CARREGA Noël

Par Antoine Olivesi

Né le 27 janvier 1897 à Bonifacio (Corse) ; contrôleur d’octroi de la ville de Marseille (Bouches-du-Rhône) ; socialiste SFIO et syndicaliste CGT des Bouches-du-Rhône.

Fils d’Antoine Carrega et de Victoire Rocchini, Noël Carrega, contrôleur d’octroi à la ville de Marseille, fut une figure importante du syndicalisme CGT local. Il habitait la commune de Septèmes-les-Vallons dans la périphérie de Marseille. Noël Carrega était secrétaire du syndicat CGT des employés d’octroi en 1925 à Marseille. Dix ans plus tard, il était vérificateur d’octroi et secrétaire général du syndicat CGT des employés municipaux de cette ville qui regroupait à cette époque, selon un rapport préfectoral, environ 3 000 adhérents.
Carrega dirigeait déjà ce syndicat en 1932 et se trouvait, cette année-là, à la fois en conflit avec les dirigeants de l’UL-CGT et la municipalité sabianiste. Il reprochait aux premiers « leurs basses manœuvres » à propos du problème des retraites et des assurances sociales. Selon Charles Nédelec, son syndicat aurait même été exclu de la CGT en décembre 1932. À la même époque, à propos du paiement des heures supplémentaires des employés municipaux, Carrega se plaignit des « actes fascistes » de Sabiani dont les partisans empêchèrent, par l’obstruction et la menace, une assemblée de se tenir. Pourtant, l’année suivante, Carrega était réconcilié avec Sabiani puisque Jean Cristofol l’accuse, dans Rouge-Midi, de faire partie de son comité de Noël des enfants de chômeurs « alors qu’il était jadis à couteaux tirés avec lui ». Carrega se justifia dans une lettre au Petit Provençal, où il déclara ne pas vouloir solliciter le renouvellement de son mandat syndical, écœuré par les calomnies dont il était l’objet. Il évoqua ses conflits avec la municipalité Ribot-Sabiani au sujet des salaires et des problèmes d’avancement.
En définitive, Carrega conserva son mandat syndical et fit appel à la grève pour le 12 février 1934. Appuyé par la CGT et par les socialistes (Tasso), il confirma sa lutte contre la mairie et dénonça les « jaunes ». Au cours de l’année 1934, il se joignit au mouvement général de protestation contre les mesures prises par le gouvernement contre les fonctionnaires, et notamment au meeting du Cartel confédéré des services publics, le 15 avril, aux côtés des dirigeants confédérés et unitaires, car il était également secrétaire de la Fédération des Bouches-du-Rhône des Services publics. D’où ses démarches à la préfecture et ses discours contre les décrets-lois au mois de mai. Le 8 juin, il fut élu à l’unanimité secrétaire de la Fédération régionale des Services publics au VIIIe congrès tenu à La Ciotat.
Carrega participa ensuite à toutes les actions de la période du Front populaire et conserva ses mandats syndicaux après la réunification de la CGT. Il lut l’ordre du jour qui sanctionna le congrès de fusion du Syndicat réunifié des Travailleurs municipaux lors de l’Assemblée générale à Marseille le 12 décembre 1935 et fut élu secrétaire général du nouveau syndicat.
Au point de vue politique, il appartenait au Parti socialiste SFIO. Lorsque ce dernier s’empara de l’Hôtel de ville après les élections municipales de 1935, il entra en conflit avec Raymond Vidal, adjoint aux Finances, quand celui-ci, pour faire face au déficit du budget communal, envisagea, entre autres mesures d’économie, de licencier une partie du personnel municipal en surnombre. Carrega qualifia le rapport de R. Vidal d’« incohérent » et rejeta sur la municipalité précédente, Ribot-Sabiani, la responsabilité du désordre financier. Il défendit quant à lui les intérêts des membres de sa corporation et de son syndicat. Cette polémique entre Carrega et Raymond Vidal fut publiée, sous la forme d’échanges de lettres, et avec un malin plaisir, par le journal de droite Marseille-Matin, alors que le quotidien de la gauche, Le Petit Provençal, se montra plutôt évasif à propos de cette querelle, en octobre 1937.
Au congrès de l’UD-CGT de juin 1938, Carrega vota contre le rapport moral de Charles Nédelec. Cependant, au cours de l’été 1939, en sa qualité de secrétaire général de la Fédération de la 8e Région des Services publics, il participa avec les communistes et les autres forces de gauche aux actions de protestation contre le licenciement des nombreux employés municipaux marseillais décrété par le gouvernement et appliqué par l’administrateur de tutelle. Il attaqua violemment Paul Reynaud. « Notre cause est juste » déclara-t-il au cours d’un grand meeting.
Après la déclaration de guerre et l’exclusion des communistes, Carrega devint secrétaire adjoint de l’UD-CGT en novembre 1939 et secrétaire général en juillet 1940. Membre du comité syndical de coordination, créé à l’initiative de René Belin avec les responsables de Fédérations ou d’UD de tendance Syndicats, il proposa une motion de soutien à Belin à la réunion de Nîmes du 6 octobre 1940, proposition qui fut adoptée à l’unanimité. À la réunion de Toulouse, il fut nommé membre de la commission d’études de neuf membres qui allait participer à la préparation de la Charte du Travail. Secrétaire général de la VIIIe région des services publics dont le siège était à Lyon, il collabora avec Roger Lefèvre*, secrétaire de la Fédération des services publics, et avec le journal de Louis Bertin, Au Travail.
À Marseille, il participa à la rencontre entre les dirigeants locaux de la Légion française des combattants et les représentants des conseils syndicaux le 14 mars 1941 à la Bourse du travail qui aboutit à la signature d’un accord de principe appelant au soutien à la politique du Maréchal et de René Belin. L’UD appela à se joindre à la cérémonie du 1er mai 1941 à l’Opéra afin de célébrer la « fête du Travail et de la concorde sociale ». Au début du mois de juin suivant, lors de la venue de Belin à Marseille, Carrega était partie prenante de la réunion organisée à la Chambre de commerce avec les représentants des syndicats chrétiens (Nicolas Caccavale) et des syndicats professionnels (Claude Reynaud). Il accueillit à cette occasion Belin à la Bourse du Travail fermée depuis vingt mois et dont une grande salle fut rebaptisée « Salle du manifeste du 10 octobre » en hommage au discours du Maréchal qui annonçait, entre autres, l’organisation des métiers au sein d’un régime « hiérarchique et social ». Carrega présida le conseil d’administration de la Chambre du Travail installée par le préfet régional le 27 octobre 1942. Cette chambre, dont le vice-président était Reynaud des Syndicats professionnels, réunissait les représentants de la CGT, des syndicats chrétiens, des syndicats professionnels français et du syndicat des ingénieurs et cadres ; elle se voulait une sorte de comité d’entente chargé de maintenir liaison interprofessionnelle en dépit de la Charte du Travail. Soupçonné de double jeu, il fut dénoncé aux autorités par l’ancien secrétaire général des syndicats professionnels français. Il est vrai qu’il intervint en faveur de militants internés, dont le communiste Jules Sébastianelli, libéré en juin 1942. De même, il protégea le trotskiste François Cruchandeau en le faisant travailler à la Bourse du Travail à sa sortie de camp d’internement en septembre 1943. Bref, il mena, selon l’expression d’un militant communiste, « un drôle de jeu ». Il démissionna de la présidence de l’UD des syndicats avec l’ensemble du comité directeur en février 1944 et persista dans sa démission de la présidence de la Chambre du Travail du département en dépit de la demande du préfet Barraud.
À la Libération de Marseille, son nom était porté sur la liste des personnalités à arrêter dressée sous l’égide du Comité départemental de Libération. Il fut interné à la prison Saint-Pierre le 5 octobre 1944, puis transféré à la prison des Baumettes. Aucune accusation n’étant portée à son dossier, son arrêté d’internement fut rapporté le 28 mars 1945. Il demanda à passer devant le comité d’épuration de la mairie de Marseille qui le réintégra à l’unanimité. Il fut nommé chef du service social de la ville. Au même moment, le 25 mai 1945, la CGT l’excluait à vie pour « chartisme » et collaboration au journal Au Travail par la commission départementale des Bouches-du-Rhône, décision ramenée à cinq ans le 30 octobre suivant par la commission nationale présidée par Lucien Jayat.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article18793, notice CARREGA Noël par Antoine Olivesi, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 14 août 2022.

