DEPOTTE Ursmar, Léon. Surnom : Eul Duc.

Par Jean Puissant

Mainvault (pr. Hainaut, arr. Ath), 4 octobre 1872 – Irchonwelz (pr. Hainaut, arr. Ath), 4 août 1964. Agriculteur, militant socialiste, conseiller communal et bourgmestre d’Irchonwelz, député socialiste de l’arrondissement de Tournai-Ath, sénateur provincial communiste du Hainaut.

Issu d’une famille de cultivateurs de Mainvault, fils d’Edouard Depotte qui « n’a pu signer faute d’instruction » et d’Elisa Dardenne, couturière, Ursmar Depotte est l’aîné de sept enfants. Il fréquente l’école communale jusqu’à l’âge de onze ans, aide ses parents puis, étant l’aîné, succède à son père à la tête d’une petite exploitation dans cette petite commune rurale, En 1892, il tire un mauvais numéro et fait trois ans de service militaire. Il y fait trois jours de cachot en 1894 pour avoir lu Le Peuple. C’est à la suite de son mariage qu’il devient cultivateur indépendant à Irchonwelz (1895), après avoir travaillé un moment en France. Il devient propriétaire de deux hectares et vingt-trois ares et louerait une cinquième d’ares. Il perd cette location en 1925, en raison, dit-il, de ses activités politiques. Son exploitation s’est néanmoins étendue.

Cultivateur dans une commune rurale, Ursmar Depotte est néanmoins candidat du Parti ouvrier belge (POB), puis élu avec un compagnon, conseiller communal en 1911. Durant la Première Guerre mondiale, il fait partie du bureau des récoltes de la province de Hainaut, section du Comité national de secours et d’alimentation (CNSA).

En 1921, le POB obtient trois élus sur sept dans la commune. En 1924, Ursmar Depotte devient membre du Comité de la Fédération socialiste de Tournai-Ath (pr. Hainaut). En 1932, le POB emporte la majorité absolue, avec quatre élus, contre un cartel catholique-libéral. Depotte est bourgmestre d’Irchonwelz de 1932 au 29 décembre 1941. À cette date, il est démis par l’autorité occupante pour refus de réquisition. Il retrouve son mandat communal de la Libération à 1946, date à laquelle une coalition, réunissant socialistes, catholiques et libéraux, met fin à sa mainmise sur la commune.

Ursmar Depotte, député suppléant de l’arrondissement de Tournai-Ath depuis 1919, devient député effectif, à la suite du décès de Joseph Defaux*, du 1er juillet 1931 à 1932, puis, en remplacement d’Émile Carlier, du 30 janvier 1934 à 1946. Premier au poll, il est directement réélu en 1936 et en 1939, Contesté à la Fédération en raison de son attitude pendant la Seconde Guerre mondiale, il rejoint le Parti communiste belge (PCB) et devient sénateur provincial du Hainaut du 7 mars 1946 à 1949.

Au sein des congrès du POB, Ursmar Depotte défend les « travailleurs de la terre ». Il fait partie du Comité agraire auprès du Conseil général du parti, où il est le membre le plus assidu.
Comme parlementaire, Depotte est surtout intervenu pour défendre les petits agriculteurs ; « les intérêts de la classe paysanne tout comme ceux de la classe ouvrière se confondent avec les intérêts supérieurs de la Nation » (30 mars 1938). Il exige la révision des baux à ferme et revendique leur allongement à dix-huit ans, avec allongement du préavis de rupture de bail. En 1938, avec des collègues socialistes, il dépose trois propositions de loi : la constitution de commissions paritaires (locataires-propriétaires ayant à connaître la révision des baux), la création de comices agricoles permettant la représentation des petits paysans, la mise à charge du propriétaire de l’impôt foncier.

