CLÉMENT, la fille

Par Pierre Baudrier

Une aventurière en son temps, la Monarchie de Juillet, à identités multiples, jamais identifiée.

Dans le compte rendu du procès de son mari, meurtrier par dépit amoureux, elle n’a pas d’identité. En avril 1833 elle a épousé à Paris Guillaume Jean Hardel, médaillé de Juillet. Le 4 mai doit avoir lieu le mariage religieux mais elle disparaît sur le chemin de l’église. Le 20 mai Hardel passe la journée à boire avec Damême et Amète. Celui-ci lui conseille de ne pas regretter une femme dont il a été question dans Vidocq dévoilé. Plus tard, Hardel croit découvrir, à tort d’ailleurs, que Damême est l’amant de son épouse et il lui plante subitement un coup de couteau mortel. En cour d’assises, Hardel manifeste le plus profond remords et est acquitté. Voilà ce qu’on lit dans la Gazette des Tribunaux. Une autre source, la Gazette des cours d’assises et des tribunaux correctionnels précise que l’épouse était surnommée la belle Clémentine. Or, effectivement, il est question d’une Clémentine, alias fille Clément, dans Vidocq dévoilé, une fille Clément qui se permet des facéties du même genre, et qui plus est une « fille Clément » passe plusieurs fois en jugement sous la monarchie de Juillet, les magistrats ne parvenant pas à connaître ses prénoms ; en tout cas les comptes rendus de procès ne les livrent pas. En 1847, au début du procès, c’est « Hyacinthe-Aimée Clément », 46 ans, fleuriste, qui figure parmi les prévenus de la bande à Thibert. Deux jours de suite le président ne parvient pas à lui faire admettre qu’elle a été condamnée sous les identités d’Émilie Vatelier, Émilie Batelier, Émilie Bachelier, Clément Hyacinthe (Gazette des Tribunaux, 11 et 12 novembre 1847) et à l’heure du verdict c’est la « fille Clément » qui est condamnée à 2 ans de prison (GT, 19 novembre).
Sur le Web on trouve Aimée Monique Hyacinthe Quesnel née le 14 mai 1798 à Tamerville (Manche) fille d’Augustin Jacques Quesnel et d’Aimée Dorothée Clément. Aimée, Hyacinthe, Monique, Clément, des prénoms et un patronyme auxquels la fille Clément nous a familiarisés. Aimée Monique Hyacinthe Quesnel est décédée le 14 février 1857, à Saint-Germain-de-Varreville (Manche). Quitte à l’écarter plus tard, ne la perdons pas de vue.
La condamnation d’une multirécidiviste à deux ans de prison, une peine légère - la fille Clément fit partie des prévenus les plus épargnés - peut intriguer. On s’interroge plus encore quand on lit dans la Gazette des Tribunaux du 26 septembre 1832 que « Guillaume Jean Hardelle », fort de la halle, « décoré de Juillet », passait en jugement en septembre 1832 donc avec Jean-Baptiste Duplessis, pharmacien-herboriste, décoré de Juillet, ancien soldat du général Lamarque en Vendée, et Michel Chiquez, commis du précédent, dans une affaire de baril de poudre. Le 4 juin, un baril de poudre avait été livré chez Duplessis, connu pour ses opinions exaltées. Les trois hommes furent acquittés, Duplessis s’exprimait avec aisance, leur comportement des 5 et 6 juin firent l’objet de témoignages très favorables. Hardelle en particulier avait porté secours à six voltigeurs en difficulté. Mais c’est égal, de la poudre livrée par dizaine de kilos ! N’était-il pas tentant d’approfondir l’organisation de la récente insurrection en recherchant les confidences de Hardelle ?

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article185995, notice CLÉMENT, la fille par Pierre Baudrier, version mise en ligne le 11 octobre 2016, dernière modification le 25 novembre 2020.

Par Pierre Baudrier

SOURCES : Le Précurseur. Journal constitutionnel de Lyon et du Midi, 14 septembre 1833, p. 2, 3e col. — Gazette des cours d’assises et des tribunaux correctionnels. Journal des causes dramatiques et facétieuses, 1833, p. 9. – Gazette des Tribunaux des 11 et 12 novembre 1847.

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