Par Dominique Tantin
Né le 5 mai 1879 à Jassy (Roumanie), massacré le 29 mars 1944 à Corgnac-sur-l’Isle (Dordogne) ; menuisier ; victime civile.
Michel Leibovici était le fils de Hermann Leibovici et de Fanny Schwartz, et l’époux de Clara, Chaje Schwarz. Le couple eut deux filles, Jetti Leibovici, née le 5 juin 1907 à Sereth (Roumanie) et Dora Leibovici, née en 1911.
La famille émigra en France et Michel Leibovici s’installa d’abord à Belfort où il fut immatriculé au service des étrangers le 16 avril 1921, puis à Strasbourg en 1928, où il créa en septembre une menuiserie mécanique, 9 rue du Jeu de Paume. Le 17 août 1929, leur fille ainée, Jetti , épousa Jacques Makowski.
À l’instar de nombreux habitants du Bas-Rhin, dont de nombreux juifs, les familles Makowski et Leibovici durent se replier en Dordogne lorsque la guerre fut déclenchée. Elles élurent domicile dans la commune d’Excideuil et furent hébergés chez les époux Reynaud domiciliés place Bugeaud. Gilberte Reynaud, l’une de leurs deux filles, était l’institutrice des enfants Makowski.
Les familles Makowski et Leibovici furent victimes de la répression qui se déchaina en Dordogne en 1944. Le département fut occupé par les Allemands lorsqu’ils envahirent la zone dite libre le 11 novembre 1942. Il devint une terre de maquis contre lesquels les Allemands organisèrent une lutte d’une extrême violence en appliquant les méthodes du front de l’Est. Du 26 mars au 19 avril 1944, la division Brehmer mit à feu à sang les départements de la Dordogne, de la Corrèze et de la Haute-Vienne. Les victimes furent des maquisards, mais aussi des habitants tués en représailles, et parmi eux, les communistes et les juifs étaient les cibles prioritaires, l’incarnation du judéobolchevisme, la figure centrale de l’ennemi dans l’imaginaire nazi. Jacques Makowski fut abattu le 29 mars 1944 à 16h30 à Clermont-d’Excideuil. Le même jour, son beau-père, Michel Leibovici, fut, selon Guy Penaud, « tué sur la rive droite de l’Isle à Corgnac, son corps, jeté à l’eau ». Après ces exécutions, les Allemands s’en allèrent dire au maire de Corgnac que deux de leurs prisonniers qui avaient tenté de s’évader, venaient d’être tués par leurs gardiens.
Les Juifs furent nombreux parmi les victimes de la Division Brehmer. Ainsi, convergeaient, comme dans bien d’autres endroits depuis 1941, répression et pratiques génocidaires.
A la fin de la guerre, Mme Makowski et trois de ses enfants (Fernand 13 ans ayant été envoyé à Strasbourg), et sa mère, s’installent dans un baraquement à Périgueux. En 1945, Mme Makowski doit entreprendre des démarches pour, d’une part, obtenir l’autorisation de rentrer à Strasbourg (l’appartement de la famille étant occupé) ; d’autre part, pour sa mère, Mme Leibovici, obtenir un dédommagement pour spoliation de la menuiserie de son époux (menuiserie occupée d’abord par les troupes et la police allemande comme atelier de réparation, puis vendue par contrat à M. Reisser).
Ces démarches se révélèrent infructueuses et ce n’est que le 20 décembre 1946 qu’un certificat établit une déclaration d’arrivée de la famille à Strasbourg.
Le 13 novembre 1947, les corps de Michel Leibovici et de Jacques Makowski furent exhumés et transportés pour être enterrés dans le carré des victimes de guerre du cimetière israélite de Cronenbourg, à Strasbourg.
La famille garda longtemps des relations épistolaires avec la famille Reynaud. À partir de 1973, Henriette, Lucie et Gérard et ses enfants se sont rendus à plusieurs reprises à Excideuil et ont été reçus par Mme Reynaud, puis, après son décès, par Odette Desbrosse dans la maison même où la famille avait été accueillie.
Par Dominique Tantin
SOURCES : Témoignage et documents de Monsieur Gérard Makowski, Paris, 8 février 2016. — Guy Penaud, Les crimes de la division Brehmer, la traque des résistants et des juifs en Dordogne, Corrèze, Haute-Vienne (mars-Avril 1944), Périgueux, Éditions La Lauze, 2004, p. .185, 194, 402. — Bernard Reviriego, Les Juifs en Dordogne, 1939-1944, Périgueux, Editions FANLAC et Archives départementales de la Dordogne, 2003, pp. 405-406.