Ursmar Depotte participe au premier Congrès des socialistes wallons où il défend les intérêts des petits paysans. Il est administrateur de l’École provinciale de culture et d’élevage d’Ath de 1920 à 1964 et de l’École des fermières de Flobecq (pr. Hainaut, arr. Ath) de 1931 à une date non précise.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Ursmar Depotte est donc démis de ses fonctions mais, attaqué au sein du conseil communal et de la Fédération socialiste d’Ath, il est accusé d’avoir sollicité le secrétaire général du ministère de l’Intérieur, Gérard Romsée, collaborateur de l’occupant allemand, pour rester en place. La commission d’honneur du Parti socialiste belge (PSB) le décharge de ses mandats. Fort d’une déclaration de non-collaboration des autorités officielles (6 décembre 1944), d’une lettre du gouverneur du Hainaut, Émile Cornez, Depotte tente en vain de renverser la décision. Il démissionne du PSB puis demande son adhésion au PCB « pour voir se créer le grand parti unique des travailleurs » (28 juin 1945). Il y est accepté, après réception d’une lettre, datée du 24 juillet 1945, du secrétaire national du PSB, Ernest Piot* à Jean Terfve*, responsable des cadres du PCB, qui souligne que Depotte « est un parfait bon camarade ». Cette adhésion est conditionnée à une déclaration publique à la chambre d’adhésion du PC et l’engagement de rétrocéder son indemnité parlementaire au parti.

Ursmar Depotte plaide habilement auprès de la direction du PCB pour être tête de liste au Sénat dans l’arrondissement d’Ath-Tournai (défenseur des intérêts agricoles, président de l’Association des pensionnés, membre du Conseil des habitations ouvrières et de la petite propriété terrienne). Deux sénateurs communistes sont élus en 1946 à Thuin et à Mons grâce à l’apparentement provincial, mais pas à Tournai-Ath. Se prévalant des bons résultats communistes dans l’arrondissement sénatorial (plus 15.000 voix), il revendique et obtient un mandat de sénateur provincial.
Au Sénat, Depotte intervient sur des sujets « agricoles » du même ordre qu’auparavant. En 1949, il plaide, malgré « son âge », pour figurer en tête de liste, en raison de sa notoriété dans cet arrondissement rural, tandis qu’on a choisi « un jeune inconnu », André Delrue*.

Ursmar Depotte évoque son action militante avec son petit-fils : prises de parole, vente de La Vie rurale et du Drapeau rouge, de Voici l’URSS. Dans une notice nécrologique, Marion Coulon, militant socialiste, pédagogue et directeur général au ministère de l’Éducation nationale, laisse entendre que Depotte lui aurait confié : « Entre nous, avouez que, pour un ancien ouvrier, je n’ai pas mal tiré mon plan… » (L’Écho de la Dendre, 22 août 1964).

Époux en 1895 de Stella Wattiez (1875-1966) sans profession et donc aidante à la ferme, Ursmar Depotte a une fille et un fils qui lui succède à la tête de l’exploitation. Il est enterré civilement le 6 août 1964. Il est détenteur de la médaille de 3e classe du CNSA (1914-1918), de la Médaille civique de 1ère classe et est chevalier de l’Ordre de Léopold.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article187708, notice DEPOTTE Ursmar, Léon. Surnom : Eul Duc. par Jean Puissant, version mise en ligne le 13 décembre 2016, dernière modification le 9 septembre 2020.

Par Jean Puissant

SOURCES : CArCoB, dossier n° 3030 – VAN MOLLE P., Le Parlement belge 1894-1969, Ledeberg-Gand, 1969, p. 105 – Article de Marion Coulon dans « L’Écho de la Dendre, 22 août 1964 – LEFRANCQ C., Essai sur les origines et le développement du parti socialiste athois, Tournai, PAC Hainaut Occidental, 1984, p. 113 – DELHAYE J.-P., DUCASTELLE J.-P., DUVOSQUEL J.-M., SONNEVILLE, M., 1885-1985. Histoire des fédérations. Hainaut occidental, Bruxelles, 1985, p. 81-82, 137, 171 (Mémoire ouvrière, 4) – Notice réalisée par Delphine Denoiseux, Section Information et communication de l’Université libre de Bruxelles, 2005.

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