Les multiples activités clandestines de Rondenay et de son équipe rendaient sa sécurité de plus en plus aléatoire et il avait la conviction d’une arrestation prochaine. Un repli avait été envisagé pour le DMR et il en reçut l’ordre le 5 juin, avec soulagement, par un long télégramme. Il prit la direction du Morvan pour plusieurs raisons : la relative proximité géographique de ce massif, le fait que c’était bien, selon la curieuse expression employée par le BCRA dans le télégramme, « une région genre maquis », les projets stratégiques dont ce massif faisait l’objet, et les contacts que Boulloche d’abord, Rondenay ensuite, avaient pris au printemps avec un maquis du Morvan, le maquis « Camille ». Il arriva dans le Morvan accompagné d’une équipe très active, jeune et solidaire. Le premier cercle autour d’André Rondenay était constitué des responsables Alain Grout de Beaufort, officier du BCRA parachuté en France en avril 1943, devenu chef régional du Bureau des opérations aériennes, qu’une étroite amitié avait bientôt soudé à Rondenay, Pierre Biro qui, à partir du 6 juin, fut chargé des liaisons entre Rondenay et les organisations de résistance, Pierre Henneguier, le chef de l’équipe des saboteurs. Le second cercle était celui des saboteurs, des radios et des agents de liaisons qui étaient souvent les épouses (Solange Rondenay), les compagnes ou les sœurs (celles d’André Boulloche) des résistants.

De nombreux maquis s’étaient constitués dans le massif du Morvan à partir de l’automne 1943. Rondenay et son équipe s’installèrent au maquis « Camille », qui avait bénéficié de deux parachutages, puis de l’arrivée de 60 SAS avec cinq jeeps. Trois autres parachutages vinrent en juin et juillet renforcer l’armement et l’équipement des maquisards. Arrivèrent ensuite le colonel Hutchison de la mission Jedburgh « Isaac », puis les membres de la mission « Harry ». Deux cents hommes vivaient au maquis vers le 20 juin. Progressivement se concentrèrent au maquis « Camille » beaucoup de responsables de la Résistance et de gros moyens matériels. Rondenay, le DMR devenu DMZ, Grout de Beaufort, officier d’opérations du BOA, Alex Katlama (« Ratissoire »), responsable du BOA de la Nièvre, Paul Bernard (« Camille »), le chef du maquis, Jean Longhi (« Grandjean »), chef de tous les maquis de la Nièvre, les officiers des missions alliées Jedburgh et SAS, même s’ils ne séjournaient pas toujours dans ce maquis. Les liaisons radio avec Londres fonctionnaient en permanence. André Rondenay séjourna dans le Morvan du 7 juin au 23 juillet 1944. Durant cette période, ses actions furent multiples. Il continua d’exercer ses responsabilités de délégué militaire et resta en contact permanent avec Londres, effectuant dans ce cadre de multiples déplacements dans les départements et vers la capitale. Il réceptionna et distribua les armes et l’argent des parachutages qu’il demandait par ses liaisons directes avec Londres. Parallèlement, il déploya une activité tous azimuts pour renforcer les maquis du Morvan et coordonner leur action, à laquelle il participa dans tous ses aspects : instruction des maquisards, organisation d’un service sanitaire et de chirurgie au maquis, exécution des plans de sabotage (« Vert », « Violet », « Grenouille », « Polygone ») sur le réseau ferré (ligne PLM et lignes secondaires) et fluvial (canal de Bourgogne et canal du Nivernais), réception de parachutages d’armes et de munitions. Enfin, avec son équipe, il participa à trois reprises à des combats : le 12 juin dans les rues de Lormes, deux jours plus tard à Sainte-Marie, à l’étang du Merle, où l’accrochage coûta la vie à François Fouquat et Pierre Briout, deux des saboteurs de la mission « Patchouli » venus avec Rondenay dans le Morvan, les 25 et 26 juin enfin lors de l’attaque du maquis « Camille » au camp de Vermot par 800 Allemands et « Russes blancs ».

