RUTIGLIANO Libertaire [Libertario]. Pseudonyme : Ruty, Dupin, Robin, Leblond, Gauthier.

Par Annie Pennetier, Françoise Strauss

Né le 19 décembre 1921 au Caire (Égypte), mort le 6 mai 1945 à Dachau ; élève-ingénieur ; communiste ; résistant du Front national ; responsable du Front patriotique de la jeunesse ; déporté

Libertaire Rutigliano
Libertaire Rutigliano

Les grands-parents italiens de Libertario s’étaient installés au Caire où son père Nicolo naquit en 1888. Celui-ci socialiste dès l’âge de dix-huit ans adhéra au mouvement communiste après la Première guerre mondiale. Sa mère Ernestine Peretto ( 1897-1965) avait été élève d’une école franciscaine au Caire. En 1926, la famille fut expulsée d’Égypte vers l’Italie, à Naples puis quelques jours plus tard sous une fausse identité quitta l’Italie fasciste avec l’aide du responsable milanais du journal communiste l’Unita pour s’installer en France, à Nice 187 boulevard de la Madeleine, Libertario (prénom qui témoigne d’un sensibilité libertaire de la famille) fréquentait l’école primaire Saint-Barthélémy. Il fut naturalisé français ainsi que son père le 21 août 1932, gardant son prénom italien utilisé en privé et celui de Libertaire à l’école. Après une longue période de chômage, son père Nicolas quitta Nice en mai 1935 pour rechercher du travail aux chantiers navals de Saint-Nazaire (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique). Libertaire, bon élève, boursier, poursuivant sa scolarité dans des conditions difficiles, sa mère étant interné, il devait assurer les tâches quotidiennes se montrant responsable et autonome. En 1936, avec sa mère, il rejoignit Saint-Nazaire où il poursuivit de brillantes études, baccalauréat en juillet 1939, puis intégra une classe préparatoire scientifique, au lycée Clemenceau de Nantes.
Reçu en mai 1942 à l’ École centrale des Arts et manufactures, il résida à Paris pendant un an. Il resta en contact avec ses proches de Nantes, l’arrestation et la déportation de la famille juive polonaise et amie, les Galek constitua un des facteurs de son engagement résistant. Ainsi, il organisa une cellule du Front national composée essentiellement d’étudiants qui publia le journal clandestin Front. À Paris, il participa à une action armée, la récupération d’obus allemands dans une école en endossant un uniforme militaire allemand. Rentré à Nantes pendant les vacances universitaires de l’été 1943, il abandonna ses études pour se consacrer à la résistance. La direction interrégionale du Front national le chargea de réorganiser le mouvement décapité par la répression en janvier 1943, et la Fédération clandestine communiste de Loire-Inférieure décida d’installer le siège du Parti communiste clandestin dans la maison familiale 82 route de la Chapellle, son père Nicolas militant communiste sous surveillance policière depuis 1941 l’aidait. Sous la protection du communiste et directeur de l’Institut polytechnique de l’Ouest, Paul Le Rolland, Libertario et ses camarades dont André Valtier intensifièrent la propagande en utilisant le matériel de duplication de l’école et réussirent à faire paraitre le journal Front numéro sept puis installèrent une imprimerie clandestine rue Bonaparte où ils publiaient en décembre 1943 six journaux par mois, Le Réfractaire,l’Intellectuel libre...et des faux-papiers d’identité. Paul Le Rolland l’avait inscrit comme auditeur libre afin de lui éviter la répression et un départ en Allemagne dans le cadre du STO.
En novembre 1943, il intégra le Comité départemental de libération de la Loire-Inférieure en tant que représentant du Front national avec son ami André Valtier représentant le Parti communiste. Suite aux nombreuses arrestations, ce comité fut dissout en février 1944. Le 1er février, ils avaient permis l’évasion du communiste Lucien Bedja Ramdane du sanatorium de Carquefou. Au début de 1944, le Front national le nomma responsable interdépartemental des Forces unies de la jeunesse patriotique de l’Ouest et il s’installa quelque temps à Parthenay (Deux-Sèvres). Il rentra à Nantes en mars 1944, alors que le Service de répression des menées anti-nationales SRMAN, anciennement Service de police anti-communiste, était en train de démanteler les réseaux du Front national.
Libertaire Rutigliano fut arrêté le 1er avril 1944, avec son père à leur domicile nantais par sept agents de la police allemande ou du SRMAN, blessé par balle à la jambe dans sa fuite. Ils furent interrogés et torturés avec barbarie dans les locaux de la Sipo-SD de la place Maréchal-Foch. Internés dans la prison de la rue Descartes à Nantes, Libertaire fut transféré le 8 juin au camp de Compiègne puis déporté le 18 juin vers le camp de Dachau. Libertaire avait le matricule 73926. Le 4 juillet, il fut intégré au camp secondaire d’Allach, pour travailler en tant qu’élève ingénieur à l’usine BMWZ qui fabriquait des pièces d’aviation. Au sein du camp, il participa au réseau de solidarité des détenus et chercha à lutter contre la désinformation nazie. Cette attitude lui valut de mauvaises traitements. Épuisé par la tuberculose, il mourut le 6 mai 1945 et fut inhumé dans une fosse commune du cimetière d’Allach le 9 mai 1945.
André Valtier avait été arrêté le 1er mai 1944 à Niort et fut abattu à la mitraillette le 3 avril 1945 à l’arrivée des Alliés dans le camp de travail de Bad Gandersheim près de Buchenwald.

