CARREZ Gilbert, René

Par Maurice Carrez, Jacques Girault

Né le 8 août 1931 à Montbéliard (Doubs), mort le 19 juin 2003 à Besançon (Doubs) ; instituteur, professeur de l’enseignement technique, puis principal adjoint de collège ; membre du comité fédéral communiste du Doubs (octobre 1955-juin 1956, mars 1960-novembre 1987 et 1989-2003), du bureau fédéral (mars 1960-1974, 1985-1994) et du secrétariat fédéral (1974-1985, 1994) ; secrétaire départemental de la FEN (octobre 1961-janvier 1967) et du SNI (septembre 1967-avril 1972), membre de la commission administrative nationale de la FEN, tendance « Unité et Action » (1967-1972) ; adjoint au maire (1983-1986), puis conseiller municipal de Besançon (1986-1989) ; conseiller régional de Franche-Comté (1983-1992) ; maire de Nans-sous-Sainte-Anne (1995-2003).

Fils unique d’un couple d’instituteurs, Gilbert Carrez passa sa jeunesse à Valentigney (Doubs) où son père était le directeur du cours complémentaire. Sa mère, née Lucie Laub, enseignait dans le même établissement. Le milieu familial était propice à l’engagement civique et politique. Son grand-père paternel, Émile Carrez, ancien instituteur et directeur d’école dans le Haut-Doubs, avait été un défenseur de Dreyfus et un militant laïc, ami du père de Louis Pergaud. Son grand-père maternel, cégétiste et communiste, perdit son emploi chez Peugeot à Hérimoncourt en 1931 et participa activement aux grèves de 1936. Son père, Jules Carrez, instituteur syndicaliste, militant des Amis de l’École émancipée, avait dirigé avec Boris Souvarine et Paul Rassinier Le Travailleur de l’Est, organe de la Fédération indépendante des communistes de l’Est. Sa mère, exclue en 1928 du PCF avec Lucien Hérard, membre de la Fédération unitaire de l’enseignement comme son mari, votait pour les candidats communistes après 1945.
L’occupation allemande, particulièrement dure dans le Pays de Montbéliard, constitua la première occasion pour Carrez d’entrer en action. Malgré son jeune âge, il servit parfois d’agent de liaison à son père, l’un des dirigeants de Libération Nord dans la région. Il transmit ainsi aux résistants de Bondeval (Doubs) l’ordre de partir pour le maquis du Lomont durant l’été 1944.
Carrez fut reçu au concours de l’École normale d’instituteurs de Besançon, puis, en raison de ses résultats scolaires, put intégrer la classe préparatoire « lettres » à l’École normale supérieure de Saint-Cloud du lycée Chaptal à Paris au début des années 1950. Il entra alors pleinement en politique, au détriment de ses études. Au début, attiré par le trotskysme, il fréquentait des militants lambertistes. Mais son engagement pour la défense du cinéma français et son appartenance à l’Union nationale des étudiants de France le rapprochèrent des communistes. La manifestation du 28 mai 1952 contre le général Ridgway lui fit franchir le pas de l’adhésion. Vers la même époque, membre du bureau depuis 1951, il remplaça Claude Frioux à la tête de la fédération des classes préparatoires littéraires en 1952-1953 et forma, avec André Kahane et Bescon, une sorte de triade communiste au sein de la direction de l’UNEF. Membre de la commission des étudiants de la fédération communiste de la Seine en 1952-1953, il exerça aussi des responsabilités au sein du journal Clarté. À la rentrée scolaire de 1953, ayant échoué au concours d’entrée à Saint-Cloud, titulaire de la propédeutique, il revint à l’École normale de Besançon où il participa à la fondation d’une cellule communiste. Il prit part, en 1953, au festival de la jeunesse en Roumanie et au congrès de l’Union internationale des étudiants en Pologne. Nommé en 1955 à Roulans, un village proche de Besançon, il poursuivit ses activités militantes à la cellule de Deluz, une bourgade voisine. Après son mariage en septembre 1955 avec la Finlandaise Vuokko Anneli Martin, il reçut son affectation dans une école primaire d’un quartier populaire de Besançon. Le couple eut un garçon, Maurice. Il suivit le stage national pour les instituteurs communistes en septembre 1955. Il fut classé cette année-là deuxième au concours de diffusion de la revue communiste l’École et la Nation.
Membre du bureau de la section communiste de Besançon, Carrez, élu en 1954 au comité de la fédération communiste du Doubs, entra au bureau fédéral en 1959. Il participa à la campagne des élections législatives de janvier 1956 en faveur de Louis Garnier et Léon Nicod, animant de nombreuses réunions publiques dans les villages et affrontant physiquement les partisans de Poujade.
Durant l’été 1956, Carrez fut appelé en Algérie, expérience très douloureuse car il condamnait sans détour ce conflit d’ordre colonial qu’il avait dénoncé publiquement dans un meeting improvisé sur le quai de la gare de Montbéliard. Incorporé à la base de l’Alma, à l’est d’Alger, objet d’une surveillance toute particulière de la part du commandement, il constitua un réseau communiste clandestin au sein de son bataillon. À la suite d’un incident au moment de la campagne pour le référendum de septembre 1958, il fut versé au 5e RCA, un régiment d’insoumis « musulmans », jusqu’à sa démobilisation. Revenu à Besançon au début 1959, il fut chargé par le PCF d’organiser la propagande clandestine auprès des appelés, tâche à laquelle il se consacra jusqu’au début 1963. En liaison avec des militants communistes de toute la France, il recevait ses directives de membres du comité central. Il fut l’intermédiaire entre des insoumis et leurs familles qui l’en remercièrent.
