CARPITA Paul

Par Jean-Claude Lahaxe

Né le 11 novembre 1922 à Marseille (Bouches-du-Rhône), mort le 24 octobre 2009 à Marseille ; instituteur et cinéaste ; militant communiste.

Paul Carpita naquit dans le quartier du Panier, à Marseille, où son père exerçait le métier de docker avant de devenir marin sur la ligne reliant Marseille à l’Algérie. Sa mère, issue d’une famille de six enfants, travailla comme poissonnière des rues dès l’âge de douze ans. Malgré de grandes difficultés matérielles, les parents de Paul Carpita permirent à leurs trois enfants de poursuivre leurs études. Sachant leur fils Paul passionné par les images et les récits, ils lui achetèrent à l’âge de huit ans un projecteur pour enfants.

Paul Carpita participa à la Résistance dans les rangs des groupes urbains des FTPF et adhéra au Parti communiste en 1943. Il se retrouva seul avec son frère à la Libération après la disparition de ses parents. En 1946, Paul Carpita devint instituteur dans une classe des quartiers nord de la ville. Il manifesta une importante activité militante : il adhéra au syndicat des instituteurs, aux Combattants de la Paix et de la Liberté et fut membre du bureau fédéral des Vaillants et des Vaillantes.

Toujours passionné de cinéma, Paul Carpita fonda le groupe Cinépax. Dès 1947, il réalisa un court-métrage consacré aux équipes de choc de la municipalité Cristofol et Nous voulons vivre, plaidoyer contre la bombe atomique. En 1948, ce fut Vers la lumière ou Pour que nos jours soient toujours roses, traitant des problèmes de l’enfance dans les taudis de Marseille. Paul Carpita réalisa des bandes d’actualités sur la grève des dockers de 1950, tourna Marseille sans soleil prépare le printemps en 1951 en y intégrant des actualités du défilé du 1er mai, filma les cérémonies du 14 juillet avec l’équipe de « Provence actualités ». Ces dernières bandes d’actualité allaient servir de base de départ pour une fiction intitulée Les Messagers du ciel. Paul Carpita réalisa aussi cette année-là son premier long-métrage en 16 mm. Intitulé Je suis né à Berlin, ce film relatait sous une forme romancée le Festival mondial de la jeunesse où il rencontra sa future épouse. Projeté le 5 juillet 1952 à Saint-Just dans le cadre de la commémoration de l’appel du 10 juillet 1940, le film reçut la médaille d’or au Festival de Bucarest en 1953.

Paul Carpita se lança en 1953-1954 dans la réalisation de son premier long-métrage en 35 mm. Intitulé Le printemps a besoin des hommes, cette œuvre devint ensuite Le Rendez-vous des quais. Tourné sans autorisation pendant les temps libres des membres de l’équipe, le film était destiné à évoquer le refus des dockers marseillais de charger des armes pour l’Indochine. Durant cette période, Paul Carpita dispensa dans les locaux de La Marseillaise une série de cours techniques sur le cinéma et tourna Rencontre à Varsovie, nouveau documentaire romancé sur le Festival mondial de la jeunesse de 1954 (médaille d’argent lors du Festival de Moscou de 1956).

Présenté, sous une forme encore inachevée devant le Ciné-Club Action à Paris, Le rendez-vous des quais fut aussi projeté dans la salle du sous-sol de l’annexe du Comité central au 19 rue Saint Georges en présence de François Billoux, Victor Joannès, Paul Courtieu, Léon Mérino, Gaston Viens et de Jean Jérôme. Ce dernier décida d’imposer quelques modifications au scénario. Le film fut frappé par une interdiction totale d’exploitation en juillet 1955. Sous le titre Le Printemps des hommes, sa projection au cinéma Rex fut pourtant annoncée à plusieurs reprises dans La Marseillaise, le quotidien communiste indiquant successivement les 2 et 9 octobre comme date retenue pour l’événement. Les témoignages de Paul Carpita et des militants de cette époque situent la saisie du film soit lors d’une projection au cinéma Saint-Lazare, soit lors d’une fête organisée pour les dockers dans un cinéma du quartier de la Belle de Mai. Cette imprécision quant au lieu et à la date de la saisie du film est renforcée par le silence total de la presse communiste marseillaise et nationale. L’événement ne fut pas plus abordé lors des réunions d’octobre 1955 du secrétariat et du bureau politique du PCF.