Qu’on l’appelle « Réduit du Morvan », « Groupe Morvan » ou « Hérisson du Morvan », la coordination des maquis du Morvan fut la source de désaccords profonds, en juin et juillet 1944, entre Londres et Alger d’une part, le Comac du CNR d’autre part. Ils traduisaient deux conceptions antinomiques du commandement de la Résistance. En mission au service de Londres au sein de la Résistance intérieure, dispensateur des armes et de l’argent, doté d’un caractère bien trempé, Rondenay concentra sur sa personne les tensions et les conflits. Par ses instructions, de Gaulle avait prévu que le DMR recevrait ses ordres du général Koenig, commandant en chef des FFI à Londres. Il s’agissait pour de Gaulle d’affirmer la souveraineté nationale vis-à-vis du haut commandement allié, mais aussi de marquer la prééminence du Comité d’Alger sur le Conseil national de la Résistance, et surtout son Comité militaire, le Comac. En effet, celui-ci avait envoyé des instructions aux états-majors départementaux, affirmant que les FFI étaient placés sous la haute autorité du Conseil national de la Résistance. Le désaccord était donc total entre les conceptions du Comac qui entendait que le DMR lui soit soumis, et le DMR qui avait la claire consigne de n’avoir à rendre compte qu’à Londres et Alger. Le conflit se cristallisa à propos de la nomination d’un commandant unique des maquis du Morvan. Le Comac avait son candidat, le colonel Bertrand (« Dupin »). Rondenay le refusa, soutenu par les chefs du maquis « Camille », par Koenig et par Chaban-Delmas. Le conflit dura un mois, paralysa l’unification, exacerba les passions, en particulier entre Bertrand de Vogüe au Comac et Rondenay. Le conflit fut à l’ordre du jour de plusieurs réunions du Comac où Rondenay fut mis en accusation et où Chaban-Delmas dut venir prendre sa défense. Soutenu par quatre télégrammes de Koenig, Rondenay l’emporta, mais les ressentiments à son égard furent intenses.

Dans ses fonctions, Rondenay avait d’innombrables contacts et il fut identifié par un agent double, Henri Dupré, en apparence adjoint du commandant FFI de la région P3 (Aube-Yonne-Nièvre), en réalité agent de l’Abwehr depuis 1940. Pour livrer Rondenay et Grout de Beaufort aux Allemands, la subtilité de la manœuvre de Dupré consista à s’appuyer sur l’opposition entre le Comac et Rondenay. Il fit passer Rondenay pour un traitre et affirma que le responsable FFI de P3, Mathelin, dont il était l’adjoint, avait reçu de Londres l’ordre d’éliminer Rondenay. Quatre réunions furent organisées à Sens et dans le Sénonais en juin et juillet, avec des responsables locaux de la Résistance, visant à les persuader de l’ordre reçu d’éliminer Rondenay. Mais Dupré ne parvint pas à ses fins car il y eut toujours un ou plusieurs résistants pour s’opposer à ses projets. Le 17 juillet 1944, il monta un guet-apens à Auxerre en convoquant une réunion à laquelle Rondenay et Grout de Beaufort devaient assister, dans un hôtel cerné par la Gestapo. Mais Rondenay ne vint pas. Le chef des FFI de l’Yonne, Marcel Choupot, et le responsable de l’OCM, Marcel Jacquelin, furent capturés et fusillés.

