FOURNIER Robert, Henri alias FARTIÈRES Raoul

Par Daniel Grason

Né le 12 octobre 1917 à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), mort en déportation le 5 mai 1945 à Gusen (Allemagne) ; ingénieur ; militant communiste ; déporté.

Fils d’André et de Madeleine née Richand, Robert Fournier habita 55 rue du Général Lambert à Drancy (Seine, Seine-Saint-Denis). Il suivit des études, devint ingénieur diplômé des Arts et Métiers, promotion 1935. Il effectua son service militaire dans le 2e Régiment du Génie, fut libéré avec le grade de sergent en septembre 1940.
Le 9 octobre 1940 il était interpellé alors qu’il suspendait aux arbres du boulevard Auguste-Blanqui dans le XIIIe arrondissement de Paris des drapeaux rouges ornés de la faucille et du marteau. Dans sa musette cinq drapeaux étaient saisis. Inculpé pour activité en faveur du parti communiste interdit, il comparut le 16 octobre 1940 devant la 12e Chambre correctionnelle qui le condamna à dix mois de prison pour infraction au décret du 26 septembre 1939. Il fut libéré le 3 août 1941 de la centrale de Poissy (Seine-et-Oise, Yvelines). Il travailla en qualité d’ingénieur à l’Office de Répartition des machines-outils 1 rue Lord Byron à Paris (VIIIe arr.).
L’agression des troupes hitlériennes le 22 juin 1941 contre l’Union Soviétique contribua à le renforcer dans ses convictions communistes et antifascistes. Il habita avec Eugénie Lalet au 44 rue Duranton à Paris (XVe arr.). Le couple présenta des pièces d’identités falsifiées portant les noms de Raoul et Hélène Fartières pour louer ce très modeste logement. La police arrêta la sœur de Robert Fournier, Jeanne le 2 avril 1942. Celle-ci dactylographe à la Compagnie des chemins de fer du Nord avait été surprise par son chef de service alors qu’elle tapait un stencil reproduisant le n° 153 du 14 mars 1942 de l’Humanité clandestine.
Des inspecteurs de la BS1 interpellèrent Eugénie Lalet et Robert Fournier vingt-quatre heures plus tard. Dans le logement du couple les policiers saisissaient une machine à écrire, dix-huit stencils vierges, un livret de famille au nom de Fartières qu’au premier coup d’œil un policier apprécia comme « manifestement falsifié », plusieurs cartes d’identité en blanc, des cartes dont le libellé original a été gratté et portant le nom de Fartières, des projets de tracts… La carte d’identité maquillée au nom de Fartières ne résista pas non plus à l’examen des policiers. Dans la chambre ils saisissaient vingt stencils vierge, l’Humanité N° 152 et 153 du 9 et du 14 mars 1942, une lettre manuscrite signée de Jean Lagarigue (Raoul Bey) trouvée sur Robert Fournier, cinq cartes d’identité en blanc, quatre projets de tracts, des brochures… vingt-sept scellés au total.
Interrogé dans les locaux des Brigades spéciales, il affirma qu’il n’avait jamais été membre du parti communiste, mais sympathisant. Il avait entretenu des liens d’amitié avec Claude Lalet. Il assura ignorer que sa sœur Jeanne était sympathisante « des doctrines communistes ». Si elle avait acceptée de dactylographier un texte, c’était « simplement pour me rendre service ». Eugénie Lalet ayant déclarée que c’était elle qui demanda à Jeanne Fournier ce travail, il affirma que c’était lui. Il assuma la responsabilité de toutes les pièces saisies rue Duranton et la possession des deux numéros de l’Humanité clandestine N° 152 et 153 du 9 et du 14 mars 1942. Robert Fournier a été frappé à plusieurs reprises, concernant les « documents ayant traits à [son] activité politique », il répondit « Je refuse de m’expliquer ».
Robert Fournier comparut le 20 juillet 1942 devant la Section spéciale de la Cour d’Appel de Paris. Quatre autres inculpés étaient dans le box des accusés : Eugénie Lalet, Jeanne Fournier, Madeleine Castille et Pierre Castille. Les juges lui infligèrent la condamnation la plus lourde : dix ans de travaux forcés. Incarcéré à la Santé, il était envoyé le 14 septembre 1942 à la prison de l’Abbaye de Fontevrault (Maine-et-Loire), réservée aux détenus ayant été condamnés à plus de sept ans de travaux forcés. Numéro d’écrou 2306, il était transféré le 17 septembre 1943 à la prison de Blois (Loir-et-Cher).
Le 28 février 1944, au départ de la gare de l’Est quarante-neuf détenus enfermés dans des wagons voyageurs aux fenêtres grillagées prenaient la direction de Sarrebruck (Allemagne). Ils y arrivaient le lendemain, tous furent dirigés un mois plus tard sur le camp de Mauthausen (Autriche).
Tous étaient dits « NN ». Ce sigle a été attribué par la Police allemande et non par le Haut-Commandement de la Wehrmacht qui, selon le décret Keitel de décembre 1941, fondateur de la procédure « Nacht und Nebel » (condamné à disparaître), devait prendre en charge cette catégorie de déportés. La police allemande utilisait le sigle « NN » uniquement pour déporter des détenus en Allemagne sans intention de les juger.
Matricule 60737, Robert Fournier fut envoyé au kommando de travail à Gusen, les détenus travaillaient pour les usines Steyr, Daimler, Puch et Messerschmitt à la fabrication des pièces de fusils et des moteurs d’avions. En 1944 des galeries souterraines abritèrent progressivement des chaînes de montage, des milliers de déportés travaillèrent aux travaux de creusement. Robert Fournier mourut le 5 mai 1945.
Sa mère Madeleine Fournier témoigna devant la commission d’épuration de la police, elle déclara ignorer « s’ils [Eugénie Lalet et son fils Robert] ont été maltraités lors de leur séjour à la Brigade spéciale ».
Son nom a été gravé sur la plaque commémorative de la société des Arts et Métiers au 151 boulevard de l’Hôpital à Paris (XIIIe arr.), et sur celle posée à l’entrée de la mairie de Drancy (Seine-Saint-Denis) honorant les déportés, internés et fusillés.
Le ministère des Anciens combattants lui attribua la mention « Mort pour la France », Robert Fournier a été homologué combattant des Forces françaises de l’intérieur (F.F.I.) au titre de la Résistance Intérieure Française (R.I.F.) et Déporté Interné résistant, décoré à titre posthume Chevalier de la Légion d’Honneur, de la Croix de Guerre avec palmes et de la Médaille de la Résistance.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article186272, notice FOURNIER Robert, Henri alias FARTIÈRES Raoul par Daniel Grason, version mise en ligne le 25 octobre 2016, dernière modification le 3 mai 2020.

Par Daniel Grason

SOURCES : AN Z/4/54 dossier 376 (transmis par Gérard Larue). – Arch. PPo. PCF carton 12 activité communiste, BA 2056, KB 89. – SHD, Caen 21 P 186685. – Bureau Résistance GR 16 P 231665. – Roger Poitevin, Abbaye-Bagne de Fontevraud 1940-1944, Éd. AFMD 49, 2009. – Livre-Mémorial, FMD, Ed. Tirésias, 2004. – Site internet GenWeb. — Notes Claude Fournier, fils de Robert Fournier.
PHOTOGRAPHIE : AN Z/4/54 dossier 376.

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