Nicolas Rutigliano son père recueillit des témoignages sur son fils et en juin 1945 se constitua le Comité Rutigliano, proche du Front national, avec Jean Philippot professeur au lycée Clemenceau et maire de Nantes. En 1946, le Comité dont le président est Paul Le Rolland, publia à sa mémoire une brochure intitulée Sacrifices, rééditée en 1989. En 1948, Nicolas Rutigliano réalisa un buste de son fils figurant un homme au crâne rasé et portant l’uniforme des déportés. En 1965, à la mort de sa mère, à l’initiative de Jean Philippot la statue de bronze rejoignit le lycée Clemenceau où après être tombé dans l’oubli fut redécouvert en 1970. Un travail pédagogique permit de redécouvrir son passé et en 1980, le collège du Port-Boyer à Nantes, 60 rue de l’Éraudière prit le nom de Libertaire Rutigliano où un buste fut placé en 1984 dans l’enceinte du collège. En 1999, le sculpteur Jean Guitteny, réalisa un nouveau buste en pierre blanche représentant Libertario jeune et en bonne santé, qui figure sur la tombe de sa mère Ernestine au cimetière du Pont-du-Cens.
En 2015, une grande exposition fut réalisée par les enseignants et leurs élèves du collège, elle est visible sur le site du collège Libertaire-Rutigliano.
Sa mémoire est également honorée à Paris IIIe arr. sur la plaque commémorative du CNAM Centre nationale des arts et métiers anciennement École centrale, et à Chatenay-Malabry (Hauts-de-Seine) sur le Livre d’or des anciens élèves de l’École centrale Morts pour la France.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article189215, notice RUTIGLIANO Libertaire [Libertario]. Pseudonyme : Ruty, Dupin, Robin, Leblond, Gauthier. par Annie Pennetier, Françoise Strauss, version mise en ligne le 7 mars 2017, dernière modification le 13 octobre 2021.

Par Annie Pennetier, Françoise Strauss

Libertaire Rutigliano
Libertaire Rutigliano
Buste de Libertaire Rutigliano dans le collège Libertaire-Rutigliano
Buste de Libertaire Rutigliano dans le collège Libertaire-Rutigliano
Nantes, Cimetière de la Gaudinière, Buste de Libertaire Rutigliano.

SOURCES : Notes de Carlos Fernandez . — Site Résistance44 ; clg-rutigliano.loire-atlantique.e-lyco.fr, historique. — Dominique Bloyet, Jean-Pierre Sauvage, La répression anticommuniste Loire-Inférieure 1939-1944, Geste éditions, 2005 . — Site Wikipédia .— MemorialGenweb.

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