MINEUR Marie, Joseph, épouse BASTIN puis MARÉCHAL.

Par Freddy Joris

Hodimont (commune de Verviers, pr. Liège, arr. Verviers), 30 septembre 1831 − Thimister (aujourd’hui commune de Thimister-Clermont, pr. Liège, arr. Verviers), 18 mai 1923. Ouvrière entre autres, féministe, militante de la section féminine de l’Association internationale des travailleurs, socialiste révolutionnaire, militante rationaliste et laïque.

Fille d’un ouvrier textile de Verviers, qui meurt alors qu’elle n’a que cinq ans, et d’une ménagère, Marie Mineur entre à l’usine à huit ans, comme 5 à 6 % des enfants de la classe ouvrière verviétoise de cette époque. Par la suite, elle sera occupée comme servante, femme de ménage, blanchisseuse et vendeuse chez un négociant. En 1849, elle épouse Jean-Joseph Bastin, ouvrier métallurgiste, à ne pas confondre avec Hubert Bastin et Jean Pierre Bastin, militants de la Première Internationale. Elle ne vit pas avec lui plus de quinze ans. Veuve en 1882 et sans enfant, elle se remarie en 1883 avec un tisserand, Jean-François Maréchal.

En février 1872, Marie Mineur, âgée de quarante-et-un ans, s’affilie à la Société libre de secours mutuels des femmes, première organisation féminine qui vient d’être créée au sein de la Fédération de la vallée de la Vesdre, membre particulièrement actif de l’Association internationale des travailleurs (AIT) en Belgique (voir Pierre Fluche). À la fois mutuelle et cercle d’instructions à ses débuts, cette société féminine se mue en Caisse de résistance des femmes à l’été 1872 et se lance dans deux combats : l’émancipation féminine et la laïcité, perçue comme une condition de l’émancipation tenant compte de l’emprise catholique sur l’éducation.

Marie Mineur témoigne dans Le Mirabeau, journal du groupe des Francs ouvriers, qui est à l’origine de l’AIT dans la région verviétoise. Elle y apparaît comme une des principales animatrices de la section des femmes de l’Internationale, deuxième section du genre après celle, éphémère, fondée à Montigny-sur-Sambre. La section de Verviers sera active jusqu’en 1878. De 1872 à 1879, Marie Mineur publie régulièrement des articles ayant souvent la forme de correspondance, dans Le Mirabeau. Elle est très active lors de plusieurs meetings de l’AIT à Verviers et dans sa région mais aussi à Liège et ses alentours, toujours pour souligner la nécessité de l’instruction laïque et de l’organisation des travailleuses au service de la révolution. Elle s’y affirme comme socialiste révolutionnaire à une époque où les sections verviétoises de l’AIT sont sans conteste influencées par les idées de Bakounine.

Marie Mineur sort de sa région. En 1874, elle est à La Louvière (pr. Hainaut, arr. Soignies), invitée par une section de femmes récemment créée à La Hestre (aujourd’hui commune de Manage, pr. Hainaut, arr. Charleroi), puis par une autre section à Besonrieux (commune de La Louvière). Ces deux associations disparaissent rapidement. La section des femmes de Verviers est représentée au Congrès de la section belge de l’AIT en 1874, au Congrès des socialistes flamands et bruxellois en 1877, au dernier Congrès de la Première Internationale en 1877 à Verviers et au Congrès socialiste universel à Gand (Gent, pr. Flandre orientale, arr. Gand).

À la fin des années 1870, l’AIT s’essouffle. Marie Mineur s’implique de plus en plus dans la lutte pour la laïcité, à l’instar de nombreux militants ouvriers, mais elle reste fidèle au combat pour l’émancipation ouvrière. En 1877, elle participe à la fondation d’un second cercle de libre pensée à Verviers, l’Athéisme. Elle est active dans l’association Les Ouvriers solidaires, organisateur d’enterrements civils : elle est même la seule femme, membre de son comité (six membres). Elle est à l’origine de deux initiatives organisées au sein de cette association : des cours d’instruction laïque proposés aux enfants du peuple deux fois par mois et une « fête des enfants » mise en place le 22 décembre 1878, sorte de Noël laïque qui anticipe les futures « fêtes de la jeunesse ».

L’investissement de Marie Mineur en faveur de l’action laïque est telle qu’elle participe à des réunions et des congrès un peu partout à Verviers mais aussi à Bruxelles et dans le Hainaut. Avec une Bruxelloise, elle est une des deux seules femmes que les dirigeants belges de la laïcité recommandent pour parler dans les cercles rationalistes à la recherche d’une oratrice.

À la fin des années 1880, Marie Mineur participe, sous le nom de citoyenne Maréchal, à des meetings politiques organisés par la coopérative socialiste de Verviers. Elle reste à la pointe du combat dans le cercle de Libre pensée. Jusqu’au moins 1897, elle est la cheville ouvrière de la « fête de la jeunesse » laïque créée en mai 1888 et dont l’organisation revient à la vingtaine des membres féminins du cercle. Cette manifestation se fera à la Maison du peuple de Verviers chaque dimanche de Pentecôte de 1888 à 1906 au moins, avec l’aide de l’un ou l’autre cercle rationaliste de Verviers.

Peu à peu, Marie Mineur tombe dans l’oubli. Lors de son décès en 1923, pas une ligne ne lui est consacrée dans la presse verviétoise. Son nom sera pris comme porte-drapeau cinquante ans plus tard par des féministes de La Louvière, actives dans les milieux ouvriers dans les années 1970. Elles rendent ainsi hommage à une des rares figures féminines et féministes du mouvement ouvrier belge du XIXe siècle.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article185958, notice MINEUR Marie, Joseph, épouse BASTIN puis MARÉCHAL. par Freddy Joris, version mise en ligne le 11 octobre 2016, dernière modification le 25 janvier 2021.

Par Freddy Joris

SOURCES : JORIS F., Marie Mineur, Marie rebelle, Waterloo, 2013 − JORIS F., « Mineur Marie », Nouvelle biographie nationale, t. 13, Bruxelles, 2016, p. 248-249.

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