André Rondenay, son épouse Solange, Christiane Boulloche et Alain Grout de Beaufort quittèrent le maquis « Camille » le 23 juillet, séjournèrent à Nevers et arrivèrent à Paris le 25 juillet au soir. La reconstitution de l’emploi du temps de Rondenay les 26 et 27 juillet montre qu’il eut de très nombreux rendez-vous avec divers responsables (dont Chaban-Delmas et Bourgès-Maunoury), ses préoccupations majeures étant les réceptions de parachutages et les attaques dont il était l’objet au sein du Comac. Rondenay fut arrêté le 27 juillet 1944 entre 11 h 15 et 11 h 30 à la station de métro La Muette, par des agents du Sipo-SD qui étaient donc informés de sa présence et le conduisirent rue des Saussaies. Alain Grout de Beaufort fut arrêté à l’entrée du métro Porte d’Auteuil à 11 h, par des miliciens qui lui tirèrent dessus alors qu’il tentait de s’enfuir en courant. Ils furent ensuite livrés aux Allemands. L’entourage des deux hommes fut frappé aussi par d’autres arrestations. Rondenay fut interrogé toute la nuit du 27 au 28 juillet, rue des Saussaies, où il fut détenu deux ou trois jours, puis deux ou trois jours encore avenue Foch avant d’être incarcéré, le 1er ou le 2 août, à la prison de Fresnes, où son camarade Grout de Beaufort était lui aussi détenu.

Le 15 août au matin, les Allemands commencèrent l’évacuation des détenus de la prison de Fresnes et les conduisirent à la gare de Pantin où se constituait ce qui fut le dernier convoi de déportation en partance de France. Rondenay retrouva son camarade Grout de Beaufort, ainsi que les deux agents de liaison arrêtés le même jour. Au début de l’après-midi, un commando spécial de six militaires allemands en uniforme arriva en gare de Pantin, accompagnés de miliciens. Ils cherchèrent Rondenay et le firent descendre du train. Quatre autres résistants durent aussi quitter le convoi : son ami Alain Grout de Beaufort, André Baude, Roger Claie et Louis Lerouge, agent de liaison de Rondenay. Le commando quitta immédiatement la gare de Pantin et roula vers le nord sur une vingtaine de kilomètres. Il s’arrêta en lisière de la forêt de Montmorency, sur la commune de Domont, au lieu-dit « La clairière des Quatre Chênes ». Les cinq résistants durent descendre des voitures et furent massacrés séance tenante. À leur retour, les auteurs de ce quintuple meurtre se réunirent rue des Saussaies à Paris pour y sabler le champagne, conformément à une coutume alors en usage dans la police allemande et qui portait le nom de « banquet du bourreau ».
Trois questions se posent : Qui a trahi ? Qui sont les assassins ? Pourquoi l’exécution sommaire au départ du convoi de déportation ? La cour de justice de la Seine a jugé Henri Dupré coupable de l’arrestation de Rondenay et, après des années d’instruction, l’a condamné à mort le 31 janvier 1950. Il a été fusillé le 2 février 1951. Nous ne disposons pas de preuves qui montrent avec certitude que Dupré ait réussi le 27 juillet 1944 à Paris ce qu’il avait manqué le 17 juillet à Auxerre, mais il est vrai que son officier traitant à l’Abwehr était présent à Pantin. D’autres hypothèses ont été faites qui sont crédibles. L’hypothèse qui nous semble la plus probable, en l’état des sources actuellement connues, est celle de l’infiltration du groupe BOA de la région parisienne, que Rondenay, Grout de Beaufort et leurs agents de liaison fréquentaient à Paris, par les miliciens de la rue Alphonse de Neuville, en liaison avec la Gestapo et l’Abwehr.

La longue et minutieuse instruction de la justice militaire dans le cadre de l’ordonnance du 28 août 1944, relative à la répression des crimes de guerre, a permis d’identifier avec certitude les assassins. Le chef du commando de Pantin était Alexander Kreutz, de l’Abwehr et les cinq autres étaient des membres de la Gestapo, section IV du Kds de Paris : Gustav Sinnhof, Rudolf Weinberger, Rudolf Kurz, Herbert Schubert et Ernst Heinrichsohn. Ils ont été condamnés à mort par contumace le 7 mars 1956 mais ont tous échappé à la justice, sauf Ernst Heinrichsohn, condamné à six ans de prison en 1980 par le tribunal de Cologne, grâce à l’action de Serge et Beate Klarsfeld.

