Par Gilles Pichavant
Né le 4 mars 1875 Auberchicourt (Nord), mort le 2 avril 1945 à Denain (Nord) ; mineur à Denain, puis à Jurques (Calvados) ; délégué mineur à Denain en 1900, secrétaire du syndicat des mineurs de Jurques en 1914.
Roland Cérézo naquit le 4 mars 1875 à Auberchicourt (Nord), fils d’un mineur de charbon et d’une ménagère. Il connut une enfance et une adolescence difficiles, sont père étant mort le 23 avril 1877, à Liévin (Pas-de-Calais), alors qu’il venait d’avoir deux ans. Le 30 juin suivant, son frère Hippolyte naissait à Denain. Roland devint mineur de charbon comme son père. Le 9 octobre 1897, il se maria à Denain (Nord) avec Géraldine Ribaucourt, mais à l’époque il était devenu verrier. Ils eurent au moins 6 enfants auxquels ils donnèrent des prénoms révolutionnaires : Marat (1898-1968), qui devint militant socialiste et syndical du Nord ; Danton (1899-1975) ; Henri Guillotin (1905-1909) ; Saint-Just (1908-1962) ; Marceau ; Marianne. En 1902, il fut réformé militaire pour tuberculose pulmonaire.
Au début de l’année 1900, Roland Cérézo fut élu délégué mineur de la Fosse Renard n°1, à Denain, appartenant à la Compagnie des mines d’Anzin. Le directeur contesta son élection devant la préfecture du Nord, mais le 20 mars 1900, le conseil de préfecture rejeta la protestation de la direction et confirma son élection. En décembre 1902, il dénonça le fait que la compagnie maintenait des enfants au fond pendant 14 ou 15 heures, et prit l’initiative de les faire remonter à la surface, malgré la protestation des porions et de l’ingénieur. A la veille du 1er mai 1906, il subit une perquisition à son domicile, en même temps que son frère Hippolyte Cérézo, aussi mineur ; Pierre Coupez, le secrétaire du syndicat des métallurgistes ; Casimir Deferrez, délégué mineur ; et Camille Desmules, trésorier du syndicat des métallurgistes. Ils étaient tous membres du Comité de grève de Denain, et la police cherchait à étayer un soupçon de menées anarchistes réprimées par la loi, chose qui aurait permis leur arrestation, mais ils ne furent pas arrêtés.
Depuis août 1906 au moins, Roland Cérézo était délégué mineur à la fosse L’Enclos à Denain. En février 1909, il assumait toujours cette fonction. Il était également, au cours de cette période, membre du conseil d’administration de la Fédération syndicale des ouvriers mineurs CGT (FSM) du Nord, associée à celle du Pas-de-Calais (Voir à Georges Dumoulin et à Benoît Broutchoux).
Il représenta le groupe de Denain lors du congrès régional libertaire qui eut lieu en août 1907. En avril 1910, il fut signataire avec Edmond Pizetti, Henri Boisleux, Seux*, Combé-Morel*, Perrin*, Leglaud* et Lourtioux*, d’un appel adressé à "tous ceux qui s’intéressent à la propagande anti-parlementaire", à participer à une conférence devant se tenir le 3 avril chez le camarade Jules Leglaud*, débitant à Rouvroy-Nouméa.
Roland Cérézo fut licencié en mai 1910, en même temps que Henri Boisleux*. Il quitta Denain, mais en 1914, Roland Cérézo était secrétaire du syndicat des mineurs de Jurques (Calvados), mineurs de fer. L’Ouest-Éclair, le qualifia d’agitateur professant des théories anarchistes et libertaires.
Le 23 février 1914, suivant les décisions prises lors du congrès national de la fédération du sous-sol, les mineurs de Jurques, « syndiqués et disciplinés » cessèrent le travail pour protester contre le vote du Sénat sur la question des retraites minières. La grève durait depuis 4 jours sans que rien ne soit venu troubler l’ordre lorsque le 27 se produisit un incident entre quelques grévistes et un groupe de non grévistes. Un brigadier de gendarmerie prétendit avoir été attaqué vers 5 heures du matin par un groupe de manifestants, sur les incitations de Cérézo. Immédiatement la gendarmerie procédait à 5 arrestations. Les arrêtés furent tous inculpés « d’entrave à la liberté du travail et de violence à gendarme dans l’exercice de ses fonctions ». Parmi eux il y avait plusieurs travailleurs de nationalité espagnole (José-Maria Gago*, Ricardo Rodriguez, Barcellina Landelino).