Carrez, de plus en plus engagé dans l’action syndicale, animateur départemental de la tendance « Unité et Action », fut porté en octobre 1961 au secrétariat de la section départementale de la FEN, puis en 1967 de celle du SNI, ce qui lui valut de longues inimitiés au sein des tendances rivales. Pour les élections du bureau national du SNI en 1963, il signa le texte pour les candidats au BN « Pour un SNI toujours plus uni, toujours plus fort » et fut candidat aux élections en décembre 1963. En décembre 1967, il figura sur la liste « Pour l’unité , l’action, l’efficacité du SNI ». Lors du congrès national du SNI, il intervint dans la discussion du rapport moral pour critiquer à propos de la direction d’écoles. Pendant six ans, il siégea aussi à la commission administrative nationale de la FEN. En 1968, sous sa direction, les instituteurs du Doubs furent parmi les premiers en France à voter la grève illimitée. Il était redevenu secrétaire de la section départementale du SNI responsabilité qu’il occupa jusqu’en 1972.
Il avait suivi une école centrale du PCF d’un mois en 1962 et fut proposé pour suivre l’école de quatre mois. Les années 1970 le virent revenir davantage à l’activité politique. En 1971, Carrez fut candidat aux élections municipales de Besançon sur une liste communiste dirigée par André Vagneron. En 1973, il fut candidat aux élections cantonales à Pontarlier contre Edgar Faure. La même année, candidat titulaire aux élections législatives dans l’arrondissement de Pontarlier, encore contre Edgar Faure, il obtint 3 860 voix sur 57 354 inscrits à l’issue d’une campagne dynamique, menée à mobylette dans les moindres villages. Il n’aurait sans doute pas décliné une offre de candidature en 1977 sur la liste d’Union de la gauche aux municipales de Besançon, mais le parti préférait le voir plutôt jouer un rôle dans le Haut-Doubs. Il fut, en 1978, suppléant aux élections législatives dans la 1re circonscription. Il obtint 422 voix lors des élections pour le conseil général dans le canton de Besançon-Planoise en 1982.
Membre du secrétariat de la fédération communiste depuis 1974, Carrez accéda à ses premières charges d’élu dans les années 1980. En 1983, il devint adjoint au maire de Besançon chargé des bâtiments, des ateliers municipaux et de la santé. En raison des accords signés avec le Parti socialiste, il entra au conseil régional de Franche-Comté. Homme de dossiers mais également bon orateur, il accomplit pour ces deux mandats un travail considérable. Il perdit cependant en 1986 son poste d’adjoint au maire en raison d’un conflit avec la majorité municipale à propos d’une augmentation exceptionnelle des impôts locaux que les élus communistes récusaient. Mais il conserva pour six ans encore ses responsabilités au sein du conseil régional.
Les dissensions qui agitèrent la fédération du Doubs du PCF entre 1986 et 1988 furent pour lui source de chagrin. D’abord plutôt partisan de la recherche d’un compromis pour éviter un éclatement néfaste, il fut peu à peu convaincu que la direction fédérale de l’époque suivait une stratégie trop nébuleuse pour être crédible. Il choisit de rester fidèle à la direction nationale dont il mesurait toutefois la raideur et la maladresse dans cette affaire. Cette crise dramatique brisa de vieilles amitiés et le laissa, en privé, assez désemparé. Elle lui coûta également son siège de conseiller régional en 1992. Il participa à la difficile reconstruction de la fédération après 1989 et fut candidat à deux reprises sur la liste communiste aux élections municipales de Besançon (1989 et 1995). En 1995, les habitants de Nans-sous-Sainte-Anne, village du Doubs où il s’était retiré, vinrent en délégation lui demander de devenir maire. Il se lança avec passion dans ce nouveau travail. Réélu en 2001, il obtint la même année un très bon score au premier tour des élections cantonales d’Amancey comme candidat unique de la gauche.
Après son décès brutal, ses obsèques civiles se déroulèrent en présence d’une foule considérable.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article18810, notice CARREZ Gilbert, René par Maurice Carrez, Jacques Girault, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 14 janvier 2021.

Par Maurice Carrez, Jacques Girault

SOURCES : Arch. comité national du PCF. — Arch. conservées par Vuokko Anneli Carrez et par Maurice Carrez. — Entretiens avec Joseph Adami (17 octobre 2003), Jean-Pierre Abry (13 février 2004), André Vagneron (16 février 2004 et 19 février 2004) et Alain Boussard (19 février 2004). — Clarté (1949-1953). — L’Est Républicain (1977-2003). — Le Comtois (1953-1964). — Nathalie Lambert et Jean-Marie Alix, Jules Carrez 1903-1985. Convictions et engagements d’un instituteur dans le Pays de Montbéliard, Belfort, Realgraphic, 2003, 299 p. — Édouard Boeglin, Edgar, Jean-Pierre et les autres. Destins pour une région, Besançon, Cêtre, 1988.

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