DESTRÉE Urbain, Paul, Sylvain.

Par Freddy Joris

Cerfontaine (pr. Namur, arr. Philippeville), 9 juillet 1937 – Liège (pr. et arr. Liège), 7 mars 2003. Permanent syndical socialiste, militant wallon.

Fils d’Urbain Destrée, tailleur, et d’une couturière devenue sabotière après le décès de son époux, Urbain Destrée passe son enfance à Cerfontaine, dans un milieu rural. Après des humanités à Florennes, il effectue des études de droit à l’Université de Liège à partir de 1955. Il y anime la section des Étudiants socialistes, aux côtés de Jean-Maurice Dehousse*, et Jean Gol, homme politique libéral, qui restera un de ses proches amis. Urbain Destrée obtient son doctorat en 1961, au lendemain de la « Grande grève » de l’hiver 1960-1961 contre la loi unique et de la relance du mouvement wallon à l’initiative du syndicaliste liégeois, André Renard. Cette période forge les convictions socialistes mais aussi wallonnes auxquelles il restera fidèle durant quarante années.

Aspirant du Fonds national de la recherche scientifique (FNRS) jusqu’en 1966, Urbain Destrée fonde, avec Jean-Maurice Dehousse* et Guy Mathot*, à l’Université de Liège la première section syndicale du personnel scientifique en Belgique. Cette section, présidée par Guy Mathot, regroupe des membres socialistes et communistes. En 1963, Destrée publie, avec Dehousse, une analyse de La répartition des compétences dans les projets fédéralistes des socialistes wallons dans la revue Res Publica.


Le syndicaliste

En 1966, la carrière d’Urbain Destrée prend un nouveau tournant, syndical, en devenant secrétaire national du SETCa (Syndicat, socialiste, des employés, techniciens et cadres). Sa mission est de développer le syndicalisme des cadres dans la Belgique francophone. Destrée y est à la base des premières avancées avec l’installation de sections et délégations syndicales notamment dans le secteur de la grande distribution.

En tant que secrétaire national du SETCa, Urbain Destrée participe activement à la conception et à l’adoption d’une grille de calcul des préavis pour les employés, dite « grille Major », du nom du ministre de l’Emploi et du Travail, le socialiste Louis Major*. Cette réalisation fait suite à un conflit social organisé en mai-juin 1967 dans l’Usine Germain-Anglo à La Louvière (pr. Hainaut, arr. Soignies) laquelle a annoncé sa fermeture.

En 1971, Urbain Destrée rejoint la Régionale Liège-Huy-Waremme de la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB) où il remplace Maurice Massay comme secrétaire général du SETCa liégeois. Au même moment, il entame sa collaboration – qui durera vingt ans – à l’hebdomadaire Combat. Il y signe son premier éditorial en mars 1973.


… et militant wallon

Durant ses mandats syndicaux, Urbain Destrée poursuit son combat dans le mouvement wallon. En 1968, il soutient à une action de mobilisation organisée par les quatre mouvements wallons : Wallonie libre, Rénovation wallonne, Mouvement libéral wallon (MLW) et le Mouvement populaire wallon (MPW). Cette action a pour origine un mémorandum du Conseil économique wallon pour l’obtention d’une décentralisation des processus de décisions économiques. Elle débouche sur deux manifestations en front commun à Liège et à Charleroi en avril et en mai 1969 et sur une journée d’action, le 19 avril, avec des arrêts de travail.

Après la révision de la Constitution en 1970, Urbain Destrée plaide régulièrement dans Combat ou à la tribune des congrès, pour une application effective du processus de régionalisation par la mise en place des instruments de gestion économique et politique (société de développement régional, Conseil et Exécutif régional) et par l’octroi à ces derniers de réels pouvoirs et de moyens. En 1973, il devient un des administrateurs de la Société de développement régional (SDR) wallonne nouvellement installée.

Ce combat fédéraliste, Urbain Destrée va le poursuivre. En 1980, lors de la deuxième réforme de l’État, il dénonce l’étroitesse des compétences qui viennent d’être concédées aux Régions. Sur le plan social, au sein même de la FGTB, il se bat pour une reconnaissance sans réserve de la réalité des interrégionales et de leur droit à débattre des problèmes généraux comme la sécurité sociale. Nommé président de l’Interrégionale wallonne en 1983, il veille à ce que la FGTB wallonne occupe une place à part entière dans le débat politique et l’espace médiatique.
Avec sa collègue flamande, Mia De Vits*, Destrée est à l’origine de deux protocoles internes à la Fédération, en 1995 et en 2002, consacrant les réalités régionales dans le fonctionnement de la direction à l’intérieur d’une FGTB rééquilibrée selon lui.

Au tournant des années 1980, Urbain Destrée intervient dans le débat « intrafrancophone » sur les compétences respectives de la Communauté française et des Régions wallonne et bruxelloise, plus fondamentalement dans le débat du type de fédéralisme. Le Congrès de la FGTB wallonne d’octobre 1990 s’inscrit dans ce contexte : Destrée y défend, avec succès, le principe du transfert de toutes les compétences communautaires vers les Régions.

On le voit, l’action wallonne est étroitement liée chez Urbain Destrée. De ce point de vue, il se sent parfaitement renardiste, fervent partisan des réformes et aussi fidèle à une idéologie, plutôt marxiste, idéologie dépassée en cette fin de XXe siècle selon certains. Les adversaires de Destrée le jugent archaïque, notamment la presse flamande qui met en avant son radicalisme wallon et sa fermeté syndicale.
Quant au lien entre le syndicat et le Parti socialiste, Urbain Destrée manifeste régulièrement son souci de l’indépendance syndicale par rapport au parti.

Malade – il souffre d’asthme depuis l’âge de cinq ans –, Urbain Destrée séjourne à plusieurs reprises à l’hôpital de la Citadelle à Liège où il poursuit ses activités. Son état de santé est plus en plus fragile. Admis à la retraite en mai 2002, il décède dix mois plus tard. Il a deux enfants : Barbara, née en 1966, issue de son mariage avec la journaliste liégeoise, Lucie Halkin (1940-2011), Thomas, né en 1980 de son union avec Anne-Marie (Annie) Delguedre (1940-2013), enseignante.

Durant toute sa carrière, Urbain Destrée est également reconnu pour ses talents d’écriture. Il rédige la majorité de ses textes, notamment sa Lettre à Barbara en 1990, son pastiche de La Fontaine Les animaux malades de la dette ou sa Lettre ouvert au roi Albert II lors de la visite de ce dernier à Liège.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article185954, notice DESTRÉE Urbain, Paul, Sylvain. par Freddy Joris, version mise en ligne le 11 octobre 2016, dernière modification le 7 mai 2021.

Par Freddy Joris

ŒUVRE : Outre sa collaboration à Combat : « Réussir la Wallonie », dans JORIS F., L’Aventure régionale, Bruxelles, 2000, p. 219-225 – Flashes sur 40 ans de combats, s.l., s.d. (2002).

SOURCES : DELFORGE P., « Destrée Urbain » et « Mathot Guy », dans DELFORGE P., DESTATTE P., LIBON M. (dir.), Encyclopédie du mouvement wallon, Charleroi, 2000 – JORIS F., « Destrée Urbain », dans Nouvelle biographie nationale, t. 13, Bruxelles, 2016, p. 108-109.

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