Paul Carpita s’orienta alors de nouveau, entre 1960 et 1968, vers les courts-métrages en 35 mm. En collaboration avec Film et Son, société de production marseillaise dirigée par A. Valle, il réalisa successivement La Récréation en 1958 et Marseille sans soleil en 1960. Dans ces œuvres, Paul Carpita mêlait une dénonciation de la guerre d’Algérie à des innovations souvent « empruntées » par la suite par d’autres cinéastes. En 1964, il tourna Des lapins dans la tête (Grand prix des Rencontres internationales du film pour la jeunesse à Cannes) et Graines au vent, où il exprimait son amour de l’enfance et son refus d’un système éducatif trop rigide.

Ayant décidé de se consacrer totalement au cinéma à partir de 1968, Paul Carpita quitta l’enseignement pour créer la société Profilm et réalisa Les Fleurs de glais, tiré d’une nouvelle de Frédéric Mistral. En 1970, il tourna Demain l’amour pour dénoncer la guerre d’Algérie. Dans Adieu Jésus, réalisé à partir d’un fait divers, il s’en prit à l’indifférence entourant les sans-abri. Paul Carpita travailla ensuite à une série de films industriels comme Des sous-marins et des hommes, primé au festival de Biarritz. Il réalisa deux moyens-métrages avec les associations de défense des riverains du Rhône : Vallée du Rhône, la colère en 1981, suivi en 1987 du Rhône, la mer, danger pollution qui fut présenté au Parlement européen de Strasbourg.

En 1989, il eut la joie de voir renaître Le Rendez-vous des quais grâce à la découverte et à la remise en état des bobines originales. Une première projection se déroula avec l’aide de la municipalité communiste du XVe arrondissement de Marseille en juin 1989. Paul Carpita entreprit en 1995 le tournage de son deuxième long-métrage intitulé Les Sables mouvants, d’après un scénario de 1950 intitulé Les Humiliés. Il réalisa en 2002 Marche et rêve. Les homards de l’utopie, une fiction mêlant comédie et dénonciation des méfaits de la société née de la mondialisation.

Paul Carpita était venu assister le 13 mars 2009 au cinéma Le Renoir à Martigues à la projection de Rencontre à Varsovie. Sans rien renier de ses engagements passés, il avait à cette occasion évoqué son désenchantement lorsqu’il avait pris conscience de l’écart entre le contenu du message de ce film/documentaire et les événements de Hongrie en 1956. En compagnie de Claude Martino qui se trouvait déjà à ses côtés pour réaliser Marche et rêve, Paul Carpita préparait un nouveau film provisoirement intitulé Le Dessin. Sa disparition a été saluée par de nombreux éloges. L’Humanité parle d’un « grand cinéaste et homme de cœur », La Marseillaise d’« une voix qui émerge du peuple », Pierre Dharéville (secrétaire départemental PCF 13) salue celui qui « a toujours été du côté des humbles, de ceux qui luttent, de ceux qui espèrent ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article18773, notice CARPITA Paul par Jean-Claude Lahaxe, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 6 avril 2022.

Par Jean-Claude Lahaxe

SOURCES : Arch. Dép. des Bouches-du-Rhône, dossier 148 W 293, rapport de police du 23 août 1951. — La Marseillaise, 1950-1993. — Rouge-Midi, 25 mars 1947. — Provence-Nouvelle, 23 avril 1949. — L’Humanité, 10 juin 1989, 10 avril 1993. — La Vie Ouvrière, semaine du 26 juin au 2 juillet 1989. — Télérama, 17-23 février 1990. — R. Chirat, La IVe République et ses films. Bibliothèque du cinéma. FOMA 5. Continents. CH. 1020 Renens. juillet 1985. — F. Barbaro, Cahiers du Cinéma, n° 428, février 1990. — « Images de la Provence. Les représentations iconographiques de la fin du Moyen-Âge au milieu du vingtième », Colloque du Centre Méridional d’Histoire, Presses de l’Université de Provence, 1992. — Le Rendez-vous des quais, brochure d’Yves Rousset Rouard. — Brochure « Rétrospective Paul Carpita », éditée par Cinéma Public Film, juin 1998. — Déclarations effectuées à la revue Accent, mensuel du département des Bouches-du-Rhône, numéro spécial de juin 1998. — Déclarations du 14 septembre 1996 et du 17 avril 1998, revues en juin 2001. — Émission « Au bon plaisir de... », France-Culture, 20 juin 1998. — Déclarations effectuées au cinéma Le César à Marseille lors de la rétrospective de son œuvre (25 et 29 juin 1998). — Paul Carpita cinéaste franc-tireur, entretiens avec Pascal Tessand, préface de Ken Loach, L’échappée, 2009, 160 p.

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