Le 10 avril 1914 il fut condamné par le tribunal correctionnel de Vire (Calvados) à 6 mois de prison et 5 ans d’interdiction de séjour, pour atteinte à la liberté du travail, le procureur ayant déclaré, d’après un article dans l’Humanité du 20 mai 1914, signé de Léon Jouhaux : « S’il s’agissait de faits de droit commun, je ne vous demanderai qu’une condamnation banale, car les incidents sont eux-mêmes bénins ; mais il s’agit de faits d’ordre syndicaliste, et nous devons à la veille de l’industrialisation de ce pays, frapper un grand coup pour semer la terreur bienfaisante dans cette population ouvrière » ». Fait aggravant, Roland Cérézo fut en outre accusé d’avoir crié lors d’un accrochage avec des non-grévistes : « Allons allons, tricotez-moi tout ça. ».
Ayant fait appel de la condamnation avec Rodriguez et Barcélina, la condamnation à de la prison fut doublée, le 30 avril à Caen, pour ces trois condamnés, soit un an de prison pour Cérézo, 4 mois pour Rodriguez, et deux mois pour Barcélina, en maintenant les 5 ans d’interdiction de séjour.
Dans cet article de l’Humanité, titré « Un scandale Judiciaire ; condamnation odieuse de militants ouvriers », le secrétaire général de la CGT dénonça la précipitation de la procédure d’appel, qui ne tint pas compte des délais légaux, ce qui entrava les moyens de la défense. Il fustigea le prétexte utilisé par le procureur pour refuser le report du jugement : « je ne puis vous accorder la remise, car il y a deux condamnés qui doivent sortir ces jours-ci et je n’aurai pas le temps de leur signifier leur interdiction de séjour », le procureur ayant réclamé pour « ces ouvriers étrangers qui viennent commander en ce pays le maximum de la peine. ». Faisant la relation avec une affaire similaire en Meurthe-et-Moselle, et à l’affaire Durand, il appela toutes les organisations de la CGT à la solidarité et « à mener une campagne énergique », en insistant « sur l’effroi jeté parmi les travailleurs étrangers et par voie de conséquence l’impossibilité de créer des organisations syndicales » en Basse-Normandie si le jugement d’appel n’était pas cassé par la Cour de cassation.
Le 29 juillet 1915, Roland Cérézo fut condamné par le conseil de guerre permanent de la 13e région militaire à la peine de six mois d’emprisonnement pour avoir tenté d’empêcher le départ d’un jeune soldat, et pour cris séditieux dans un lieu public.
Roland Cérézo, délégué mineur aux mines d’antimoine du Colombier et habitant le village de Massagette commune de Saint-Pierre Roche quitta le département du Puy-de-Dôme pour le n°67 rue Mouffetard à Paris, en mars 1916.
Roland Cérézo mourut le 2 avril 1945 à Denain (Nord). Il s’était remarié le 22 février 1930 à Amiens (Somme) avec Marie-Louis Delbeghe. Il se remaria de nouveau, le 1er février 1936 à Denain, avec Géraldine Ribaucourt. Était-ce une homonyme, ou avait-il divorcé d’avec elle avant 1930 ? L’acte de naissance ne porte pas de mention de divorce.
Par Gilles Pichavant
SOURCES : Archives départementales du Puy-de-Dôme, M 3886. — L’Égalité de Roubaix-Tourcoing du 23 mars 1900 et du 5 décembre 1902 — Le Figaro, du 28 avril 1906 — L’Humanité, le 20 mai 1914 — L’Ouest Eclair (Ed. 14, 50, 61, 72), édition du 14 avril 1914 et du 6 mai 1914— Arch. Municipales du Havre, Vérités, Juin 1914, cote 4MI-769. — Arch. Dép. du Nord, registre matricule 1R2465/1086 — État civil en ligne aux Arch. Dép. du Nord. — L’Action syndicale, organe des travailleurs du Pas-de-Calais, 19 août 1906, 3 avril 1910 (BNF Gallica). — Notes de Louis Botella et de Richard Dujon.