HAYOUN René

Par Jean-Sébastien Chorin

Né le 11 novembre 1894 à Tunis (Tunisie), exécuté sommairement le 17 août 1944 à Bron (Rhône) ; naturalisé français ; confiseur forain ; résistant.

René Hayoun était le fils de Rahmin Hayoun et de Zouaiza Gozlan. Il s’installa en France avant 1914. Il fut soldat pendant la Première Guerre mondiale. Le 26 décembre 1935, il fut naturalisé français par application de la loi du 5 août 1914 autorisant le gouvernement à accorder la nationalité française aux étrangers engagés pour la durée de la guerre. René Hayoun vendait du nougat sur les fêtes foraines. Marié avec Isabelle Marguerite Fleuret, il eut onze enfants dont sept survécurent : Louise née en 1923 au Mans (Sarthe), Robert né en 1925 à Dijon (Côte-d’Or), Gilberte née en 1926 à Rambervillers (Vosges), Gérard et Roland nés en 1930 et 1931 à Mâcon (Saône-et-Loire) et Jim et Roger nés en 1938 et 1940 à Lyon (IIIe arr., Rhône).
Après la déclaration de la guerre en 1939, les Hayoun ne purent circuler librement et durent installer leurs caravanes au Marché Gare de la ville de Lyon (IIe arr.). Puis, du fait de leur trop grande proximité avec les voies de chemin de fer de Lyon-Perrache, on leur donna l’ordre de s’établir dans le quartier de Montessuy à Caluire-et-Cuire (Rhône), place Edouard Herriot.
René Hayoun n’appartenait à aucun mouvement ou réseau mais il eut des activités en lien avec la Résistance. Alphonse Gall, agent des groupes francs de Combat et voisin de René Hayoun, l’entendit à maintes reprises manifester des sentiments anti-allemands et anti-vychistes. René Hayoun donna de l’argent à des réfractaires au Service du travail obligatoire recrutés par Alphonse Gall pour le maquis. Sa fille aînée, Louise Hayoun, témoigna qu’il aida également de jeunes Juifs à échapper aux rafles : « notre mère ignorait totalement, seulement moi, mon frère et ma sœur le savions car nous étions concernés, comme sur la fête foraine il y avait beaucoup de rafles ; nous ne savions pas qui prévenait notre père et il nous disait de prévenir le plus de jeunes gens et jeunes filles qui venaient sur la fête. Il y avait beaucoup de parisiens qui étaient venus à Lyon, ils étaient juifs, nous avions beaucoup d’amis parmi eux et bien souvent on ne pouvait pas les prévenir ne sachant pas où les trouver et parfois nous avions juste le temps d’en mettre deux ou trois sous notre banc, dans notre confiserie mais malheureusement il y en avait qui se faisaient emmenés devant nos yeux et l’on ne pouvait rien faire pour eux, seulement prévenir leurs familles par d’autres camarades ».
Le 11 juillet 1944, René Hayoun fut arrêté à Lyon puis interné à la prison de Montluc (Lyon) dans la « baraque aux Juifs ». D’après sa femme, il fut appréhendé place du Pont (Place Gabriel Péri entre les IIIe et VIIe arr.), à 17 heures, « par un nord-africain qui faisait partie de la Gestapo ». D’après elle, il fut incarcéré à Montluc pour motif racial et pour propagande anti-allemande. Sa fille aînée donne une version légèrement différente des circonstances de son arrestation. D’après son témoignage, c’est le 10 juillet que René Hayoun disparut alors qu’il était parti faire des « courses pour sa famille nombreuse » : « Le 10 juillet notre père allant à Lyon dans la matinée comme à l’habitude n’étant pas rentré pour le repas de midi, cela nous a pas paru normal, la journée passée et toujours rien. Le 11 juillet – Moi-même, mon frère Robert , ma sœur Gilberte ; comme nous étions les plus âgés des enfants, nous sommes partis à sa recherche, allés demander partout où nous supposions qu’il pouvait être passé faire ses emplettes et voir des personnes de sa connaissance, nous n’avons eu aucun résultat en ayant chercher toute une journée ». Le 12 juillet, Isabelle Hayoun et ses sept enfants furent arrêtés par des agents de la Gestapo. Ils furent conduits au siège de la Gestapo, place Bellecour, puis à la prison de Montluc. Isabelle Hayoun et ses deux filles furent incarcérées dans la cellule 8. Son fils aîné, Robert Hayoun, fut emprisonné dans la « baraque aux Juifs ». Les quatre plus jeunes fils furent gardés à l’hôpital de l’Antiquaille. Le 22 juillet, la mère et les enfants furent transférés à Drancy. Isabelle Hayoun subit plusieurs interrogatoires, les Allemands cherchant à savoir si René Hayoun était un « terroriste ».
