Metz (Moselle), Fort de Queuleu, 12 octobre 1943 - 17 août 1944

Par Philippe Wilmouth, Cédric Neveu

Sonderlager, camp spécial de la Gestapo, 36 victimes.

Fort de Queuleu, 1941.
Fort de Queuleu, 1941.
Crédit photos : Ascomémo - Hagondange

Construit à partir de 1868 à 3 kilomètres au sud-est de Metz, le fort de Queuleu était le plus vaste des ouvrages de la ceinture fortifiée messine édifiée par le lieutenant-colonel Raymond Adolphe Séré de Rivières. Après l’annexion de la Moselle en 1940, redevenu Feste Goeben, ses casernes servirent de camps de prisonniers de guerre pour les Français, puis pour les Serbes, d’annexe de la prison de police, d’entrepôts d’habillage et de kommando de travail du camp de concentration de Natzweiler (Bas-Rhin).
A partir de septembre 1943, l’ampleur des opérations pour détruire le Groupe Mario qui réunissait essentiellement des militants communistes et cégétistes mosellans autour de l’instituteur Jean Burger* obligea la Gestapo de Metz à chercher un centre de détention spécial relevant de sa seule autorité et offrant toutes les garanties de sécurité et de discrétion. La casemate A – ou caserne 2 – du fort de Queuleu était ainsi aménagé pour servir de Sonderlager, un centre d’interrogatoires et de détention dans le cadre du démantèlement de l’activité communiste en Moselle, puis aussi pour tous les résistants au régime nazi imposé à ce territoire annexé (Groupe Derhan, passeurs, otages de la Sippenhaft, réfractaires à la Wehrmacht…). A partir du 12 octobre 1943 et jusqu’au 17 août 1944, près de 1 400 Mosellans dont 173 femmes furent ainsi détenus. A partir de novembre 1943, le camp fut sous la férule du SS-Sturmscharführer (adjudant) Georg Hempen, véritable sadique, vulgaire et brutal « garde-chiourme » qui fit subir aux internés toutes sortes de sévices physiques et moraux. Dans le sous-sol de la casemate, 9 cellules collectives pouvant accueillir de 50 à 60 prisonniers furent aménagées avec des lits superposés où les internés dorment tête-bêche sur des paillasses. Les conditions d’internement visaient à déstructurer les individus pour obtenir les renseignements : interdiction de parler, obligation de rester assis toute la journée, yeux bandés pendant de longues périodes, mains liées, gardien omniprésent, manque d’hygiène, sous alimentation, surpopulation…. Les détenus jugés les plus dangereux étaient enfermés dans une des 18 cellules individuelles. Des kommandos de travail étaient organisés pour la cuisine, pour le déchargement des camions, le pillage des paquets, les tinettes, le ramassage du bois… Les détenus étaient régulièrement sortis de leur cellule pour des interrogatoires, généralement au siège de la Gestapo, anciennement rue de Verdun, actuellement rue Maréchal Leclerc. Quatre détenus réussirent à s’évader par une cheminée d’aération dans la nuit du 19 avril 1944. Seulement 42 détenus furent libérés après leur instruction ; les autres furent déportés, généralement vers le KZ Natzweiler (Bas-Rhin) pour les hommes et vers le camp de sûreté de Schirmeck (Bas-Rhin) pour les femmes. Les conditions d’internement, le sadisme du commandant, le zèle de certains gardiens et les tortures infligées causèrent la mort de 36 internés (voir liste des liens ci-dessous), le premier le 18 novembre 1943. Vingt-quatre d’entre eux appartenaient au Groupe Mario. Dans la précipitation de la crainte de l’arrivée imminente des troupes américaines, le camp fut évacué le 17 août 1944.
Le commandant du camp, condamné à mort par contumace en 1951, bénéficia de la loi d’amnistie allemande, et malgré plusieurs autres jugements, il ne fut jamais incarcéré.
En 1972, une Amicale des anciens internés du fort réhabilite l’ancien camp d’internement qui est ouvert au public depuis 1978.

Liste des victimes
- BALLE Michel.
- BESTIEN Edouard.
- BETTINGER Louis.
- BETTONI Francesco.
- CHAGNY Georges.
- CUMANI Joseph
- DAHM François.
- DEBRE Marcel.
- DERHAN Joseph (
- ENGEL Nicolas.
- FABBRI Dominique.
- FRANCOIS Georges.
- GASS Eugène.
- GAUGIN Marcel.
- GRAZIOLI Georges.
- HAHN Jean-Nicolas.
- HELVIC Nicolas.
- HETTINGER Michel.
- JUNGMANN Jean
- KIRSTEN Joseph.
- LAMBING Jean,
- MARTIN Henri.
- MATT Joseph,
- MATZ Pierre
- MOUSQUET Charles.
- MULLER Joseph.
- PORTHA Guillaume
- SAVERNA Victor.
- SCHNEIDER Emile
- SIENER Adolphe
- STEIB Louis.
- WEBER Henri
- WELSCH Georges.
- WOILLET Nicolas
- ZAKSEK Ferdinand
- ZEIMETZ Michel.

Liens vers les biographies

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article188460, notice Metz (Moselle), Fort de Queuleu, 12 octobre 1943 - 17 août 1944 par Philippe Wilmouth, Cédric Neveu, version mise en ligne le 9 janvier 2017, dernière modification le 25 février 2019.

Par Philippe Wilmouth, Cédric Neveu

Fort de Queuleu, 1941.
Fort de Queuleu, 1941.
Crédit photos : Ascomémo - Hagondange
Fort de Queuleu, reconstitution.
Fort de Queuleu, reconstitution.
Crédit photos : Ascomémo - Hagondange
Plaque commémorative (1977)
Plaque commémorative (1977)
Crédit : Valérie Drechsler-Kayser

SOURCES : Philippe Wilmouth et Cédric Neveu, Les camps d’internement du fort de Metz 1943-1946-Queuleu, Saint-Cyr/Loire, éd. Sutton, 2011.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable