AMEUILLE Eugène

Par Jean-Luc Labbé

Né en 1835 et mort vers 1890 à Châteauroux (Indre) ; artisan mécanicien puis épicier ; franc-maçon, fondateur de la première organisation socialiste à Châteauroux en 1885, conseiller municipal radical puis socialiste.

Militant démocrate lors de la proclamation de la République en 1870, tout d’abord artisan en mécanique puis épicier domicilié 7 route de La Châtre à Châteauroux, Eugène Ameuille était membre de la loge maçonnique « L’Etoile du Centre » créée le 13 mars 1870 où il côtoyait Louis Patureau qui sera maire (républicain radical opportuniste, neveu de Patureau-Francoeur) de Châteauroux de 1884 à 1892 et Bellier qui fut maire radical-socialiste en 1890 et député en 1892. En mai 1881, Ameuille fut élu secrétaire du Comité républicain démocratique de Châteauroux qui se créa à cette date.
Début 1885, Eugène Ameuille favorisa la parution à Châteauroux du journal Le Travail, "organe des travailleurs des villes et des champs", édité par la Fédération des Travailleurs socialistes de France (parti socialiste de Jean Allemane et de Paul Brousse). Le 29 novembre 1885 paraissaient les statuts de L’Union des travailleurs des villes et des champs, première tentative d’une union départementale dans l’Indre. Le siège, à Châteauroux, se trouvait 6 rue Guimon Latouche, adresse de l’entrepôt de vins et de spiritueux d’Arthur Martinet, lui aussi conseiller municipal de Châteauroux.
Eugène Ameuille devint le président de cette organisation socialiste castelroussine, la première officiellement constituée depuis les débuts de la Troisième République. Dans la foulée, il fut exclu du Comité républicain présidé par le maire. Alors que le conseil municipal de Châteauroux était incomplet (il manquait quatre élus du fait de décès et de démissions), Ameuille présenta un vœu au conseil municipal pour des élections partielles complémentaires, ce que refusa le maire. Ce vœu fut voté par six conseillers municipaux sur les vingt-trois présents, ce qui permit de mesurer la situation nouvelle et le rapport de force créés par l’émancipation politique des socialistes.
Fin juillet 1886, Ameuille, qui était alors toujours conseiller municipal, se présenta au conseil d’arrondissement (avec Martinet également conseiller municipal) contre les candidats radicaux. Il obtint 835 voix, soit 16% des suffrages exprimés. Par son désistement il permit l’élection des radicaux au second tour. Cette élection constitua à Châteauroux la première manifestation électorale autonome d’un courant socialiste sous la Troisième République. En cette même année 1886, la Société typographique se transforma en syndicat, première organisation syndicale ouvrière dans le département de l’Indre à se déclarer conformément à la loi de 1884.
Lors des élections municipales de 1888, Eugène Ameuille prit la tête d’une liste socialiste incomplète de 18 candidats pour 27 postes à pourvoir : Bottin Eugène (né en 1845 vigneron et conseiller sortant élu en 1884), Martinet Arthur (marchand de vin et conseiller sortant né en 1848), Bidault (conseiller sortant), Augras Edmond (fabricant de biscuit), Bauché-Bisson (banquier), Basset François (propriétaire vigneron), Bourgognon Auguste (maçon et sergent-major des pompiers), Faure Albert (négociant en vin), Fortet Georges (vigneron), Lamoureux (fondeur), Meillet Henri (commerçant), Moreau Henri (charpentier), Petit (architecte), Patrigeon (cafetier), Papiot Louis (ancien boulanger), Prin (vigneron ancien conseiller municipal), Villaudière Jules (ébéniste né en 1850 et ancien conseiller municipal de 1881 à 1884), Souet André (vigneron né en 1829 et conseiller municipal de 1878 à 1882). Les ouvriers étaient notoirement absents de cette liste, ce qu’Edmond Augras s’efforcera de corriger en 1896. Mais on notait la présence des vignerons (et marchands de vin) qui constituaient alors la base sociale des « rouges », dans la suite de l’histoire politique des Patureau-Francoeur père et fils. Le « siège de campagne » des socialistes se trouvait au Café de l’Union, dans le quartier populaire de Saint-Christophe qui, avec celui de Saint-Denis constituaient les banlieues vigneronnes et protestataires de la préfecture de l’Indre.
La liste recueillit une moyenne de 500 voix et aucun candidat ne fut élu. Ameuille et ses camarades ne se présentèrent pas au second tour et appelèrent à voter pour la liste de Patureau, le maire radical sortant. C’était un échec mais leur désistement était indispensable pour empêcher l’élection de la droite. Lors des élections municipales suivantes, en 1892, Ameuille, Augras et les socialistes décidèrent d’une stratégie d’alliance au premier tour et revinrent au conseil municipal sur la liste de gauche entièrement élue au 1er tour ; dans un rapport de force de un à trois pour les radicaux. Pour cette élection Ameuille avait fait appel à Silvain Lefèvre, vigneron et président de la société vigneronne, pour figurer sur le contingent socialiste.
Eugène Ameuille décéda vers 1890. Edmond Augras le 23 juillet 1895 dans Le Progrès du Centre témoigna du rôle d’Ameuille dans la naissance d’un parti socialiste à Châteauroux : « À sa mort, le citoyen Ameuille en me confiant ce dossier [de représenter le courant socialiste] m’a prié de continuer l’œuvre qu’il avait commencée, je ne faillirai pas à cette noble tâche. A l’évocation de ce nom, un tonnerre d’applaudissements éclate ».
Bénéficiant d’une notoriété certaine et d’un caractère bien trempé, Eugène Ameuille était également capitaine (volontaire) des pompiers de Châteauroux et président de l’amicale départementale ainsi que de la mutuelle des sapeurs-pompiers du département de l’Indre. Franc-maçon, notable, venant du radicalisme, fondateur d’un courant socialiste possibiliste, Ameuille contribua à organiser de 1885 à 1888 un socialisme castelroussin réformiste quand, en 1882 à Issoudun, le Comité Central Révolutionnaire d’Édouard Vaillant avait déjà créé ses premières organisations qui affichaient plus volontiers le drapeau rouge des héritiers de La Commune.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article189664, notice AMEUILLE Eugène par Jean-Luc Labbé, version mise en ligne le 13 mars 2017, dernière modification le 27 septembre 2022.

Par Jean-Luc Labbé

SOURCES : Journaux Le Travail et Le Progrès de l’Indre (Arch. Dep. Indre). — Robert Durandeau, Histoire des Francs-maçons en Berry, Editons Souny, 1990. — Arch. Dép. Indre.

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