Le 14 août 1944, eurent lieu des bombardements sur la base aérienne de Bron (Rhône). Devant l’ampleur des dégâts, les Allemands décidèrent de faire travailler sur le camp d’aviation des détenus juifs de la prison de Montluc.
Le 17 août, à 9 heures du matin, 50 prisonniers furent extraits « sans bagage » de la « baraque aux Juifs ». Le gardien Wittmayer fit l’appel et, à la dernière minute, les Allemands remplacèrent deux catholiques par des Juifs. Ils furent embarqués sur trois camions gardés par des soldats allemands armés de mitraillettes, puis amenés sur le champ d’aviation de Bron. A Bron, les prisonniers furent répartis par groupes de trois et contraints de rechercher, d’extraire et de désamorcer des bombes non éclatées. Vers midi, ils furent dirigés près d’un hangar pour déjeuner. L’un des détenus, Jacques Silbermann, profita de cette occasion pour s’évader. Après des menaces de représailles et de vaines recherches, les soldats allemands conduisirent les 49 détenus sur le chantier pour reprendre le travail. A 18h30, alors que les prisonniers remontaient sur un camion pour regagner Montluc, un major allemand donna l’ordre de les amener sur un autre chantier. Les 49 détenus furent conduits près de trois trous d’obus au dessus desquels ils furent exécutés par balles. Leurs corps furent ensuite recouverts de terre et de gravats.
Le lendemain, 18 août, 23 détenus juifs de Montluc, dont au moins 20 de la « baraque aux Juifs », furent également conduits sur le terrain d’aviation de Bron. Ils subirent le même sort que les prisonniers de la veille. Ils furent exécutés au-dessus d’un trou d’obus après avoir recherché, extrait et désamorcé des bombes non éclatées toute la journée.
Le 19 août, le chef de la « baraque aux Juifs », Wladimir Korvin-Piotrowsky, dû remettre « en tas » les bagages des 70 prisonniers juifs de la baraque aux autorités allemandes.
En septembre 1944, cinq charniers furent découverts sur le terrain d’aviation de Bron. Le corps de René Hayoun fut retrouvé le 4 octobre 1944 dans le charnier E, situé entre les charniers C et D et contenant 26 cadavres. D’après le rapport du médecin légiste, il avait été tué d’une balle dans la tête. Grâce au témoignage du seul rescapé de l’exécution du 17 août, Jacques Silbermann, nous pouvons déduire que René Hayoun faisait vraisemblablement partie du groupe des 49 exécutés du 17 août 1944.
Son corps fut décrit comme suit : 1m70, cheveux bruns. Il fut d’abord enregistré sous le numéro 90 puis identifié le 27 octobre 1944. Il fut inhumé à Bron.
Il obtint la mention Mort pour la France en 1946 et le titre d’interné politique en 1954.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article187222, notice HAYOUN René par Jean-Sébastien Chorin, version mise en ligne le 24 novembre 2016, dernière modification le 29 novembre 2020.

Par Jean-Sébastien Chorin

SOURCES : DAVCC, Caen, dossier de René Hayoun. — Arch. Dép. Rhône, 3335W22, 3335W11, 3335W27, 3335W12, 3335W21, 3460W1, 3808W866, 31J66. — Bulletin de l’Association des Rescapés de Montluc, N°18, mai 1946. — Bulletin de l’Association des Rescapés de Montluc, N°23, octobre 1946. — Pierre Mazel, Mémorial de l’oppression, fasc. 1, Région Rhône-Alpes, 1945. — Journal officiel de la République française, lois et décrets, 5 janvier 1936.— Site Internet de Yad Vashem

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