Par Antoine Olivesi

ŒUVRE : Articles dans Le Midi syndicaliste, notamment les 1er et 15 avril 1936.

SOURCES : Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, M6/11379 (ancienne cote, rapport cité) ; XIV M 24/62, rapports des 16 janvier, 17 novembre et 13 décembre 1932, 22 janvier 1935, 3 août 1939, XIVM 25/65 bis, 5 W177 (Cruchandeau), 5 W 214 (Sébastianelli), 5 W 228 (arrêté collectif d’internement), 56 W 46 (dossier de non lieu Mazzoni-Millet), 76 W 134 rapports 29 février et 7 mars 1944. — Arch. com. de Marseille, listes électorales de 1935. — Le Petit Provençal notamment les 19 octobre et 5 décembre 1933, 10, 12 et 15 février, 5 et 27 avril, 3 et 28 mai, 17 juin 1934 (photo), 13 décembre 1935, 26 juin 1938, 6 novembre 1939. — Rouge-Midi, 22 décembre 1933. — Le Midi syndicaliste, 1er et 15 avril 1935 (photo). — Provence Socialiste, notamment le 4 août 1939. — Marseille-Matin, 6 et 8 octobre 1937. — Compte rendu des travaux de la commission nationale de reconstitution des organisations syndicales, brochure éditée par la CGT, Versailles, 1946.— Jean-Pierre Le Crom, Syndicats, nous voilà ! Vichy et le corporatisme, Paris, Éditions de l’atelier, 1995.— Jeanne Siwek-Pouydesseau, « Les fonctionnaires de l’État et les agents territoriaux » in Michel Margairaz et Danielle Tartakowski (dir.), Le syndicalisme dans la France occupée, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 306 — Robert Mencherini, Vichy en Provence (1940-1942), Paris, Syllepse, 2009. - notes complémentaires Jean-Marie Guillon.

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