LALET Eugénie, Léone, Marguerite [née LORY] alias FARTIÈRES Hélène

Par Daniel Grason

Née le 9 février 1923 à Lambezellec (Finistère), morte le 28 novembre 2013 à Royan (Charente-Maritime) ; comptable ; militante communiste.

Fille d’Hippolyte Lory, ouvrier à l’arsenal et de Marie Anne Julien, sans profession, Eugénie Lory fut adoptée par la nation en janvier 1930. Elle suivit des études secondaires, elle fut reçue au baccalauréat, continua des études en philosophie. Elle épousa Claude Lalet, étudiant, le 26 octobre 1940 à Paris en mairie du XIIIe arrondissement.
Elle était interpellée le 25 novembre 1940 en compagnie de son mari à la station de métro Odéon. Elle portait un paquet contenant des tracts et des papillons que la police qualifia « d’inspiration communiste ». Condamnée pour propagande communiste le 1er mars 1941 à six mois de prison par la XVe Chambre correctionnelle, la peine fut confirmée en appel le 5 mai 1941.
Son mari Claude Lalet condamné à dix mois de prison le 1er mai 1941, fut interné au camp de Châteaubriant (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique). Le 22 octobre 1941 il était l’un des vingt-sept otages fusillés en représailles à l’attentat commis contre le Feldkommandant Karl Hotz à Nantes par les résistants communistes Gilbert Brustlein, Marcel Bourdarias et Guisco Spartaco.
Elle vécut avec Robert Fournier, ingénieur, militant communiste. Le couple demeurait sous la fausse identité de Raoul et Eugénie Fartières au 44 rue Duranton à Paris (XVe arr.). La nouvelle identité était le résultat de la falsification de pièces d’identités de Claude Lalet. La police arrêta la sœur de Robert Fournier, Jeanne le 2 avril 1942. Celle-ci dactylographe à la Compagnie des chemins de fer du Nord avait été surprise par son chef de service alors qu’elle tapait un stencil reproduisant le n° 153 du 14 mars 1942 de l’Humanité clandestine.
Des inspecteurs de la BS1 interpellèrent Eugénie Lalet et Robert Fournier vingt-quatre heures plus tard. Dans le logement du couple les policiers saisissaient une machine à écrire, dix-huit stencils vierges, un livret de famille au nom de Fartières qu’au premier coup d’œil un policier apprécia comme « manifestement falsifié », plusieurs cartes d’identité en blanc, des cartes dont le libellé original a été gratté et portant le nom de Fartières, des projets de tracts… La carte d’identité maquillée au nom de Fartières ne résista pas à l’examen des policiers. Dans la chambre les policiers saisissaient vingt stencils vierge, l’Humanité N° 152 et 153 du 9 et du 14 mars 1942, une lettre manuscrite signée de Jean Lagarigue (Raoul Bey) trouvée sur Robert Fournier, cinq cartes d’identité en blanc, quatre projets de tracts, des brochures… vingt-sept scellés au total.
Lors des interrogatoires Eugénie Lalet tint bon, elle affirma que le couple Fartières avait loué le logement. Et comme preuve elle asséna « J’ai vu la dernière fois monsieur et madame Fartières le mardi 31 mars, à mon domicile ». Elle nia avec beaucoup d’assurance « Jamais je n’ai adhéré au parti communiste ». Le numéro de l’Humanité que dactylographiait Jeanne Fournier... « Je nie les allégations de cette dernière. Jamais je ne lui ai confié un travail quelconque à effectuer ».
Inculpée pour infraction au décret du 26 septembre 1939, elle fut incarcérée à la prison de la Roquette (XIe arr.), traitée depuis des années pour une affection au cœur et des nerfs elle demanda à être examinée par un médecin. Elle déclara que la mort de son mari le 22 octobre 1941 avait déclenché chez elle des troubles. Le médecin constata le 20 avril et le 5 mai 1942 des « troubles » résultant « du choc psychique qu’elle a ressenti en apprenant l’exécution de son mari ». Il constata un début de grossesse sans « aucune complication véritable ». Il concluait qu’elle pouvait « facilement être soignée à l’infirmerie de la Roquette » et en cas d’aggravation « à l’infirmerie de Fresnes ».
Le 20 juillet 1942, elle comparut devant la Section spéciale de la Cour d’Appel de Paris en compagnie de Robert et Jeanne Fournier et de Madeleine et Pierre Castille. Elle fut condamnée à quatre ans de prison et mille deux-cents francs d’amende pour infraction au décret-loi du 26 septembre 1939 interdisant l’activité du parti communiste et la parution de l’Humanité.
Transférée à la centrale de Rennes (Ille-et-Vilaine), Eugénie Lalet fut épaulée par la solidarité d’autres détenues. Lise London écrivit : « La plus jeune, Ninette Lalet, à 20 ans […] Elle a refait sa vie avec [Robert] Fournier, son camarade dans la Résistance. […] Leur fils Claude fêtera bientôt son premier anniversaire ». Une fête sera organisée. Des détenues seront transférées le 17 mai 1944 de Rennes au fort de Romainville (Seine, Seine-Saint-Denis).
Le 30 mai 1944 cinquante-neuf femmes dans des wagons voyageurs aux fenêtres grillagées quittaient la gare de l’Est à destination de Sarrebruck, elles furent internées au camp de Neue Bremm. Le 13 juin 1944, elles prenaient la direction du camp de concentration de Ravensbrück (Allemagne). Elles y transitèrent pour un kommando de travail qui dépendait du camp de Flossenburg à Leitmeritz (Tchécoslovaquie).
Cet important kommando compta jusqu’à cinq mille détenus en 1945, les déportés travaillaient pour l’usine Elsabe et pour les constructions Richard. Matricule 42189 Eugénie Lalet a été libérée au cours du mois de mai 1945. Sur cinquante-neuf déportées, l’une était morte.
Alors qu’Eugénie Lalet n’était pas rentrée de déportation la mère de son ami Robert Fournier témoigna devant la commission d’épuration de la police. Elle déclara : « J’ignore s’ils ont été maltraités lors de leur séjour à la Brigade spéciale. Au cours de la perquisition effectuée à leur domicile, il a été dérobé un manteau de fourrure appartenant à madame Lalet, quatre paires de draps et deux coupes de tissu ».
Eugénie Lalet épouse Lory a été homologuée au titre de la Résistance intérieure française (RIF), ainsi que Déportée internée résistante (DIR).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article186233, notice LALET Eugénie, Léone, Marguerite [née LORY] alias FARTIÈRES Hélène par Daniel Grason, version mise en ligne le 7 novembre 2016, dernière modification le 5 avril 2020.

Par Daniel Grason

SOURCES : AN Z/4/54 dossier 376 (transmis par Gérard Larue). – Arch. PPo. PCF carton 12 activité communiste, BA 2056, KB 89. – Bureau Résistance GR 16 P 377313. – Lise London, La mégère de la rue Daguerre, Éd. Seuil, 1995. – Livre-Mémorial, FMD, Ed. Tirésias, 2004. — État civil.

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