Dans son étude majeure sur la déportation, Thomas Fontaine a démontré que les Allemands avaient établi des catégories parmi les résistants, en fonction des actions qui avaient été les leurs, et que leur peine dépendait de leur degré de dangerosité. Les FTP, les chefs de réseaux, les agents de renseignement, les agents du BCRA étaient considérés comme les ennemis les plus dangereux et devaient être éliminés. Ils étaient fusillés ou déportés dans de petits convois spéciaux vers des camps où ils seraient assassinés avec certitude. Ce tri est visible lors de l’évacuation de la prison de Fresnes en août 1944. Les Allemands ont pu se rendre compte que Rondenay et Grout de Beaufort auraient dû eux aussi être considérés comme faisant partie de cette catégorie, et que la décision de les exécuter et de ne pas les laisser partir dans un convoi « ordinaire » ait été prise. L’identification de Rondenay a peut-être été tardive, postérieure aux interrogatoires et à la décision de déportation. S’agissait-il de s’assurer de leur mort, laquelle n’était pas certaine en cas de déportation, surtout dans les conditions du départ du convoi du 15 août ?

André Rondenay reçut trois citations à l’ordre de l’Armée. La première est celle qui accompagne sa nomination de chevalier de la Légion d’honneur par décret du ministre de la Guerre, le 8 août 1944, deux semaines après son arrestation, et une semaine avant son assassinat. La seconde citation est à titre posthume, le 5 novembre 1944. La troisième citation, signée du général de Gaulle, est faite au nom du Gouvernement provisoire de la République française, en date du 30 mai 1945. Il reçut la Croix de la Libération et devint Compagnon de la Libération, par décret du 28 mai 1945 signé du général de Gaulle. André Rondenay reçut aussi la médaille de la Résistance et la médaille des Évadés. Le général Rondenay, père d’André, fut invité à l’ambassade de Grande-Bretagne le 28 octobre 1947, pour y recevoir une décoration britannique à l’occasion de l’admission de son fils dans le Distinguished Service Order. Le corps d’André Rondenay ayant été identifié à Domont, ses obsèques eurent lieu le 3 novembre 1945 en l’église Saint-Louis des Invalides, en présence du général Koenig. La cérémonie d’inauguration du Grand Hall André Rondenay de la Maison de la RTF se déroula le 28 janvier 1964, sous la présidence d’honneur d’Alain Peyrefitte, ministre de l’Information du gouvernement Georges Pompidou, en présence de Jean Sainteny, ministre des Anciens combattants et victimes de guerre, de Claude Hettier de Boislambert, Grand Chancelier de l’Ordre de la Libération, et de nombreuses hautes personnalités, également compagnons de l’Ordre. Le nom d’André Rondenay figure sur la plaque commémorative des morts du maquis « Camille », à Plainefas, sur la commune de Saint-Martin-du-Puy (Nièvre), sur le monument commémoratif de l’École polytechnique (Paris Ve), sur le monument des déportés et fusillés de l’Yonne à Auxerre (Yonne) et sur le monument commémoratif des fusillés de La Clairière des Quatre-Chênes à Domont (Val-d’Oise).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article185809, notice RONDENAY André, Louis (« Claude », « Sapeur », « Lemniscate », « Jarry ») par Joël Drogland, version mise en ligne le 4 octobre 2016, dernière modification le 20 février 2022.

Par Joël Drogland

André Rondenay
André Rondenay

SOURCES : SHD/GR, 16 P 295666, dossier individuel d’André Rondenay. SHD/GR 28 P 4 320/2, dossier d’agent du BCRA d’André Rondenay. — Archives de la cour de justice de la Seine : Z6/836, dossier d’Henri Dupré ; Z6/648 A et B : dossier des miliciens de la rue Alfonse de Neuville et de la rue Le Pelletier. — Joël Drogland, Des maquis du Morvan au piège de la Gestapo. André Rondenay, agent de la France libre, Vendémiaire, 2019. — Mémorial GenWeb.

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